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Contrôle et contentieux

La traçabilité comptable comme condition d'application du régime fiscal des avances aux associés

Le juge de l'impôt nous rappelle que la qualification fiscale des sommes prélevées par un associé dépend non seulement de leur nature économique mais aussi de leur traitement comptable, la transparence des écritures constituant un prérequis essentiel pour bénéficier des dispositions fiscales les plus favorables.

 

La taxation des revenus distribués aux associés repose principalement sur deux fondements du CGI :

  • L'article 109-1-2° du CGI, qui considère comme revenus distribués

toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices

  • L'article 111-a du CGI, qui dispose que sont notamment considérés comme revenus distribués

sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes

Ces deux fondements, bien qu'ils aboutissent à la même conséquence fiscale (imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers), diffèrent fondamentalement quant au régime de preuve applicable :

  • Dans le cadre de l'article 109-1-2° du CGI, c'est à l'administration d'établir que les sommes ont été mises à la disposition de l'associé.
  • Dans le cadre de l'article 111-a du CGI, une présomption de distribution est établie pour les sommes qualifiées d'avances, mais cette présomption peut être renversée si l'associé apporte la preuve contraire, notamment en démontrant le remboursement effectif des avances.

La doctrine BOFIP précise :

Cette preuve contraire résulte, dans chaque cas particulier, des circonstances propres à démontrer que l'opération effectuée ne revêt pas, dans les rapports de la société avec l'associé, le caractère d'une distribution exceptionnelle ou anticipée de produits sociaux et qu'elle est exclusive de toute faveur spéciale au profit du bénéficiaire.

BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20

 

Soulignons que l'article 111-a du CGI dispose en son deuxième alinéa que lorsque les avances, prêts ou acomptes sont remboursés à la personne morale qui les avait versés, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait donné lieu est nonobstant toutes dispositions contraires, restituée au bénéficiaire ou à leurs ayants cause dans des conditions et suivant des modalités fixées par les articles 49 bis à 49 sexies de l'annexe III au CGI.

 

 

Rappel des faits :

M. B. était associé à 25% et dirigeant de la société "La Place des Vins", exploitant une cave à vins, qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 15 avril 2015. Suite à l'exercice du droit de communication auprès du procureur de la République, l'administration fiscale a constaté que M. B. avait encaissé sur son compte bancaire personnel les sommes de 106 680 € en 2012 et 133 660 € en 2013, prélevées directement sur le compte bancaire de la société.

 

Ces sommes n'avaient pas été comptabilisées comme des avances en compte courant d'associé, mais inscrites au débit d'un compte fournisseur ouvert au nom d'une société tierce dénommée "Wine Drop".

 

Par une proposition de rectification du 15 mai 2019, l'administration a soumis ces sommes à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement de l'article 109, 1, 2° du CGI, considérant qu'il s'agissait de revenus distribués.

 

Au cas particulier, les contribuables ne contestaient pas avoir reçu ces sommes importantes (106 680€ en 2012 et 133 660€ en 2013), mais tentaient d'échapper à l'imposition en prétendant qu'il s'agissait d'avances remboursées afin de bénéficier du régime de l'article 111-a du CGI.

 

Ils ont donc contesté ce redressement devant le tribunal administratif de Bordeaux, qui a rejeté leur demande. Ils ont alors fait appel devant la Cour administrative d'appel de Bordeaux.

 

M. et Mme B. soutiennent :

  • que les sommes prélevées constituaient des avances au sens de l'article 111 a du CGI et devaient être imposées selon ce régime, indépendamment de leur comptabilisation.
  • que la comptabilisation dans un compte autre qu'un compte courant d'associé ne permettait pas d'écarter la qualification d'avance si les sommes avaient été mises à la disposition d'un associé.
  • que la doctrine administrative (BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20-20120912 §80) ne limitait pas les cas d'application de l'article 111 a aux seules avances comptabilisées dans un compte courant.
  • que les sommes avaient été remboursées, comme l'attestait un virement de 600 000 € effectué le 2 décembre 2013 sur le compte de la société, ce qui aurait dû faire obstacle à leur imposition.

 

La Cour administrative d'appel de Bordeaux vient de rejeter la requête des époux B.

  • La comptabilisation frauduleuse : Dans un premier temps, elle a analysé la nature des sommes prélevées et confirmé l'analyse de l'administration selon laquelle l'inscription des sommes au débit d'un compte fournisseur d'une société tierce (Wine Drop), alors qu'elles ont été directement prélevées sur le compte bancaire de la société dont M. B. était associé, ne pouvait que "révéler une intention délibérée de dissimulation de revenus".

Cette qualification comptable frauduleuse justifie, selon la Cour, l'application de l'article 109-1-2° du CGI plutôt que de l'article 111-a du CGI.

  • L'absence de preuve de remboursement : Puis la Cour a examiné l'argument relatif au prétendu remboursement des sommes prélevées. Or, elle a constaté que le virement de 600 000 € invoqué par les contribuables ne pouvait être considéré comme un remboursement des sommes litigieuses, dès lors que cette même somme avait été inscrite le lendemain à la fois au crédit du compte courant d'associé de M. B. et au crédit du compte fournisseur (Wine Drop). Pour la Cour ce virement ne correspondant pas à un véritable remboursement.

 

Publié le lundi 28 avril 2025 par La rédaction

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