La juridiction administrative nous rappelle que pour exclure du calcul de la taxe sur les salaires la rémunération du directeur général d'une Holding mixte, il convient d’apporter la preuve que ce dirigeant n'a pas d'attribution dans le secteur financier et qu'il est affecté exclusivement au secteur d’activité entrant dans le champ d’application de la TVA.
Pour mémoire, la taxe sur les salaires est due par les employeurs qui ne sont pas assujettis à la TVA ou qui ne l’ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires au titre de l’année civile précédant celle du paiement des sommes imposables (Art. 231-1 du CGI). Interprétant ces dispositions légales précitées, le Conseil d'Etat a récemment jugé que pour ne pas être redevable de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d’une année civile, une société doit, non seulement être assujettie cette année-là à la TVA sur une partie au moins de son chiffre d’affaire, mais aussi l’avoir été l’année précédente à hauteur d’au moins 90 % de son chiffre d’affaires.
Pour les personnes assujetties, l’assiette de la taxe sur les salaires est obtenue en multipliant le montant total des rémunérations imposables par le rapport existant l’année précédant celle du paiement de ces rémunérations, entre les recettes n’ayant pas ouvert droit à déduction de la TVA et le total des recettes (Art. 231-1 du CGI). Ce rapport est appelé rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires.
Par ailleurs, lorsque les activités d’une entreprise sont, pour l’exercice de ses droits à déduction de la TVA, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens des articles 213 et 209 de l’annexe II au CGI, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d’assujettissement propre à ce secteur. Toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l’entreprise dans son ensemble entre le chiffre d’affaires qui n’a pas été passible de la TVA et le chiffre d’affaires total.
Rappel des faits :
La SAS F est une holding mixte qui gère ses participations et perçoit des produits financiers, notamment les dividendes de ses filiales, et qui réalise également des prestations de conseils et d’assistance à ses deux filiales A et V. A l’issue d’un examen de sa comptabilité sur les exercices clos en 2015, 2016 et 2017, des rectifications lui ont été proposées par lettre du 18 avril 2018 en matière de taxe sur les salaires.
L’administration a estimé, pour les années en litige, que les attributions du président et du directeur général de la société couvraient le secteur financier et a retenu, pour l’assiette de la taxe sur les salaires, leurs rémunérations, au prorata d’assujettissement résultant de la part des revenus des titres de participation dans le total des recettes de l’année précédente.
Par le jugement attaqué du 18 février 2021, le tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit à la demande de cette société, tendant à la réduction des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015, 2016 et 2017, au motif que les salaires de son directeur général (DG) n’avaient pas à être inclus dans l’assiette de la taxe sur les salaires.
Le ministre a fait appel de la décision lui reprochant d’avoir déchargé la société SAS F de la taxe sur les salaires afférente aux rémunérations de son directeur général.
La Cour vient de faire droit à la demande du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
L'administration reproche au tribunal d’avoir déchargé la SAS F de la taxe sur les salaires afférente aux rémunérations de son directeur général, au motif que ce dernier n’exerçait pas d’attribution dans le secteur financier.
La Cour rappelle que les fonctions de président d’une SAS confèrent à leurs titulaires, en vertu de l’article L. 227-6 du code de commerce, les pouvoirs les plus étendus dans la direction de l’entreprise. En vertu du même article, un directeur général peut être nommé afin d’exercer les pouvoirs du président.
Elle précise également que s’agissant d’une société holding, les pouvoirs susvisés s’étendent en principe au secteur financier, même si le suivi des activités est sous-traité à des tiers ou confié à des salariés spécialement affectés à ce secteur et si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible.
Toutefois, la Cour rappelle que l'entreprise peut apporter la preuve que les dirigeants (Président et Directeur Général) n’ont pas d’attribution dans le secteur financier, notamment lorsque, compte tenu de l’organisation adoptée, l’un d’entre eux est dépourvu de tout contrôle et responsabilité en la matière. Dans ce cas, la rémunération de ces dirigeants doit être regardée comme relevant entièrement des secteurs passibles de la TVA et, par suite, comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires.
Au cas particulier pour combattre la présomption selon laquelle le DG de la SAS F serait investi d’une responsabilité générale, cette dernière a produit une résolution d’AG du 30 juin 2014 indiquant :
- que « Les fonctions administrative et de direction générale de la société FBG seront assurées par le Président du groupe uniquement » ;
- que « La société FBG pourra être amenée à percevoir des dividendes de ses filiales n’exigeant aucune affectation spécifique d’un dirigeant. / Le secteur financier reste sous le contrôle et la responsabilité du président de la société ».
La Cour fait toutefois valoir :
- que cette résolution a été produite pour la première fois devant le tribunal et n’avait jamais été mentionnée ni lors de la vérification de comptabilité, ni lors de la phase administrative ;
- que cette résolution est en contradiction avec les statuts de la société, qui n’ont pas été modifiés, et qui disposent, que : « sauf limitation fixée par la décision de nomination ou par une décision ultérieure, le directeur général dispose des mêmes pouvoirs de direction que le président. A ce titre, il est investi de tous les pouvoirs nécessaires pour agir en toute circonstance au nom de la société () ».
Dans ces conditions, la société FBG, qui n’a pas produit le contrat de travail de son directeur général, malgré une mesure d’instruction en ce sens, n’établit pas par cette seule résolution que M. A B, associé à 50 %, codirigeant de la société FBG et dirigeant de l’une des deux filiales, était dépourvu de tout contrôle et responsabilité dans la gestion des participations détenues par la société requérante dans ses deux filiales.
Le ministre appelant est par suite fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal a déchargé la société FBG des suppléments de taxe sur les salaires mis à sa charge à raison des rémunérations versées à son directeur général au motif que celui-ci n’avait aucune attribution dans le domaine financier.