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Plus-values immobilières

Plus-value immobilière : quand l'abus de résidence principale justifie la majoration de 80% pour manœuvres frauduleuses

La juridiction administrative nous rappelle qu'il peut être risqué de se prévaloir abusivement de plusieurs adresses et de différents déménagements afin de placer les plus-values réalisées lors de la cession consécutive des biens en cause sous le régime d’exonération « résidence principale ».

 

La plus-value réalisée par une personne physique lors de la cession à titre onéreux d’un bien immobilier qui constitue sa résidence principale au jour de la cession n’est pas imposable.

 

Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l’impôt , au vu de l’instruction et compte tenu, le cas échéant, de l’abstention d’une des parties à produire les éléments qu’elle est seule en mesure d’apporter et qui ne sauraient être réclamés qu’à elle-même, d’apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l’assujettissement à l’impôt ou, le cas échéant, s’il remplit les conditions légales d’une exonération.

 

Rappel des faits :

 

M. A a fait l’objet, au cours de l’année 2017, d’un examen de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2014 et 2015. Au terme de cet examen, l’administration fiscale a remis en cause, par une proposition de rectification du 12 décembre 2017, le régime d’exonération d’imposition, prévu à l'article 150-U-II-1° du CGI en cas de cession de résidence principale, sous lequel M. A avait placé la plus-value réalisée lors de la cession consécutive de trois biens immobiliers au cours des années 2014 et 2015, ces biens étant situés 49 rue Carnot à Compiègne, 9 rue Perronet à Paris et 96 rue Saint-Lazare à Compiègne.

 

M. A a demandé au tribunal administratif d’Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a, en conséquence, été assujetti au titre des années 2014 et 2015, à hauteur de la somme de 421 742 €.

 

Par un jugement du 17 juin 2021, le TA d’Amiens a, d’une part, déchargé M. A, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu, procédant de la remise en cause par l’administration de l’exonération d’imposition de la plus-value réalisée par celui-ci lors de la vente de l’immeuble situé au 49 rue Carnot à Compiègne, mise à sa charge au titre de l’année 2014 et, d’autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l’année 2015.

 

M. A a fait  appel de ce jugement.

 

La Cour Administrative d'Appel de Douai vient de rejeter la demande de M. A

 

M. A soutenait :

  • que le bien situé à l’angle des rues Perronet et Saint-Guillaume à Paris a constitué sa résidence principale du 7 février 2014 au 19 décembre 2014, date de son incarcération ;
  • que le bien situé rue Saint-Lazare à Compiègne a constitué sa résidence principale du 15 avril 2015, date de sa libération, au 11 septembre 2015, date de la cession du bien.

 

S'agissant du bien situé 9 rue Perronet à Paris, la Cour fait valoir  :

  • que les factures d’électricité produites relatives à cette période, lesquelles étaient d’ailleurs libellées à une autre adresse, révèlent une très faible consommation d’électricité ;
  • que la circonstance que l’adresse figurant dans l’acte d’achat du bien situé au 96 rue Saint Lazare à Compiègne en date du 19 septembre 2014 est son adresse professionnelle ne corrobore pas que sa résidence habituelle aurait été fixée à cette date au 9 rue Perronet à Paris ;
  • que le PV d’interrogatoire de première comparution et l’ordonnance de placement en détention provisoire en date du 19 décembre 2014, mentionnent comme domicile le 96 rue Saint Lazare à Compiègne. 

Partant, pour la Cour, la résidence habituelle de M. A ne pouvait être regardée comme établie au 9 rue Perronet à Paris même la promesse de vente du bien du 18 novembre 2014, établie sur la base des déclarations de M. A, mentionnait qu'il y habitait

 

S'agissant du bien situé au 96 rue Saint-Lazare à Compiègne, la Cour fait valoir qu'en dépit  :

  • des différents éléments produits (factures d’électricité, correspondances administratives, constat d’huissier ainsi que quelques attestations) ;
  • d'une déclaration de changement d'adresse opérée lors de la déclaration de revenus au titre de l’année 2015 auprès des services fiscaux...

...l’administration fiscale a pu légalement considérer que, à la date de la cession de ce bien, M. A n’y avait pas établi sa résidence habituelle et effective, d'autant plus que ce dernier s'était s’est prévalu d’une domiciliation à une autre adresse à différentes occasions de telle sorte qu’il demeure une incertitude sur le lieu de résidence réel de M. A au cours de la période en cause.

 

S'agissant des pénalités pour manoeuvres frauduleuses la Cour confirme en confirme leur application :

Pour justifier du bien-fondé de l’application aux droits en litige de la majoration de 80 % prévue à l’article 1729-C du CGI, l’administration fait valoir que l’existence de manœuvres frauduleuses est établie par le fait que M. A s’est prévalu abusivement, au cours de la période vérifiée, de plusieurs adresses et de différents déménagements afin de placer les plus-values réalisées lors de la cession des biens en cause sous le régime d’exonération prévu à l’article 150 U-II-1° du CGI et ainsi d’égarer l’administration.

 

Par ailleurs, l’administration fiscale expose que M. A, en tant que professionnel de l’immobilier, ne pouvait que connaître la réglementation applicable. Enfin, l’administration souligne que seul un ESFP de M. A a permis de réunir un faisceau d’indices concordants permettant d’établir qu’aucun des deux biens en cause n’avait constitué sa résidence principale. Ce faisant, l’administration apporte la preuve, qui lui incombe, que M. A a intentionnellement utilisé un procédé destiné à égarer l’administration dans son pouvoir de contrôle, justifiant l’application aux droits en litige de la majoration de 80 % prévue à l’article 1729-C du CGI.

 

Manifestement, au cas particulier, le contribuable a essayé de frauder pour bénéficier à trois reprises de l'exonération « résidence principale » alors qu'il ne pouvait en bénéficier que pour un seul bien.

 

Cette décision ne signifie pas que l'on ne pourrait pas se prévaloir de l'exonération résidence principale à 3 reprises sur une période de deux ans. En effet, des évènements affectant tant la vie personnelle que professionnelle peuvent justifier des changements de résidence principale. Mais dans cette hypothèse il faut, au titre de chaque vente, pouvoir démontrer la réalité de l'habitation du bien de manière habituelle et effective.

 

En effet et, comme le souligne la doctrine, l'exonération est refusée lorsque l'occupation au moment de la vente répond à des motifs de pure convenance et notamment lorsque le propriétaire revient occuper le logement juste avant la vente et pour les besoins de cette dernière (BOI-RFPI-PVI-10-40-10, n°180).

 

Pour mémoire, la juridiction administrative a déja jugé que la seule circonstance que l’occupation à titre principal d'un bien immobilier ait été brève, n’est pas de nature à remettre en cause le bénéfice de l’exonération résidence principale :

 

 

Publié le lundi 22 mai 2023 par La rédaction

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