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Droits de mutation

Contribution inégale des indivisaires à l’acquisition d'un bien et donation indirecte

La Cour d’Appel de Versailles vient de rappeler que la contribution financière effective de chacun des indivisaires à l’acquisition du bien ne traduit pas automatiquement une donation indirecte.

La doctrine administrative (BOI-ENR-DMTG-20-10-10 n°1003) précise que, bien qu’elle soit dispensée des formes solennelles exigées pour les donations par l’article 931 du code civil, elle reste néanmoins soumise à la réunion de toutes les conditions de fond des donations ordinaires de l’article 894 du code civil :

  • L’intention libérale du donateur (l’avantage procuré au donataire doit résulter de la volonté du donateur) ;

  • Le dessaisissement immédiat et irrévocable du donateur entraînant son appauvrissement ;

  • L’acceptation par le bénéficiaire, ayant pour conséquence un enrichissement à due concurrence.

C’est à l’administration fiscale qui invoque que l’avantage a été consenti dans une intention libérale d’en rapporter la preuve. Toutefois, en cas de contentieux, l’appréciation de l’intention libérale relèvera du pouvoir souverain des juges du fond.

Rappel des faits

Par acte du 24 octobre 2008, M. Z et Mme DY ont acquis en indivision par part respective de 85% pour le premier et de 15% pour la seconde, un appartement pour le prix de 1 100 000€. L’acquisition a été financée par M. Z par un apport en fonds propres de 710 000 € et par un prêt de 400 000 € souscrit solidairement par les parties.

La brigade de vérification du centre des Finances publiques a adressé le 18 mai 2011 à Mme DY une proposition de rectification à hauteur de 38 065 € majorés d’intérêts de retard de 4 931 euros, soit au total de 42 996 €.

L’administration fiscale a, pour ce faire, considéré que l’acquisition réalisée par Mme C traduisait une donation indirecte à son profit de 15% de 710 000 €, apportés par le seul M. Z, de sorte que Mme DY avait bénéficié d’une donation indirecte de 106 500 € qui devait être assujettie à des droits de mutation à titre gratuit (Art. 777 du CGI).

Mme DY a présenté ses observations par courrier du 30 juillet 2011 et l’administration fiscale, confirmant le rappel des droits par courrier du 30 août 2011, a rejeté la demande de Mme C, tendant à la décharge des droits réclamés.

Faisant suite à la réclamation contentieuse présentée le 13 janvier 2012, l’administration fiscale a maintenu sa position.

Mme DY a alors fait assigner la DDFiP devant le TGI de Versailles aux fins d’obtenir la décharge totale des impositions litigieuses. Le Tribunal ayant rejeté ses prétentions, Mme DY a fait appel.

La Cour d’appel vient de donner raison à Mme DY

Mme DY a fait valoir que les trois conditions nécessaires à la qualification de donation indirecte manquent en fait.

  • Elle soutient notamment que M. Z et elle-même ont tenu un compte d’indivision relatif à l’acquisition et aux dépenses de toutes natures générées par le bien , de la date d’acquisition à la cession du bien , plus précisément du 24 octobre 2008 jusqu’au 31 mars 2018, le bien ayant été vendu le 6 avril 2018 .

  • Elle précise que l’acte de vente mentionne selon quelles modalités le prix de vente a été réparti entre elle et M. Z et affirme que la somme de 710 000 € apportée par M. Z sur ses propres deniers lors de l’acquisition, lui a été intégralement remboursée.

  • Elle explique que lors de l’acquisition du bien, ils avaient formé le projet de donner le bien à bail, après la réalisation de travaux et qu’elle devait contribuer au financement correspondant à sa quote-part, au moyen des revenus locatifs escomptés.

  • Elle expose qu’ils ont ensuite décidé en 2017 de vendre le bien et que tant la tenue d’un compte d’indivision retraçant les dépenses payées par M. Z que la répartition du prix de vente entre eux, démontre l’absence d’intention libérale de la part de M. Z auquel l’apport fait en deniers personnels a été intégralement remboursé.

L’administration fiscale prétendait quant à elle que l’intention libérale se trouve caractérisée par le lien privilégié existant à la date de la cession entre Mme DY et M. Z qui vivaient en situation de concubinage notoire et par le fait que Mme DY est devenue propriétaire de 15% du bien litigieux sans aucune participation financière de sa part.

Elle prétendait également que l’enrichissement de Mme DY a été financé par les fonds personnels de M. Z, que l’intention libérale s’apprécie au jour de l’acquisition, que Mme DY n’a pas reconnu être débitrice de M. Z et qu’une simple inscription comptable en compte courant sans date certaine ne constitue pas une reconnaissance de dette.

