Pour mémoire, l'article 269 du CGI prévoyait qu'en cas de livraison de biens, l'exigibilité de la TVA intervenait au moment du fait générateur, y compris en cas de versement d'un acompte.
La cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes, 28 mai 2021, n° 19NT03579, SAS Technitoit) a jugé dans un arrêt du 28 mai 2021 que cette pratique était contraire à l'article 65 de la directive TVA qui prévoit les règles suivantes :
1. Par principe, la TVA sur les livraisons de biens est exigible lorsque la livraison est effectuée (article 63).
2. Par exception, en cas de versements d’acomptes avant que la livraison de biens ou la prestation de services ne soit effectuée, la taxe devient exigible au moment de l’encaissement, à concurrence du montant encaissé (article 65).
3. Enfin, une exception globale visant tant les livraisons de biens que les prestations de services est prévue par l’article 66 de la directive et permet aux États membres de déroger à ces règles, à condition de prévoir une exigibilité de la TVA :
- au plus tard lors de l’émission de la facture ;
- au plus tard lors de l’encaissement du prix ;
- en cas d’absence d’émission ou d’émission tardive de la facture, dans un délai déterminé à compter de la date du fait générateur.
L’article 30 de la Loi de Finances pour 2022 a tiré les conséquences de cette décision et prévoit désormais qu’« en cas de versement préalable d’un acompte, la taxe devient exigible au moment de son encaissement à concurrence du montant encaissé » (nouvel article 269, 2° a du CGI). L'administration a commenté cette mesure au BOFIP-Impôts à la faveur d'une mise à jour en date du 21 décembre 2022
En pratique, les acomptes encaissés, depuis le 1er janvier 2023, dans le cadre d'opérations de livraison de biens donnent lieu à de la TVA exigible. En effet, en cas de paiement d'un acompte préalablement à la livraison, la TVA est exigible au moment de son encaissement à proportion du prix facturé. Quant au solde de la TVA, il sera exigible à la livraison du bien.
Comme le souligne le député Christophe Naegelen :
cela a plusieurs conséquences pour les entreprises. Elles doivent maintenant collecter la TVA sur les acomptes qu'elles reçoivent de leurs clients, ce qui entraîne une augmentation des coûts administratifs pour ces entreprises. De plus, cette évolution affecte leur trésorerie car elles doivent s'acquitter de la TVA sur les acomptes reçus avant même d'avoir livré les biens correspondants, ce qui engendre des difficultés de trésorerie pour les entreprises qui ont des délais de livraison longs. Cette administrocratie imposée pénalise de nouveau les entreprises, au bénéfice de la trésorerie de l'État. L'évolution des règles d'éligibilité va peser sur ces acteurs qui sont désormais confrontés à une collecte de TVA plus complexe.
Pour ces raisons, il a demandé au Gouvernement de revenir sur cette évolution, qui selon lui pénalise les forces vives du pays.
Le Gouvernement vient de répondre négativement.
Il n'est pas envisageable de revenir sur cette évolution imposée par le droit de l'Union.
À l'occasion de cette réforme, le législateur a accordé aux entreprises un délai d'une année pour l'entrée en vigueur des nouvelles règles pour leur permettre d'adapter leurs systèmes informatiques et de facturation et ainsi se préparer à cette évolution dans de bonnes conditions.
Ainsi, les dispositions du a du 2 de l'article 269 du CGI issues de la loi de finances pour 2022 ne s'appliquent qu'aux acomptes encaissés à compter du 1er janvier 2023. En outre, cette réforme a donné lieu à des échanges avec les représentants des entreprises. Enfin, bien que les règles d'exigibilité de la TVA puissent avoir un impact sur la trésorerie selon que l'on se situe du point de vue du fournisseur ou du client, les règles en vigueur ont pour corollaire que les entreprises qui versent des acomptes au titre de l'achat de marchandises, sont fondées à opérer la déduction de la TVA y afférente dès le paiement de l'acompte sans avoir à attendre que la marchandise leur soit livrée.
Dès lors, la nouvelle pratique n'induit aucun bénéfice de trésorerie pour l'État pour les transactions entre assujettis. Du point de vue des entreprises, ces dernières sont tenues de reverser la TVA collectée le mois qui suit celui où elles la perçoivent. En effet, le bénéfice de trésorerie dont bénéficiaient auparavant les fournisseurs, du fait du décalage entre le moment où ils collectaient la TVA auprès de l'acheteur et celui où ils la reversaient, est intégralement compensé par le fait que ledit acheteur ne supporte plus la charge de trésorerie entre le versement de la TVA au fournisseur et la déduction de cette TVA.