Nouvelle décision du juge administratif relative au régime d'option pour l'assujettissement à la TVA des opérations immobilières et, plus particulièrement, sur l'impossibilité de révoquer cette option une fois celle-ci mentionnée dans l'acte notarié.
Le régime de TVA applicable aux opérations immobilières est encadré par plusieurs dispositions du CGI. En principe, selon l'article 261, 5, 2° du CGI, les livraisons d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans sont exonérées de TVA. Toutefois, l'article 260, 5° bis du même code prévoit la possibilité pour les assujettis de renoncer à cette exonération et d'opter pour l'assujettissement à la TVA.
L'article 261-5 du CGI exonère de TVA les livraisons de terrains qui ne sont pas des terrains à bâtir au sens des dispositions de l'article 257-I-2-1° du CGI ainsi que les livraisons d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans. Toutefois, la livraison de ces immeubles par un assujetti peut faire l'objet d'une option pour la taxation conformément à l'article 260-5° bis du CGI, auquel cas il y a toujours lieu de considérer qu'il agit dans le cadre de son activité économique.
Les modalités d'exercice de cette option sont précisées à l'article 201 quater de l'annexe II du CGI, qui dispose que l'option s'exerce distinctement par immeuble, fraction d'immeuble ou droit immobilier mentionné au I de l'article 257-I du CGI, relevant d'un même régime au regard des articles 266 et 268 du même code. Cet article précise qu'il...
...doit être fait mention de cette option dans l'acte constatant la mutation
Par ailleurs, lorsque l'option est exercée pour des terrains à bâtir ou des immeubles bâtis anciens, le régime de TVA sur la marge prévu à l'article 268 du CGI peut trouver à s'appliquer sous certaines conditions. Ce régime permet de calculer la TVA non pas sur la totalité du prix de vente, mais uniquement sur la marge réalisée par le vendeur.
Rappel des faits :
Dans cette affaire, la SAS LC5 a fait l'objet d'un contrôle sur pièces en matière de TVA pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2016, puis d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2017 au 30 septembre 2019. L'administration fiscale a constaté que la société avait vendu trois parcelles de terrains bâtis le 21 novembre 2016, le 7 février 2017 et le 11 avril 2017, sans s'acquitter de la TVA due.
Or, les actes de vente stipulaient explicitement que le prix s'entendait "taxe à la valeur ajoutée sur la marge comprise" et que le vendeur entendait opter pour la TVA sur la marge. L'administration a donc considéré que ces ventes auraient dû être soumises à la TVA, calculée selon le régime de la marge, en application de l'option prévue au 5° bis de l'article 260 du CGI. Elle a en conséquence notifié à la SAS LC5 des rappels de TVA.
La SAS LC5 a contesté ces rappels et a saisi le TA de Marseille pour obtenir leur réduction à hauteur de 24 625 €, le rétablissement d'un crédit de TVA d'un montant de 1 615 €.
Pour contester les rappels de TVA la société fait valoir :
- que c'est à tort que l'administration a soumis les ventes de terrains à la TVA selon le régime de la marge, alors que ces ventes n'étaient pas, selon elle, soumises à la TVA.
- qu'elle estimait être fondée à demander la révocation des options pour la TVA formulées dans les actes notariés de vente des biens vendus en date des 21 novembre 2016, 7 février 2017 et 14 avril 2017.
Enfin, elle invoquait la réponse ministérielle Bussereau n° 96679 JOAN du 20 septembre 2016, qui, selon son interprétation, aurait permis d'être exonéré de TVA dans sa situation.
Le Tribunal administratif de Marseille a rejeté les prétentions de la SAS LC5
- Tout d'abord, concernant l'application de la TVA, le tribunal a constaté que les actes de vente stipulaient explicitement que le prix s'entendait "TVA sur la marge comprise" et que le vendeur entendait opter pour la TVA sur la marge. Dès lors, la société avait bien souscrit l'option prévue à l'article 260 du CGI, et cette option était mentionnée dans les actes de vente, conformément à l'article 201 quater de l'annexe II du CGI. Par conséquent, la société était bien redevable de la TVA, que celle-ci ait été calculée sur la marge réalisée ou sur la totalité du prix de vente.
- Ensuite, sur la possibilité de révoquer l'option, le tribunal a relevé qu'aucun texte ne prévoit la possibilité de révoquer l'option pour l'assujettissement à la TVA une fois qu'elle a été souscrite et mentionnée dans les actes de vente.
[...] si la loi prévoit la possibilité de souscrire une option d'acquittement de la taxe sur la valeur ajoutée, dans les conditions prévues par l'article 201 quater de l'annexe II du code général des impôts, aucun texte ne prévoit la possibilité de révoquer cette option. Dès lors que la souscription d'une telle option a été mentionnée dans les actes de vente des parcelles vendues par la société requérante, celle-ci n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait demander à l'administration ou au tribunal, dans le cadre de la présente instance, à révoquer cette option, alors que les actes de vente n'ont jamais été modifiés.
- Enfin, concernant l'invocation de la réponse ministérielle Bussereau, le tribunal a estimé que celle-ci ne comportait aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui avait été appliquée à la société. Le tribunal a précisé que cette réponse ministérielle ne prévoyait pas la possibilité d'être exonéré de TVA alors que l'acte de vente d'une parcelle de terrain mentionne une souscription à l'option d'assujettissement à TVA prévue à l'article 260 du CGI, que ce soit en appliquant ou non le régime de la TVA sur la marge.
Cette décision rappelle le caractère irrévocable de l'option pour la TVA prévue par l'article l'article 260, 5° bis du CGI dès lors qu'elle a été mentionnée dans l'acte notarié de vente. Cette irrévocabilité découle de l'absence de disposition légale ou réglementaire prévoyant la possibilité de révoquer cette option.