L’acte en lui-même ne porte pas la marque d’une intention libérale de M. Z ; que le paiement au moyen pour partie de deniers personnels à l’un des indivisaires peut avoir des causes multiples autres qu’une intention libérale ; qu’il peut notamment correspondre à une contrepartie tenant à l’implication en nature de l’autre indivisaire dans la vie familiale, à l’entretien de l’immeuble par cet indivisaire ou à l’organisation de l’amélioration du bien ; qu’il est ici constant que les parties avaient un projet familial commun, qu’ils ont eu deux enfants et que les travaux entrepris ont procuré au bien une plus value confortable ;

Considérant de plus que les comptes annuels d’indivision produits aux débats suffisent à démontrer que M. Z a entendu, depuis la création de l’indivision, se ménager des preuves des investissements réalisés sur ses deniers, afin de pouvoir en demander compte, lors de la dissolution de l’indivision ; que tel a été le cas puisque l’acte de vente du 6 avril 2018 mentionne l’existence d’une créance au profit de M. Z de 1 258 723 €, laquelle comprend les 710 000 € investis dans le prix d’acquisition ; que cet acte a prévu les modalités de répartition du prix net de vente entre les deux indivisaires, de 3 314 824, 27 €, soit après remboursement des dépenses faites par M. Z de 1 258 723 €, une quote part de 3 013 909,08 € pour celui-ci et de 300 915,19 € pour Mme DY ;

Elle prétendait également que l’enrichissement de Mme DY a été financé par les fonds personnels de M. Z, que l’intention libérale s’apprécie au jour de l’acquisition, que Mme DY n’a pas reconnu être débitrice de M. Z et qu’une simple inscription comptable en compte courant sans date certaine ne constitue pas une reconnaissance de dette.

La Cour rappelle qu’il incombe à l’administration fiscale de démontrer l’existence d’une donation indirecte et notamment des trois conditions rappelées ci-avant.

Or, le seul fait que M. Z ait financé par des deniers propres une partie du prix d’acquisition, dont la proportion, par rapport au prix total, se trouve inférieure à sa part dans l’indivision, ne suffit pas à caractériser son intention libérale vis à vis de Mme DY alors qu’un prêt a par ailleurs été souscrit solidairement par les deux co-indivisaires, dont il n’était nullement exclu que Mme DY puisse payer sa part, au moyen du remboursement partiel de ce prêt

L’acte en lui-même ne porte pas la marque d’une intention libérale de M. Z ; que le paiement au moyen pour partie de deniers personnels à l’un des indivisaires peut avoir des causes multiples autres qu’une intention libérale ; qu’il peut notamment correspondre à une contrepartie tenant à l’implication en nature de l’autre indivisaire dans la vie familiale, à l’entretien de l’immeuble par cet indivisaire ou à l’organisation de l’amélioration du bien ; qu’il est ici constant que les parties avaient un projet familial commun, qu’ils ont eu deux enfants et que les travaux entrepris ont procuré au bien une plus value confortable ;

Considérant de plus que les comptes annuels d’indivision produits aux débats suffisent à démontrer que M. Z a entendu, depuis la création de l’indivision, se ménager des preuves des investissements réalisés sur ses deniers, afin de pouvoir en demander compte, lors de la dissolution de l’indivision ; que tel a été le cas puisque l’acte de vente du 6 avril 2018 mentionne l’existence d’une créance au profit de M. Z de 1 258 723 €, laquelle comprend les 710 000 € investis dans le prix d’acquisition ; que cet acte a prévu les modalités de répartition du prix net de vente entre les deux indivisaires, de 3 314 824, 27 €, soit après remboursement des dépenses faites par M. Z de 1 258 723 €, une quote part de 3 013 909,08 € pour celui-ci et de 300 915,19 € pour Mme DY ;

Par ailleurs l’appelante, démontrait par deux relevés du crédit mutuel en date du 11 avril 2018, à leurs noms respectifs, que la répartition convenue entre eux à l’acte notarié, a été suivie d’effet, par l’encaissement par chacun des sommes ci-dessus visées (Plus encore la répartition finale est moindre que 15% pour Mme DY et supérieure à 85% pour M. Z)

M. Z ayant été remboursé de son apport personnel de 710 000 €, il ne peut être considéré qu’il s’en était irrévocablement dessaisi au profit de Mme DY dans le cadre d’une intention libérale.

La Cour en a conclu que l’administration fiscale ne démontrait pas l’existence de la donation indirecte dont elle se prévalait

 

Publié le mercredi 25 septembre 2019 par La rédaction

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