Le CADF a été saisi d'une opération classique de "coup d'accordéon" (réduction de capital par rachat de parts suivie d'une augmentation de capital le même jour). L'opération visait à déguiser une distribution de dividendes en plus-value mobilière pour bénéficier d'un abattement de 85 %. Si le Comité a sans surprise qualifié le montage d'artificiel, il a néanmoins invalidé la procédure.
A la suite de la décision n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014 du Conseil constitutionnel, le régime fiscal du rachat par une société de ses propres parts ou actions a été modifié par l'article 88 de la LFR pour 2014. Pour les rachats réalisés à compter du 1er janvier 2015, le résultat constaté par le porteur de parts ou actionnaire est imposé selon le seul régime des plus-values.
En effet, l'article 112, 6° du CGI prévoit que ne sont pas considérées comme des revenus distribués les sommes ou valeurs attribuées aux associés ou actionnaires au titre du rachat de leurs parts ou actions. Le régime des plus-values prévu aux articles 150-0 A et suivants du CGI est alors applicable.
Affaire n° 2024-31
Mme X, associée unique d'une EURL d'expertise comptable, avait accumulé d'importantes réserves. En 2021, elle a effectué des prélèvements sur la société, rendant son compte courant d'associé fortement débiteur (plus de 283 000 €). Pour apurer ce compte et appréhender les réserves, Mme X a réalisé un "coup d'accordéon" le même jour (17 décembre 2021) :
- Réduction de capital : La société lui a racheté des parts pour 637 897 €, apurant son compte courant et lui laissant un crédit.
- Augmentation de capital : La société a immédiatement augmenté son capital du même montant par incorporation de réserves.
À la fin, le capital était inchangé et Mme X détenait toujours 100 % des parts. La seule différence : les réserves avaient été transférées à l'associée.
Mme X a déclaré cette opération comme une plus-value de cession (Régime susvisé de l'article 112, 6° du CGI), lui permettant d'appliquer un abattement renforcé de 85 % pour durée de détention avant de soumettre le solde au barème progressif de l'impôt sur le revenu. L'imposition totale s'est élevée à 161 027 €.
L'administration a appliqué la procédure de l'abus de droit. Elle a estimé que le montage était artificiel, que l'opération visait exclusivement à déguiser une distribution de dividendes (normalement taxée au PFU de 12,8 % ou au barème progressif) en plus-value. Elle a donc requalifié les sommes en dividendes et appliqué la majoration de 80 %, réclamant 449 707 €.
L'avis du Comité
- Sur le caractère artificiel : Le Comité a validé la position de l'administration sur le fond : le montage est bien un abus de droit. L'opération (réduction et augmentation le même jour) est artificielle, n'a aucune substance économique et la justification d'une future ouverture du capital a été jugée non crédible (la promesse de vente ayant été rédigée le jour même de la réception du redressement).
- Sur le gain fiscal : L'article L. 64 LPF ne peut s'appliquer que si le contribuable a effectivement éludé ou atténué sa charge fiscale.
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La contribuable a payé 161 027 € (via son montage abusif + option pour le barème). 
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L'administration soutenait que si les sommes avaient été traitées comme des dividendes en gardant l'option pour le barème (devenue irrévocable), l'impôt aurait été de 183 045 €. Le gain était donc réel. 
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Le Comité a rejeté l'argument de l'administration. Il a jugé que l'option pour le barème était indissociable du choix abusif de la plus-value (pour obtenir l'abattement de 85 %). Si l'administration écarte la plus-value, elle ne peut pas retenir l'option qui l'accompagnait. 
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La "charge fiscale normale" doit donc être calculée selon le régime de droit commun des dividendes, à savoir le PFU. 
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Or, taxée au PFU, la distribution aurait coûté 98 745 € à Mme X. 
 
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Conclusion du Comité : Le montage abusif (161 027 €) a coûté plus cher à Mme X que la voie légale (98 745 €). L'opération, bien qu'artificielle, n'a pas atténué la charge fiscale. Par conséquent, l'administration n'était pas fondée à mettre en œuvre la procédure de l'abus de droit fiscal.
(Nota : L'administration a indiqué qu'elle ne suivrait pas l'avis du Comité sur ce point.)