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Impôt sur le revenu

Le Gouvernement n'envisage pas de modifier de nouveau le mécanisme de décharge de la solidarité fiscale des ex-époux

Pour mémoire, le CGI pose le principe de solidarité fiscale des membres d’un même foyer fiscal liés par un mariage ou un PACS. L’article 1691 bis du CGI prévoit en effet que les époux et partenaires sont tenus solidairement au paiement de l’impôt sur le revenu lorsqu’ils font l’objet d’une imposition commune. En cas de divorce, les ex-époux restent solidaires des sommes dues pendant leur union.

 

Or, certaines circonstances peuvent faire peser injustement une dette fiscale sur l’un des deux, le plus généralement l’épouse, bien après la fin de la vie commune : décès de l’ex conjoint, réintégration par le fisc de revenus qui peuvent avoir été dissimulés au titre de BIC, insolvabilité organisée de l’ex‑conjoint.

 

Pour faire face à type de situations, la loi de finances pour 2008 a complété l’article 1691 bis du CGI afin d’instaurer un droit à la décharge en responsabilité solidaire en matière fiscale. Le législateur a conditionné cette décharge à trois conditions :

  • la rupture de la vie commune,
  • le respect des obligations fiscales du demandeur
  • et la disproportion entre la dette fiscale et la situation financière et patrimoniale du demandeur.

L'article 1691 bis-II-2 du CGI prévoit ainsi que « la décharge de l’obligation de paiement est accordée en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur ». 

 

Le caractère disproportionné est apprécié individuellement par l’administration fiscale. Or, la pratique a mis en lumière une lecture restrictive de ces dispositions, conduisant bien souvent l’administration fiscale à examiner la capacité de remboursement sur des durées particulièrement longues, pouvant atteindre dix ans. Cette situation ne correspond pas à l’esprit des dispositions adoptées en 2007. Elle génère des situations de grande détresse ainsi que du contentieux et pèse plus particulièrement sur les conjointes exerçant une activité professionnelle.

 

Afin de remédier à ces difficultés, l’article 139 de la Loi de Finances pour 2022 a fixé à trois années la durée sur laquelle l’administration fiscale évalue la capacité de remboursement.

Enfin, précisons que selon la députée MariePierre RIXAIN, il apparaît que la notion de « disproportion marquée » est trop vague et laissée à l’entière appréciation de l’administration fiscale qui a une interprétation extensive de la loi et qui la refuse quasi systématiquement aux personnes actives ou disposant d’un patrimoine aussi réduit soit‑il.

 

Elle a donc proposé de supprimer le critère de « disproportion marquée » afin de rendre le droit à la décharge de solidarité plus juste et propice à l’autonomie économique des individus. (Article 3 de la proposition de loi n°918 visant à renforcer l'égalité fiscale et successorale entre les femmes et les hommes)

 

  2020 2021 2022
Nombre de demandes reçues 230 279 288
Nombre de demandes traitées 234 285 245
nombre de décharges octroyées 71 94 100
nombre de décharges rejetées 126 51 103

 

Pour illustrer le flou du critère de «disproportion marquée», précisons qu'une contribuable vient, après plus de six ans de procédure, d'obtenir une décharge de solidarité d’une dette de 222.000€, après que les juges ont, enfin, considéré qu'il était « disproportionné» qu'elle ait à liquider l'intégralité de son patrimoine et à dédier plus de 4 années de revenus pour rembourser les dettes fiscales de son ex-époux.

 

Cette décision de la CAA de Versailles du 19 octobre dernier a été obtenue par M° Paul Féral-Schuhl du cabinet Arfé Avocats.

 

La députée de Loire-Atlantique Ségolène Amiot a, en juillet dernier, rappelé :

Cependant, ce mécanisme ne fonctionne pas et la situation de très nombreuses femmes reste inchangée. En l'état, le collectif des femmes divorcées victimes de la solidarité fiscale indique que 75 % des demandes de décharge n'aboutissent pas. En effet, la condition imposant la « présence d'une disproportion marquée entre la dette fiscale et la situation financière et patrimoniale du demandeur » rend cette décharge quasiment inaccessible.

 

En plus d'être bien trop vague, l'entière appréciation de la notion de « disproportion marquée » est laissée à l'administration fiscale, qui a une interprétation extensive de la loi et qui la refuse quasi systématiquement aux personnes actives ou disposant d'un patrimoine aussi réduit soit-il. Une femme active ou ayant le malheur de posséder un bien ou quelques économies est alors obligée par cette administration de tout sacrifier pour son ex-mari, n'ayant qu'une place de « dommage collatéral ». Il n'est plus possible qu'en France, pays ayant comme valeur « liberté, égalité, fraternité », certaines règles de l'administration, ici fiscale, soient encore injustes envers les femmes. 

 
Elle a demandé au Gouvernement ce qu'il comptait mettre en place pour faire disparaître cette injustice fiscale et de permettre que la décharge de responsabilité solidaire devienne un droit accessible à toutes et à tous.
 
 
Le Gouvernement vient de répondre négativement.
 
L'esprit de la loi en matière de DRS et la volonté du législateur étaient d'instaurer une procédure encadrée pour les personnes divorcées et délaissées justifiant être dans l'incapacité de faire face au règlement de l'impôt commun.
 
En l'état, le dispositif qui est ouvert à tous les ex-conjoints ou ex-partenaires de Pacs sans considération relative à leur genre ou sexe, répond à ces objectifs et paraît équilibré. Ainsi, l'ex-conjoint ou partenaire de Pacs qui se retrouve seul, dépourvu de patrimoine ou propriétaire de sa résidence principale et dont les moyens financiers ne lui permettent pas de faire face au paiement de la dette fiscale du couple, constitue le profil type des personnes admises à bénéficier de la DRS.
 
Une ouverture plus large du droit à DRS, qui ne prendrait pas en compte les facultés contributives du demandeur, serait contraire à l'objectif du Gouvernement de lutte contre la fraude en permettant facilement à des contribuables de connivence de simuler une situation de séparation, afin d'échapper par ce biais au recouvrement de leurs dettes qui, en ce qui concerne les DRS sont quasi exclusivement issues d'un contrôle fiscal.
 
En l'état le dispositif de DRS, récemment assoupli de façon substantielle paraît équilibré et il n'est pas envisagé de le modifier de nouveau, d'autant que sa mise en œuvre conduit l'administration fiscale à faire un examen au cas par cas particulièrement attentif des situations individuelles de chaque demandeur de décharge, et que les décisions prises par les services locaux peuvent faire l'objet d'un recours hiérarchique auprès des services centraux de la direction générales des finances publiques (DGFIP), ou être soumises au contrôle du juge de l'impôt.

Publié le mardi 14 novembre 2023 par La rédaction

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