Pour la juridiction administrative la surévaluation d’un usufruit temporaire établit l’intention de l’usufruitier d’octroyer, et pour le nu-propriétaire, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de l’acquisition dudit bien.
En cas d’acquisition par des personnes distinctes de l’usufruit temporaire et de la nue-propriété du même bien immobilier, le caractère délibérément majoré du prix payé pour l’acquisition de l’usufruit temporaire par rapport à la valeur vénale de cet usufruit, sans que cet écart de prix ne comporte pour l’usufruitier de contrepartie, révèle, en ce qu’elle conduit à une minoration à due concurrence du prix acquitté par le nu-propriétaire pour acquérir la nue-propriété par rapport à la valeur vénale de celle-ci, l’existence, au profit du nu-propriétaire, d’une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d’une distribution de bénéfices au sens de l’article 111-c du CGI.
La preuve d’une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l’administration lorsqu’est établie l’existence, d’une part, d’un écart significatif entre les prix convenus et les valeurs vénales respectives de l’usufruit et de la nue-propriété, d’autre part, s’agissant des parties au démembrement du droit de propriété, de l’intention de l’usufruitier d’octroyer, et pour le nu-propriétaire, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de l’acquisition dudit bien.
En l’absence de toute transaction ou de transaction équivalente, l’appréciation de la valeur vénale doit être faite en utilisant les méthodes d’évaluation qui permettent d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande à la date où l’acquisition est intervenue. Dans le cas de l’acquisition d’un bien en démembrement de propriété, constitue une telle méthode d’évaluation celle qui définit des prix de la nue-propriété et de l’usufruit tels qu’ils offrent le même taux de rendement interne de l’investissement pour l’usufruitier et le nu-propriétaire.
Rappel des faits
Par acte du 2 mars 2011, l’EURL MA, soumise à l’impôt sur les sociétés, ayant pour objet la réalisation de travaux de menuiserie et d’aménagements extérieurs, dont M. F était le gérant et l’associé unique, et la SCI D, soumise au régime des sociétés de personnes de l’article 8 du CGI, ayant pour objet l’acquisition et la gestion d’immeubles, biens et droits immobiliers, dont M. F et son épouse détenaient chacun la moitié des parts, ont acquis, respectivement, l’usufruit, pour une durée de 12 ans, et la nue-propriété d’un local à usage artisanal appartenant à la SCI Q.
A l’issue d’une vérification de comptabilité de l’EURL MA, l’administration fiscale a estimé que le prix qu’elle avait acquitté pour acquérir l’usufruit temporaire excédait la valeur de celui-ci et que l’excédent de prix ainsi consenti constituait une libéralité accordée par l’EURL MA à la SCI D nue-propriétaire.
En conséquence, M. et Mme F, en leur qualité d’associés de la SCI du D, ont été imposés, au titre de l’année 2011, sur le fondement de l’article 111 du CGI à raison des revenus distribués correspondant à la libéralité retenue par l’administration.
M F a relevé appel du jugement du 24 janvier 2019 par lequel le TA de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d’impôt sur le revenu auxquels son épouse et lui ont été assujettis au titre de l’année 2011.
Au cas particulier, les parties ont retenu, pour calculer la valeur de l’usufruit, un loyer théorique équivalent à 9 % de la valeur d’acquisition, sans revalorisation annuelle, et une durée d’usufruit de 12 ans.
L’administration a utilisé une méthode de valorisation fondée sur la somme actualisée des revenus futurs de l’immeuble.
« Cette méthode détermine de manière cohérente la valeur vénale de l’usufruit par différence entre la valeur de pleine propriété à la date de l’opération et la valeur actualisée à cette même date de la pleine propriété obtenue à l’extinction de l’usufruit en appliquant un taux d’actualisation égal au taux de rendement de l’investissement immobilier, indépendamment de l’inflation. Pour déterminer ce taux d’actualisation, l’administration a recherché le taux pour lequel la valeur actuelle nette (VAN) du bien, correspondant à la somme de la valeur des flux de revenus futurs et de celle de la pleine propriété future au terme de l’usufruit, de laquelle est retranchée la valeur de la pleine propriété actuelle, est nulle. »
Le vérificateur a quant à lui retenu un taux d’évolution annuel du prix du local de 4 %.
Au cas particulier, le juge de l’impôt a considéré que l’administration devait être regardée comme établissant que la valeur de l’usufruit fixée par les parties a été significativement majorée par rapport à sa valeur réelle.