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Impôts Fonciers

Loueur en meuble : quand le mandat de gestion limitant la libre disposition du bien fonde la décharge de la taxe d'habitation

Nouvelle décision relative aux conditions d'exonération de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires pour les propriétaires de logements meublés de tourisme. L'absence de "disposition ou jouissance" du bien à titre personnel, démontrée par les conditions du mandat de gestion, peuvent rendre l'imposition à la taxe d'habitation infondée.

 

Depuis la réforme de la taxe d'habitation et sa suppression progressive pour les résidences principales, subsiste la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, régie par l'article 1407 du CGI. Cette taxe frappe tous les locaux meublés conformément à leur destination d'habitation autre qu'à titre principal, y compris lorsqu'ils sont soumis à la cotisation foncière des entreprises.

 

L'article 1408 du même code précise que la taxe est établie au nom des personnes qui ont, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance des locaux imposables. Cette notion de "disposition ou jouissance" constitue le cœur du débat juridique en matière de locations saisonnières.

 

La jurisprudence administrative a progressivement précisé que les propriétaires de logements meublés donnés en location saisonnière demeurent imposables dès lors qu'ils conservent la possibilité d'occuper personnellement le bien en dehors des périodes de location.

 

Rappel des faits : 

M. B, propriétaire de deux studios situés à Grenoble, exerce une activité de loueur professionnel en meublé de tourisme et acquitte à ce titre la CFE. Ces biens sont confiés à l'agence CC Immobilier dans le cadre de mandats de gestion qui prévoient que "le client ne peut pas interférer dans la gestion du calendrier des plateformes et il doit aviser l'agence en vue ponctuellement de fermer le calendrier pour des raisons personnelles".

Par ailleurs, M. B occupe un logement concédé pour nécessité absolue de service en raison de sa profession principale et ne peut, compte tenu de la composition de son foyer familial comprenant sa conjointe et leurs deux enfants, effectivement occuper à titre privatif les studios en question.

L'administration fiscale a imposé M. B à la taxe d'habitation au titre de l'année 2022 pour ces deux biens, considérant qu'il en conservait la disposition en qualité de propriétaire loueur en meublé saisonnier.

 

  • M.B soutient qu'il n'est pas imposable à la taxe d'habitation en raison de l'exercice d'une activité professionnelle de loueur en meublé de tourisme soumise à la CFE. Il met en avant l'impossibilité matérielle d'occuper personnellement les studios, tant en raison de son obligation d'occuper un logement de fonction que de la composition de son foyer familial. Il souligne également que les mandats de gestion ne lui permettaient pas d'interférer librement dans la disponibilité des biens.
  • L'administration fiscale quant à elle estime que les propriétaires de logements meublés saisonniers demeurent redevables de la taxe d'habitation dès lors qu'ils conservent la possibilité théorique d'occuper le bien en dehors des périodes de location, indépendamment du caractère professionnel de l'activité de location.

 

Le Tribunal vient de donner raison au contribuable, estimant que l'absence de "disposition ou jouissance" du bien à titre personnel, démontrée par les conditions du mandat de gestion, rendait l'imposition à la taxe d'habitation infondée.

 

Il a d'abord rappelé le principe général selon lequel les propriétaires qui donnent en location saisonnière des logements meublés sont imposables à la taxe d'habitation dès lors qu'ils en ont la disposition en dehors des périodes de location. Il a précisé que demeure imposable le propriétaire qui propose son bien à la location par l'intermédiaire d'une agence sur la base d'un contrat de gestion dont aucune clause ne le prive de la possibilité de l'occuper personnellement.

Cependant, dans les circonstances particulières de l'espèce, le tribunal a considéré que le faisceau d'indices démontrait l'absence effective de disposition ou de jouissance personnelle. Les mandats de gestion prévoient explicitement que le propriétaire ne peut interférer dans la gestion du calendrier et doit avertir l'agence pour toute fermeture ponctuelle. Cette clause contractuelle limite substantiellement la libre disposition du bien.

Le tribunal a également retenu l'impossibilité matérielle d'occupation privative compte tenu de la composition du foyer familial. Cette impossibilité n'est pas seulement théorique mais découle de contraintes objectives liées à la superficie des biens et au nombre d'occupants potentiels.

 

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que pour les logements meublés en litige, confiés à un intermédiaire pour leur mise en location temporaire de courte durée au titre de l’année entière, et pour lesquels une utilisation privative n’est pas possible compte tenu de la composition du foyer, ne sont pas imposables à la taxe d’habitation dans les mains du propriétaire qui établit en l’espèce ne pas entendre, au 1er janvier de l’année d’imposition, en disposer librement ou en conserver la jouissance à titre personnel. Par suite, M. B est fondé à demander au tribunal la décharge des cotisations de taxe d’habitation mises à sa charge au titre de l’année 2022 à raison des biens en cause.

 

 

TL;DR

  • Une exonération de taxe d'habitation sur les résidences secondaires demeure possible dans des circonstances particulières, malgré la tendance jurisprudentielle à maintenir l'imposition des propriétaires bailleurs.
  • Les critères dégagés par le tribunal sont cumulatifs et restrictifs. Il ne suffit pas d'exercer une activité professionnelle de location meublée pour échapper à l'imposition. L'exonération suppose la démonstration d'une privation effective de jouissance personnelle, résultant à la fois de contraintes contractuelles substantielles et d'impossibilités matérielles d'occupation.
  • La portée de cette décision reste cependant limitée par le caractère très particulier des circonstances de l'espèce. Les propriétaires ne pourront se prévaloir de cette jurisprudence qu'en démontrant des contraintes comparables, ce qui exclut la plupart des situations courantes de location saisonnière.

Publié le mardi 19 août 2025 par La rédaction

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