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Plus-values mobilières

Cession de parts de SCI de construction-vente et plus-value : quand le juge privilégie l'activité réelle sur l'objet social statutaire

Le juge de l'impôt nous rappelle les conditions d'application du régime fiscal dérogatoire prévu par l'article 239 ter du CGI en matière de SCCV et met en lumière, une nouvelle fois, les conséquences fiscales de l'exercice d'activités commerciales par une société civile sur la qualification de la plus-value réalisée lors de la cession de ses parts sociales.

 

Pour mémoire, conformément aux dispositions de l’article 206-2, al.1, du CGI les sociétés civiles relèvent de plein droit de l’impôt sur les sociétés , quelle que soit leur forme, lorsqu’elles se livrent à des opérations présentant un caractère industriel ou commercial au sens des articles 34 du CGI et 35 du CGI. Tel est le cas des opérations de construction d’immeubles en vue de la vente. Par suite, les sociétés civiles qui procèdent à ces dernières opérations sont, en principe, obligatoirement soumises à l’IS.
Cependant, par dérogation à ce principe, l’article 239 ter-I du CGI prévoit que les dispositions de l’article 206-2 du CGI ne sont pas applicables aux sociétés civiles qui ont pour objet la construction d’immeubles en vue de la vente, à la condition que ces sociétés ne soient pas constituées sous la forme de sociétés par actions ou à responsabilité limitée et que leurs statuts prévoient la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social. Le régime de l’article 239 ter du CGI s’applique aux seules sociétés qui ont pour objet la construction d’immeubles en vue de la vente, soit directement, soit sous le couvert de sociétés dotées de la « transparence fiscale »Dans ce cas, les associés sont imposés en proportion de leurs droits suivant le régime qui leur est propre (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés) et en cas de cession de parts l’associé personne physique est imposé selon le régime des plus-values immobilières des particuliers ou celui des BIC.

Rappel des faits :

La SCI A a été créée le 1er avril 1999 avec un capital de 1 524,49 € divisé en 100 parts sociales. Selon les statuts enregistrés le 26 mai 1999, la société avait pour objet la construction d'un ou plusieurs immeubles en vue de leur vente en totalité ou par fraction. La société a effectivement fait construire un immeuble sur un terrain acquis à cette fin.
Toutefois, l'activité de la société a évolué. Une AGE tenue le 1er juillet 2000 a modifié l'objet social en y ajoutant une activité de location meublée en para-hôtellerie, avec effet rétroactif au 1er janvier 2000. Dans une réponse adressée au centre des impôts de Moutiers dès le 27 juillet 1999, la société avait d'ailleurs déjà indiqué exploiter des locations meublées. Les déclarations de résultat n° 2065 souscrites depuis la création de la société mentionnaient systématiquement la location meublée à la rubrique "Activité". La société avait en outre opté pour l'impôt sur les sociétés dès sa création.
Le 19 novembre 2019, Madame B., associée de la SCI A, a cédé cinquante parts sociales, dont quarante à un membre de sa famille pour 277 027,20 € et dix à l'autre associée pour 69 256,80 €, soit un prix unitaire de 6 925,68 € par part. Ces parts avaient été acquises pour un prix global de 762 €, générant ainsi une plus-value brute de 345 522 €.
À l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a constaté que Madame B. n'avait déclaré ni la plus-value de cession dans sa déclaration d'ensemble des revenus de l'année 2019, ni déposé de déclaration spécifique n° 2074. L'administration a en conséquence imposé la plus-value au taux forfaitaire de 12,8% sans application de l'abattement pour durée de détention, sur le fondement des articles 150-0 A et suivants du CGI.

 

Le TA de Grenoble a rejeté la demande de décharge présentée par Madame B. par un jugement du 27 juin 2024. Cette dernière a fait appel.

 

  • Madame B conteste l'application du régime d'imposition prévu à l'article 150-0 A du CGI. Elle soutient que la SCI A, dont l'objet social statutaire était la construction en vue de la vente d'immeubles, relève du régime dérogatoire institué par l'article 239 ter du CGI. Selon elle, cette société n'était pas imposable à l'impôt sur les sociétés en dépit de l'affectation de ses stocks immobiliers à l'actif immobilisé pour les exploiter en location.

 

La CAA de Lyon vient de rejeter l'appel de Mme B confirmant ainsi le bien-fondé de l'imposition sous le régime des plus-values mobilières.

  • La Cour rappelle d'abord le principe selon lequel une société civile exerçant l'une des activités visées à l'article 35 du CGI est en principe assujettie à l'impôt sur les sociétés, sauf à bénéficier du régime dérogatoire prévu à l'article 239 ter pour les sociétés civiles ayant pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente.
  • Elle précise que ce régime dérogatoire ne s'applique qu'aux sociétés civiles qui, tout en remplissant les conditions exigées, ne se livrent pas effectivement, outre les opérations de construction-vente et sous réserve des opérations accessoires à cette activité, à d'autres opérations qui entraîneraient leur soumission à l'impôt sur les sociétés.

Au cas particulier la Cour fait valoir que si les statuts originels de la SCI A prévoyaient bien la construction d'immeubles en vue de leur vente et si la société a effectivement fait construire un immeuble, l'AGE du 1er juillet 2000 a ajouté à l'objet social une activité de location meublée en para-hôtellerie. Elle constate que la société a réellement exercé cette activité, ainsi qu'en témoignent sa réponse du 27 juillet 1999 au CDI et les déclarations de résultat souscrites depuis sa création mentionnant la location meublée.

 

La Cour en déduit que la SCI A s'est livrée à une activité commerciale, sans que cette activité puisse être qualifiée d'accessoire à une opération de construction-vente. Cette activité commerciale entraînait donc la soumission de la SCI A à l'IS, régime pour lequel elle avait opté dès sa création.

Para ailleurs, la Cour souligne que les statuts de la SCI A ne prévoyaient pas la responsabilité indéfinie des associés concernant le passif social, condition pourtant requise par l'article 239 ter pour bénéficier du régime dérogatoire.

 

Partant, les juges d'appel valident l'application par l'administration du régime d'imposition prévu aux articles 150-0 A et s du CGI pour la taxation de la plus-value de cession des parts sociales. 

 

Cet arrêt réaffirme l'interprétation stricte des conditions d'application du régime dérogatoire des SCCV de l'article 239 ter du CGI

  • L'exercice d'une activité commerciale, même si elle n'est pas l'objet social unique, fait basculer la société dans le champ de l'IS, sauf à démontrer son caractère purement accessoire.
  • Les conditions de forme, notamment la clause statutaire de responsabilité indéfinie des associés, sont cumulatives et leur absence est rédhibitoire. 

Publié le jeudi 30 octobre 2025 par La rédaction

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