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Taxe de 3% sur les sociétés étrangères : l'autonomie de la procédure fiscale face aux actions pénales connexes

Cette décision illustre  l'autonomie des procédures fiscales par rapport aux actions pénales connexes, tout en précisant les contours de l'application de la taxe de 3% prévue à l'article 990 D du CGI aux sociétés étrangères détentrices de biens immobiliers en France. L'arrêt constitue un rappel utile des limites du sursis à statuer en matière fiscale et des obligations déclaratives pesant sur les entités non-résidentes.

 

Pour mémoire, en application de l'article 990 D du CGI, les entités juridiques (personnes morales, organismes, fiducies ou institutions comparables) qui possèdent, directement ou indirectement, des immeubles situés en France ou des droits réels portant sur de tels biens sont redevables d'une taxe annuelle égale à 3 % de leur valeur vénale.

 

Cette taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales, dite taxe de 3 % a été créée à compter du 1er janvier 1983 afin de lutter contre les schémas d’évasion fiscale en matière d’imposition sur la fortune. Il s’agissait de décourager l’acquisition de propriétés immobilières en France sous couvert de personnes morales établies dans des paradis fiscaux, principalement pour lutter contre les schémas d’évasion fiscale en matière d’imposition sur la fortune.

 

Le champ d’imposition est cependant très significativement réduit par les nombreuses exceptions prévues par les articles 990 E et 990 F du CGI, écartant en particulier :

  • les entités juridiques qui ne sont pas considérées comme à prépondérance immobilière, car la valeur vénale de leurs actifs immobiliers représente moins de 50 % de l’ensemble de leurs actifs français ;
  • les entités juridiques cotées dont les actions font l’objet de négociations significatives et régulières sur un marché réglementé.

En outre, à la condition d’avoir leur siège en France, dans l’Union européenne ou dans un État tiers qui a conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ou un traité comportant une clause d’égalité de traitement, les autres entités sont également exonérées notamment:

  • si la quote-part des biens immobiliers détenus en France est inférieure à 100 000 euros ou à 5 % de la valeur vénale desdits biens ou autres droits ;
  • ou si elles prennent l’engagement, dans les deux mois suivant la date d’acquisition de l’immeuble ou de la participation dans l’entité interposée, de communiquer sur demande de l’administration un certain nombre d’informations concernant leurs immeubles et leurs actionnaires  ;
  • ou si elles souscrivent chaque année une déclaration comportant ces mêmes informations.

Il résulte de la combinaison des articles 990 D, 990 E et 990 F du CGI que toute entité est redevable de la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles qu’elle possède en France, sauf à justifier relever d’un des cas énumérés par ces articles.

 

Rappel des faits :

La SCP G, société de droit ivoirien était propriétaire d'un ensemble immobilier à Cannes composé d'un appartement de 58,61 m² acquis en septembre 2010 et d'un local commercial de 60,28 m² acquis en juillet 2012. 

Après avoir pris un engagement le 2 février 2013, la société a cessé de respecter ses obligations déclaratives et ne déposait plus les déclarations n° 2746 nécessaires pour bénéficier de l'exonération de la taxe de 3% prévue par les articles 990 E et 990 F du CGI (identité et adresse des bénéficiaires effectifs, organigramme, valeur des immeubles au 1er janvier, etc.).

Mise en demeure en 2018 de régulariser pour 2016-2018, elle est restée silencieuse. L’administration l’a alors taxée d’office, et a notifié une proposition de rectification le 18 novembre 2022 et émis un AMR le 15 mars 2023 pour 46 285 € (29 880 € de droits, 16 405 € de pénalités et intérêts).

Suite au rejet de sa réclamation contentieuse, la société a contesté ces impositions devant le TJ de Grasse et a demandé un sursis à statuer en invoquant le dépôt d'une plainte pénale pour faux et usage de faux concernant son immatriculation au répertoire SIRENE.

 

L'argumentation développée par la SCP G reposait essentiellement sur une stratégie procédurale visant à obtenir un sursis à statuer. La société invoquait sa plainte pénale du 9 octobre 2024 déposée contre X des chefs de faux et usage de faux en écriture publique, détournement de la finalité d'un traitement de données à caractère personnel et recel de ces délits. Cette plainte visait à contester la validité de son immatriculation d'office au répertoire SIRENE, la société soutenant qu'elle n'exerçait aucune activité commerciale en France et ne disposait d'aucun établissement sur le territoire français.

 

La SCP G soutient que la procédure fiscale devait être suspendue dans l'attente du résultat de la plainte pénale, qui, selon elle, remettait en cause les conditions de son assujettissement à la taxe. L'administration fiscale a contesté cette demande de sursis.

 

Le tribunal a rejeté la demande de sursis à statuer.

 

  • Se fondant sur l'article 4 du Code Pénal, le tribunal a souligné que la mise en mouvement de l'action publique n'impose plus automatiquement la suspension des actions civiles, même lorsque la décision pénale est susceptible d'exercer une influence sur la solution du procès civil.
  • Puis, il a jugé que l'assujettissement à la taxe de 3 % dépend de la détention de biens immobiliers en France et de l'absence de dépôt des déclarations nécessaires, et non de l'activité commerciale ou de l'immatriculation au répertoire SIRENE.

Pour le juge, la taxe de 3 % frappe toutes les personnes morales détenant un bien immobilier en France, qu’elles aient ou non activité commerciale, siège ou établissement en France. L’immatriculation (contestée) au répertoire SIRENE et son éventuelle régularité ne conditionnent ni l’assujettissement à la taxe ni l’accès à l’exonération, laquelle dépend exclusivement de la fourniture des informations substantielles requises par les articles 990 E-990 F. Il n’existe donc aucun lien de dépendance juridique nécessaire entre l’issue de la procédure pénale et la solution du litige fiscal.

 

La validité de l'immatriculation n'étant pas pertinente pour la taxation d'office contestée, il n'y avait pas lieu de suspendre la procédure. Le tribunal a donc ordonné la réouverture des débats pour que la société puisse conclure sur le fond de l'affaire.

 

L’assiette de la taxe de 3% est objective : la seule détention d’un actif immobilier en France par une personne morale déclenche l’obligation déclarative annuelle et, à défaut, la taxation.

 

Le débat utile pour l’exonération n’est pas la qualification d’un établissement mais la transparence : identité des bénéficiaires effectifs, organigramme, localisation et évaluation des actifs, engagement de communication.

 

Publié le mercredi 6 août 2025 par La rédaction

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