Pour mémoire, dans son arrêt Accor (Arrêt de la CJUE du 15 septembre 2011, aff. C-310/09), la Cour de justice avait indiqué que la différence de traitement entre les dividendes distribués par une filiale résidente et ceux distribués par une filiale non-résidente était contraire au droit de l’Union et que le mécanisme français de prévention de la double imposition n’était pas compatible avec les dispositions du traité.
Le Conseil d’État a rendu, suite à l’arrêt Accor, plusieurs arrêts qui ont provoqué des plaintes adressées à la Commission. Celle-ci a relevé que certaines conditions relatives au remboursement du précompte mobilier prévues par ces arrêts étaient susceptibles de constituer des violations du droit de l’Union.
La France ayant refusé d’accéder à l’avis de la Commission lui enjoignant d’adopter certaines mesures, la Commission a introduit un recours en manquement devant la Cour de justice.
Dans son arrêt du 4 octobre 2018, la CJUE a rappelé que, à l’égard d’une réglementation fiscale visant à prévenir la double imposition économique des bénéfices distribués, la situation d’une société actionnaire percevant des dividendes d’origine étrangère est comparable à celle d’une société actionnaire percevant des dividendes d’origine nationale dans la mesure où, dans les deux cas, les bénéfices réalisés sont, en principe, susceptibles de faire l’objet d’une imposition en chaîne.
Or, le droit de l’Union impose à un État membre qui connaît un système de prévention de la double imposition économique dans le cas de dividendes versés à des résidents par des sociétés résidentes d’accorder un traitement équivalent aux dividendes versés à des résidents par des sociétés non-résidentes.
La CJUE a constaté ainsi que la France était tenue, pour mettre fin au traitement discriminatoire dans l’application du mécanisme fiscal visant à la prévention de la double imposition économique des dividendes distribués, de prendre en compte l’imposition subie antérieurement par les bénéfices distribués résultant de l’exercice des compétences fiscales de l’État membre d’origine des dividendes, dans les limites de sa propre compétence d’imposition, indépendamment de l’échelon de la chaîne de participation auquel cette imposition a été subie, à savoir par une filiale ou une sous-filiale.
En écartant le mécanisme de prévention de la double imposition économique, la France a, selon la CJUE, manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union.
Le député Romain Grau a demandé au Gouvernement s’il avait « évalué les incidences financières d’une telle décision. »
Réponse du ministre
« Sur le plan de la procédure, il convient de rappeler que ce contentieux comporte un volet fiscal et un volet indemnitaire.
En ce qui concerne les contentieux pendants devant le juge de l’impôt, le risque financier correspondant est inscrit en provision dans les comptes de l’État pour l’intégralité du montant des réclamations des entreprises tendant au remboursement du précompte, conformément au principe de prudence comptable. Ce montant s’élève à 3 Mds €, intérêts moratoires compris, inclus dans la provision pour risque sur litiges fiscaux au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2018.
Cela étant, il ne s’agit que d’un ordre de grandeur de l’impact financier maximal. Les entreprises requérantes sont en effet appelées à justifier devant les juridictions françaises les sommes dont elles demandent le remboursement au regard des principes précisés par la CJUE.
Les restitutions seront prononcées en tout ou partie par le juge administratif selon les éléments de preuve que les entreprises apporteront.
S’agissant du rythme des décaissements, ces procédures vont s’étaler sur plusieurs années.
Sur le plan indemnitaire, des entreprises ont introduit des recours devant le juge administratif mettant en cause la responsabilité de l’État à raison de l’activité des juridictions. En effet, elles ont fait l’objet de décisions définitives du juge de l’impôt rejetant leurs demandes de remboursement du précompte mais contestent le bien-fondé de ces jugements au regard de la jurisprudence de la CJUE.
Les risques liés à ce contentieux en responsabilité ont été provisionnés distinctement au bilan de l’État au 31 décembre 2018 à hauteur du montant des réclamations, soit 1,2 Md €.
Ce contentieux d’une grande complexité technique est en phase d’instruction devant les tribunaux administratifs. Comme dans le contentieux fiscal, une évaluation au cas par cas de l’excès de précompte payé par les entreprises au regard des principes fixés par la jurisprudence de la CJUE sera nécessaire, en vue du paiement d’une indemnité aux entreprises, le cas échéant, qui auront établi leur préjudice et la responsabilité de l’État. »