Accueil > Fiscalité des entreprises > Droits d’enregistrements > Dissolution-liquidation et DMTO : pas de droits réduits en cas de transmission d'un immeuble à un associé unique personne physique
Droits d’enregistrements

Dissolution-liquidation et DMTO : pas de droits réduits en cas de transmission d'un immeuble à un associé unique personne physique

Le juge de l'impôt nous rappelle que la transmission universelle de patrimoine (TUP) est une procédure strictement encadrée par l'article 1844-5 du Code civil et qu'elle n'est pas applicable lorsque l'associé unique est une personne physique. Le contribuable ne peut donc pas se prévaloir d'un régime d'imposition allégé (comme celui de la publicité foncière à taux réduit) fondé sur une qualification juridique erronée.

 

La transmission universelle de patrimoine (TUP) constitue un mécanisme dérogatoire de dissolution-liquidation permettant la transmission directe de l'ensemble du patrimoine d'une société à une autre entité, sans procédure de liquidation classique. L'article 1844-5 modifié par la loi NRE de 2001 précise que cette règle ne s'applique pas lorsque l'associé unique est une personne physique, impliquant alors une dissolution de plein droit avec les conséquences fiscales qui en découlent.

 

Cette qualification est importante puisqu'elle induit, selon les situations, un régime fiscal différent en matière de droits d'enregistrement et de taxe de publicité foncière

 

L'article 683, I du CGI dispose que les actes translatifs de propriété ou d'usufruit de biens immeubles à titre onéreux sont assujettis à la taxe de publicité foncière ou à un droit d'enregistrement au taux prévu à l'article 1594 D du CGI, fixé à 3,80 % (sauf dispositions particulières).

 

Les articles 677 et 678 du CGI prévoient des impositions proportionnelles ou progressives pour diverses opérations, notamment les transmissions de propriété à titre onéreux, les apports en société, ou encore les partages. L'article 678 prévoit un taux de 0,70 % pour les actes qui ne sont ni exonérés ni tarifés par d'autres articles et qui contiennent des dispositions sujettes à publicité foncière.

 

Rappel des faits :

En l'espèce, Monsieur FX est devenu associé unique de la société luxembourgeoise P SA, créée en 2005 et propriétaire d'une villa à Mougins. À la suite de la dissolution-liquidation de cette société le 28 décembre 2018, la villa a été attribuée à FX par acte notarié. Le notaire, considérant à tort qu'il s'agissait d'une transmission universelle de patrimoine (TUP), a soumis cette opération à la seule taxe de publicité foncière et aux frais d'assiette au taux global de 0,715 % (article 678 CGI), sur une valeur vénale de 3 750 000 €.

Cependant, l'administration fiscale, après un contrôle, a estimé que cette opération ne relevait pas d'une TUP mais constituait une cession du bien au profit de Monsieur X, et devait donc être soumise aux DMTO au taux de 3,80 % (article 1594 D CGI). Une proposition de rectification a été adressée à Monsieur X entraînant un rappel de droits de 164 065 € et 10 643 € d'intérêts de retard, après abandon de la majoration pour manquement délibéré.

Après le rejet de sa réclamation contentieuse, Monsieur X a assigné la DRFiP devant le Tribunal Judiciaire de Grasse. Il soutenait que le transfert de propriété n'était pas constitutif d'une cession soumise aux DMTO, car aucun article du CGI ne mentionnerait explicitement cette qualification suite à la modification de l'article 1844-5 du Code civil. Il revendiquait l'application du taux réduit prévu par les articles 677 et 678 du CGI.

L'administration fiscale, quant à elle, a demandé le rejet des demandes de Monsieur X, invoquant les articles 693-I du CGI et 1844-5 du Code civil, et affirmant le caractère onéreux de la transmission.

 

Le Tribunal Judiciaire de Grasse a débouté FX de l'ensemble de ses demandes, confirmant l'analyse de l'administration fiscale.

 

Le Tribunal a d'abord rappelé les dispositions de l'article 683-I du CGI soumettant les actes translatifs de propriété à titre onéreux aux droits de mutation, et le taux de 3,80 % de l'article 1594 D du CGI.

Concernant la qualification du transfert, le Tribunal a constaté que le requérant admettait lui-même que le notaire avait de manière erronée qualifié l'opération de TUP, puisque l'article 1844-5 alinéa 4 du Code civil exclut cette procédure lorsque l'associé unique est une personne physique.

 

Le Tribunal a ensuite clairement exposé les raisons pour lesquelles la transmission de l'immeuble à FX devait être qualifiée d'onéreuse et soumise aux droits de mutation de droit commun :

  • La reprise du prêt hypothécaire : Le fait que FX ait repris personnellement à sa charge un prêt hypothécaire de 5 000 000 € initialement contracté par la société P. Cette somme, mentionnée dans l'acte authentique de 2018, a été jugée comme constituant formellement la contrepartie onéreuse de la cession du bien.
  • L'enregistrement comptable de l'opération par la société : La société P avait comptabilisé cette opération dans sa déclaration fiscale à l'impôt sur les sociétés comme une cession d'immeuble en produits exceptionnels et une plus-value sur immobilisation, mentionnant explicitement "prix de vente de la villa P" à 3 750 000 €. Cette écriture comptable démontrait sans équivoque le caractère onéreux de la transaction.

Le Tribunal a conclu que l'administration fiscale était fondée à substituer le taux de 0,715 % appliqué par erreur par le notaire par le taux de 3,80 % de droit commun applicable aux mutations à titre onéreux.

 

Publié le lundi 23 juin 2025 par La rédaction

4 min de lecture

Avancement de lecture

0%

Partages :