La Cour d’Appel de Douai vient de contester l’assujettissement à la TVA immobilière de la vente d’un immeuble entièrement rénové par une SCI estimant qu’elle résulte de la simple propriété du bien et ne constitue pas la contrepartie d’une activité économique.
Depuis l’entrée en vigueur le 11 mars 2010 du nouveau régime de TVA immobilière, les ventes d’immeubles réalisées par des assujettis agissant en tant que tels entrent dans le champ d’application de la TVA dès lors qu’elles portent sur des immeubles achevés depuis moins de cinq ans ou sur des terrains à bâtir au sens de l’article 257-I-2-1° du CGI.
Sont assujetties à la TVA les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa de l’article 256 A du CGI, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien meuble corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.
Rappel des faits :
Le 12 juillet 2012, MM. X et Y ont fait l’acquisition pour le prix de 75 000 € d’un immeuble à usage d’habitation et sinistré lors d’un précédent incendie. Comme cela était prévu dans le compromis, une SCI s’est finalement substituée à ces deux acquéreurs. L’immeuble ainsi acquis a été mis en rénovation.
Le 22 novembre 2013 la SCI a vendu à Mme A le rez-de-chaussée de l’immeuble ainsi rénové correspondant au lot n°1. Une seconde vente est intervenue le 12 mars 2014 au profit de Mme B et par le ministère du même officier public.
Peu après, l’administration fiscale a procédé à un contrôle sur place et notifié à la SCI qu’elle était fondée au visa de l’article 257 du CGI à soumettre la vente en faveur de Mme A à la TVA immobilière plutôt qu’aux droits d’enregistrement, la vente portant sur un immeuble neuf ou considéré comme tel.
Ainsi, l’administration considérait que le prix de vente pratiqué par la SCI s’entendait TTC à charge pour la SCI cédante de reverser à l’Etat la TVA collectée. La SCI n’a pas contesté ce reclassement et s’est exécutée auprès du fisc en lui réglant la TVA collectée au titre des deux ventes, outre les rappels d’impôts et majorations, les pénalités de recouvrement ayant fait l’objet de remises.
Considérant qu’elle avait subi un préjudice, la SCI a, fait assigner la SCP de notaires devant le TGI.
Par jugement du 30 novembre 2016, le TGI a jugé que la SCP avait commis des manquements fautifs en ayant omis d’informer la SCI sur le régime fiscal de la TVA applicable à l’opération immobilière à laquelle elle a prêté son concours. Mais le tribunal a débouté la SCI de sa demande de dommages et intérêts
La SCI a interjeté appel de la décision.
La Cour rappelle qu’il résulte de la combinaison des articles 256 et 256 A du CGI qu’une livraison d’immeuble est soumise à la TVA lorsqu’elle est réalisée par un assujetti agissant en tant que tel, ce qui implique :
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d’une part, que la personne qui effectue la livraison d’immeuble exerce à titre habituel et de manière indépendante une activité économique par l’adoption d’un comportement actif sur la durée,
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et d’autre part, que la livraison de l’immeuble intervienne dans le cadre de cette activité économique.
Elle en déduit que « les particuliers réalisant à titre individuel ou par l’intermédiaire d’une société civile une unique opération immobilière, notamment de cession d’immeuble, ne doivent pas être considérés comme des assujettis réalisant des opérations immobilières soumises à la TVA».
En l’espèce, la SCI produit ses statuts dont il s’évince qu’elle a pour objet social :
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l’acquisition, l’administration et l’exploitation par bail, location, sous-location ou autrement de tous immeubles bâtis ou non bâtis, dont la société pourrait avoir la propriété ou la jouissance,
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la réfection, la rénovation, la réhabilitation d’immeubles anciens, ainsi que la réalisation de tous travaux de transformation, amélioration, installations nouvelles conformément à leur disposition,
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et plus généralement, toutes opérations financières, mobilières ou immobilières se rattachant directement ou indirectement à cet objet et susceptibles d’en favoriser la réalisation, à condition toutefois d’en respecter le caractère civil.
Pour la Cour, « il ressort de ses statuts et de l’attestation de M. Y que la SCI a été créée dans une stratégie patrimoniale d’investissement à long terme et non dans une démarche commerciale active ».
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Au surplus, la SCI produit un imprimé MO de déclaration d’immatriculation d’une société civile en date du 26 juin 2014 indiquant au titre des activités principales de la société : «Acquisition, administration, réfection et gestion par location de tous types de biens immobiliers', et au titre des activités secondaires : 'reconstruction, production d’immeubles neufs».
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La cour constate ensuite que la proposition de rectification suite à une vérification de compatibilité du 20 juin 2014 indique : «ces statuts en tant que tels ne lui confèrent pas le statut d’assujetti à la TVA».
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La SCI pour l’acquisition dudit immeuble a souscrit un prêt hypothécaire sur 20 ans, par acte authentique du 26 mars 2013, auprès du Crédit du Nord, étant précisé que l’objet du financement indique : «Nature des travaux : Amélioration à usage d’habitation principale du ou des emprunteurs».
La Cour constate que si la SCI «a donné à la SCP de notaires un mandat de mise en vente sans exclusivité, force est pour autant de constater qu’elle n’est pas entrée dans une démarche active de commercialisation foncière, celle-ci ayant d’une part acquis l’immeuble litigieux dans une pure démarche patrimoniale visant à valoriser sa propriété immobilière, et d’autre part sans mobiliser des moyens pour se placer en concurrence avec des professionnels de l’immobilier.»
La Cour en déduit que la SCI n’a été animée que par la seule intention d’exercer son droit de propriété, et non par un objectif d’entreprise qui l’aurait conduite à développer des diligences en vue d’en tirer un résultat économique.
La Cour a donc décidé d’infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et de débouter la SCI de toutes ses demandes à l’encontre de la SCP de notaires.