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Plus-values mobilières

Report d'imposition des plus-values d'apport : l'effectivité du réinvestissement prévaut sur le formalisme

Pour le juge de l'impôt, en matière d'apport-cession de l'article 150-0 B ter du CGI et de maintien du report d'imposition de la plus-value mobilière, le non-respect des obligations déclaratives est sans incidence dès lors qu'il est établi que la condition substantielle de réinvestissement effectif du produit de cession a été matériellement remplie.

 

L’article 150‑0 B ter du CGI prévoit un mécanisme de report d’imposition obligatoire des plus-values réalisées lors de l’apport de titres à une société contrôlée par l’apporteur personne physique.

 

Ce report d’imposition expire notamment lorsque les titres apportés sont cédés par la société bénéficiaire de l’apport dans les trois ans à compter de celui-ci.

 

Par exception, le report d’imposition est maintenu si la société prend l’engagement de réinvestir le produit de cession, dans un délai de deux ans à compter de cette cession, à hauteur de 60 % au moins de ce produit (50 % s'agissant des cessions intervenues avant le 1er janvier 2019), dans certaines entreprises opérationnelles listées dans la loi, cette condition de réinvestissement ayant vocation à prévenir les abus.

 

Outre cette condition substantielle de réinvestissement, le dispositif est assorti d'obligations déclaratives, prévues aux articles 74-0 K et 74-0 L de l'annexe II au CGI (dans leur version applicable au litige). Le contribuable doit ainsi mentionner le montant de la plus-value en report sur sa déclaration de revenus, et la société bénéficiaire de l'apport doit joindre à sa propre déclaration de résultats une attestation de son engagement de réinvestir.

 

Au cas particulier, la question était de savoir si le manquement à ces obligations formelles était de nature à entraîner, à lui seul, la déchéance du report, même en cas de réinvestissement effectif.

 

Rappel des faits :

Des contribuables, M. et Mme A ont réalisé une opération d'apport-cession classique. Le 25 août 2016, ils ont apporté les titres de leur société « Home 2 » à leur société « Home Holding », plaçant ainsi la plus-value en report d'imposition. Peu de temps après, le 1er octobre 2016, la holding a cédé ces titres pour un montant de 99 600 €, ce qui a déclenché l'obligation de réinvestir au minimum 49 800 € (50 % du produit de cession) avant le 1er octobre 2018.

 

La société holding a procédé à deux types d'investissements : d'une part, une souscription en numéraire de 45 000 € au capital d'une autre société, « Home Jeu de Paume », en mai 2018 ; d'autre part, le financement de travaux pour cette même société.

 

À la suite d'un contrôle, l'administration fiscale a remis en cause le maintien du report, considérant que le seuil de réinvestissement n'était pas atteint, et a imposé la plus-value au titre de l'année 2016. Le tribunal administratif de Montpellier a validé la position de l'administration, jugeant notamment que le réinvestissement devait porter sur des moyens permanents d'exploitation, une condition plus stricte que celle prévue par la loi applicable à l'époque.

 

La Cour administrative d'appel de Toulouse vient d'infirmer le jugement et de donner raison aux contribuables 

 

  • Recalculant le montant du réinvestissement effectif la Cour a validé la souscription au capital de 45 000 €. Concernant les travaux financés, elle a fait le tri : elle a écarté la part correspondant à des travaux réalisés en 2015 qui, antérieurs à la cession,ne pouvaient constituer un « réinvestissement » de son produit. En revanche, elle a retenu la part des travaux effectués en 2016 pour 7 317 € Le total du réinvestissement éligible s'élèvait donc à 52 317 € (45 000 + 7 317), soit un montant supérieur au seuil requis de 49 800 €.

 

  • La Cour a corrigé l'erreur de droit commise par les premiers juges. Elle rappelé que la loi applicable était celle en vigueur en 2016, année de réalisation de la plus-value. Or, à cette date, le texte n'exigeait pas un réinvestissement dans des moyens permanents d'exploitation, mais plus largement dans le « financement d'une activité commerciale ». La condition, moins restrictive, était donc bien remplie.

 

  • Enfin, la Cour s'est prononcée sur les conséquences du manquement aux obligations déclaratives. Les contribuables n'avaient pas déclaré la plus-value en report et la société n'avait pas souscrit l'engagement formel de réinvestir. La Cour a jugé que ces circonstances sont « sans incidence » sur le maintien du report. Elle motive sa position en se fondant sur deux éléments décisifs : l'effectivité du réinvestissement et la nature de l'avantage fiscal en cause.

Les circonstances que cette plus-value n'a pas été déclarée par les intéressés, conformément aux dispositions de l'article 74-0 K de l'annexe II au code général des impôts alors en vigueur, et que la société Home Holding n'a pas souscrit, dans une attestation annexée à sa déclaration de résultat de l'année 2016, l'engagement, prévu à l'article 74-0 L de la même annexe, d'investir le produit de la cession des titres concernés dans les conditions prévues au 2° du I de l'article 150-0 B ter du CGI, sont, compte tenu de l'effectivité de ce réinvestissement et de la nature de l'avantage fiscal en cause, sans incidence à cet égard.

 

Autrement dit l'objectif du législateur étant d'encourager le réinvestissement économique, la réalisation matérielle de cet objectif prime sur les formalités administratives destinées à en assurer le suivi.

 

Pour le juge administratif, l'essentiel est que le capital ait été effectivement et en temps voulu réinjecté dans une activité économique éligible, conformément à l'esprit de la loi. L'omission d'une déclaration, si elle est regrettable et peut déclencher un contrôle, n'est pas une cause de déchéance automatique du régime de faveur.

 

Publié le lundi 22 septembre 2025 par La rédaction

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