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Plus-values mobilières

Titres acquis par incorporation de primes d'émission : rappel des modalités de calcul du délai de détention pour l'abattement fiscal

Rappel jurisprudentiel des modalités d'application de l'abattement pour durée de détention en matière de plus-values sur valeurs mobilières, particulièrement dans le cas de cession de titres acquis gratuitement à la suite d'une augmentation de capital par incorporation de primes.

 

Le litige porte sur l'application de l'abattement pour durée de détention renforcé prévu par l'article 150-0 D du CGI. Dans sa version applicable aux faits de l'espèce, cet article prévoyait une réduction des gains nets résultant de la cession de titres selon une échelle progressive liée à la durée de détention :

  • Un abattement de 65% lorsque les titres sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de huit ans à la date de la cession ;
  • Un abattement de 85% lorsque les titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession.

La doctrine administrative, publiée dans le BOFIP (BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-20 du 2 juillet 2015), précisait au paragraphe 30 le point de départ à retenir pour le décompte de la durée de détention en cas de cession d'actions attribuées gratuitement à la suite d'une augmentation de capital par incorporation de réserves ou de primes. Selon cette doctrine, ce point de départ est

la date d'acquisition des actions et parts auxquelles les titres attribués gratuitement se rapportent

La doctrine précisait également que :

lorsque les actions et parts qui ont été attribuées gratuitement se rapportent à des titres anciens acquis à des dates différentes, il convient, pour le calcul de la durée de détention, de répartir le nombre des actions et parts attribuées gratuitement au prorata du nombre des actions et parts anciennes de même nature par date d'acquisition.

Soulignons que la doctrine BOFIP issue de la dernière mise à jours du 23 mai 2023 est identique à celle de 2015 : BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-20, n°30

Rappel des faits :

M. A a vendu, en mars et septembre 2017, respectivement 26 224 et 57 692 titres de la société PL et a déclaré une plus-value totale de 1 259 667 €. Pour le calcul de l'abattement pour durée de détention, il a considéré que l'ensemble des titres cédés étaient détenus depuis plus de huit ans, leur permettant ainsi de bénéficier de l'abattement majoré de 85%.

 

L'historique de ses acquisitions et cessions de titres était le suivant :

  • 1er juillet 2008 : acquisition de 1 000 titres
  • 29 juillet 2008 : cession de 1 titre
  • 2 février 2009 : acquisition de 22 977 titres par incorporation d'une prime d'émission
  • 14 septembre 2009 : acquisition de 35 964 titres par incorporation d'une prime d'émission
  • 2 décembre 2010 : cession de 4 000 titres
  • 20 décembre 2010 : acquisition de 41 955 titres par incorporation d'une prime d'émission
  • 11 février 2015 : acquisition de 7 000 titres
  • 8 mars 2017 : cession de 26 224 titres
  • 8 septembre 2017 : cession de 57 692 titres

À la suite d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2017, l'administration fiscale a remis en cause le calcul de l'abattement pour durée de détention appliqué par le contribuable. Par une proposition de rectification du 6 août 2020, elle a considéré que les plus-values afférentes à 6 248 des actions cédées en mars 2017 et aux 57 692 actions cédées en septembre 2017 ne pouvaient bénéficier que d'un abattement de 65% et non de 85%. Après mise en recouvrement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu le 30 avril 2021, M. A a présenté une réclamation le 24 juin 2021, qui a été rejetée par décision du 20 octobre 2021.

 

M.A a saisi le Tribunal administratif de Melun pour contester cette imposition.

 

Il soutient qu'il était en droit de se prévaloir de la doctrine administrative BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-20 §30, qui fixe le point de départ du délai de détention de parts sociales acquises par incorporation de primes d'émission à la date d'acquisition des titres auxquels elles se rapportent. Selon cette doctrine, les titres acquis par incorporation de primes d'émission sont réputés avoir été acquis antérieurement à leur attribution et, en l'occurrence, se rapportent intégralement aux titres émis à la constitution de la société, c'est-à-dire au 1er juillet 2008. Par conséquent, à la date des cessions en 2017, il détenait l'ensemble des titres depuis plus de huit ans, lui permettant de bénéficier de l'abattement de 85%.

