Le Comité de l'abus de droit fiscal vient nous rappeler que la modification des dates de clôture d'exercice ne peut servir d'instrument pour contourner artificiellement les règles de déchéance du régime fiscal privilégié des sociétés d'investissement immobilier cotées (SIIC).
Le régime des sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC), prévu à l’article 208 C du CGI, est un dispositif fiscal dérogatoire qui permet à ces sociétés et à leurs filiales de bénéficier d’une exonération d’impôt sur les sociétés pour la fraction de leur bénéfice provenant de la location d’immeubles et des plus-values sur la cession d’immeubles ou de participations, sous certaines conditions.
L'une d'elles impose que le capital ou les droits de vote ne soient pas détenus à hauteur de 60% ou plus par une ou plusieurs personnes agissant de concert. Le non-respect de cette condition entraîne la cessation rétroactive du régime au premier jour de l'exercice concerné.
Dans deux cas examinés par le comité de l'abus de droit fiscal lors de sa séance du 12 juin 2025 (Affaires n° 2 025-01 Société X et n° 2 025-02 Société SCI A W), les sociétés se trouvaient dans une situation identique : engagées dans des cessions immobilières majeures représentant l'essentiel de leur patrimoine, elles savaient que leurs actionnaires majoritaires respectifs lanceraient consécutivement des offres publiques aboutissant au dépassement du seuil de 60%.
- La société X connaissait dès février 2019 les intentions de son actionnaire détenant 54% de lancer une OPRA suivie d'une OPR,
- tandis que la société A était informée depuis février 2018 des projets de son actionnaire détenant 50,1% puis 56,77%.
Face à cette perspective, les deux sociétés ont adopté la même stratégie : modifier leur date de clôture d'exercice pour "isoler" les plus-values de cession dans un exercice raccourci se terminant avant le dépassement du seuil de détention.
Cette modification, présentée comme relevant de la liberté de gestion des entreprises, visait en réalité à maintenir artificiellement le bénéfice du régime SIIC sur des opérations de cession d'une ampleur exceptionnelle, générant des plus-values de 913 M€ pour la société X et substantielles également pour la société A.
Le Comité de l'abus de droit fiscal a considéré que ces modifications relevaient d'un but exclusivement fiscal contraire aux objectifs du législateur.
- Il s'est prévalu d'abord, de l'absence de justification économique ou réglementaire crédible pour ces changements de date de clôture, les sociétés n'établissant pas que l'Autorité des marchés financiers (AMF) leur avait imposé ces modifications ou qu'elles étaient indispensables à la réalisation des opérations.
- Ensuite, il s'est prévalu de la connaissance préalable et certaine du dépassement du seuil de 60%, rendue publique dès l'annonce des offres publiques.
Le Comité rappelle que le législateur a institué le seuil de 60% précisément pour éviter la création de SIIC contrôlées par un actionnaire majoritaire, contraires à l'esprit de diversification de l'actionnariat que vise ce régime. Permettre aux sociétés de contourner cette règle par de simples manipulations calendaires viderait de sa substance cette condition fondamentale !
Dans les deux affaires, l’administration a pris note de l'avis émis par le comité.