 

De son côté, l'administration contestait l'application faite par le contribuable de la doctrine administrative, considérant que l'acquisition de titres par incorporation de primes d'émission ne pouvait être rattachée systématiquement aux premiers titres acquis. Elle estime que lorsque les titres sont acquis à des dates différentes, il convient d'appliquer la règle du prorata prévue par la doctrine administrative elle-même. En application de cette règle et du principe "premier entré, premier sorti" (FIFO), seule une partie des titres cédés en 2017 pouvait bénéficier de l'abattement de 85%.

 

Le tribunal vient partiellement faire droit à la demande de M.A

 

Sur le point de départ de la durée de détention

Le tribunal reconnaît pleinement l'applicabilité de la doctrine administrative invoquée par le contribuable (BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-20 du 2 juillet 2015, §30), qui fixe le point de départ du délai de détention à la date d'acquisition des titres auxquels les nouveaux titres attribués gratuitement se rapportent.

Toutefois, le tribunal précise que cette règle ne vaut intégralement que pour les 22 977 titres acquis le 2 février 2009 par incorporation d'une prime d'émission, dont le point de départ de la durée de détention est fixé au 1er juillet 2008 (date d'acquisition des titres initiaux).

Pour les acquisitions ultérieures par incorporation de primes d'émission, le tribunal applique strictement la seconde partie de la doctrine qui prévoit que "lorsque les actions et parts qui ont été attribuées gratuitement se rapportent à des titres anciens acquis à des dates différentes, il convient, pour le calcul de la durée de détention, de répartir le nombre des actions et parts attribuées gratuitement au prorata du nombre des actions et parts anciennes de même nature par date d'acquisition".

 

Ainsi, le tribunal procède à une répartition chronologique détaillée :

  • Les 35 964 titres acquis le 14 septembre 2009 sont réputés acquis pour 1 499 d'entre eux au 1er juillet 2008 et pour 34 465 au 2 février 2009.
  • Les 41 955 titres acquis le 20 décembre 2010 sont réputés acquis pour 14 982 d'entre eux au 2 février 2009 et pour 26 973 au 14 septembre 2009.

Le tribunal prend également en compte la règle "premier entré, premier sorti" (FIFO) pour déterminer quels titres ont été cédés le 2 décembre 2010 (à savoir, les titres les plus anciens, acquis le 1er juillet 2008).

 

Sur le terme du délai de détention

Le tribunal se réfère au §20 du BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-20 qui précise que "la date qui constitue le terme de la durée de détention est celle du fait générateur de l'imposition, c'est-à-dire la date du transfert de la propriété juridique des actions".

 

Sur la base des éléments contractuels, le tribunal fixe les termes des délais de détention aux 8 mars et 8 septembre 2017, dates auxquelles les transferts de propriété ont été effectivement réalisés, et non à la date de signature de l'acte de cession du 25 septembre 2017 alléguée par le contribuable mais non justifiée.

 

Sur l'abattement applicable

En croisant ces analyses, le tribunal a déterminé la composition des lots de titres cédés :

  • La cession du 8 mars 2017 (26 224 titres) a porté sur 21 475 titres détenus depuis le 1er juillet 2008 et sur 4 749 titres détenus depuis le 2 février 2009.
  • La cession du 8 septembre 2017 (57 692 titres) a porté sur 44 698 titres détenus depuis le 2 février 2009 et sur 12 994 titres détenus depuis le 14 septembre 2009.

Compte tenu des dates ainsi déterminées, le tribunal conclut que :

  • Les 26 224 titres cédés le 8 mars 2017 bénéficient tous de l'abattement de 85% (car détenus depuis plus de 8 ans).
  • Parmi les 57 692 titres cédés le 8 septembre 2017, 44 698 bénéficient de l'abattement de 85% (car détenus depuis plus de 8 ans), tandis que 12 994 ne peuvent bénéficier que de l'abattement de 65% (car détenus depuis plus de 4 ans mais moins de 8 ans).

Partant, le tribunal a prononcé donc la décharge partielle de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, limitée à la remise en cause de l'abattement de 85% pour les titres détenus depuis plus de 8 ans (soit 26 224 + 44 698 = 70 922 titres sur les 83 916 cédés).

 

Publié le mardi 22 avril 2025 par La rédaction

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