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Contrôle et contentieux

Pénalités : de l'importance du comportement coopératif des contribuables dans l'appréciation du manquement délibéré

Une décision qui devrait rassurer les professionnels du droit sur les possibilités de contestation des pénalités pour manquement délibéré, particulièrement lorsque les contribuables peuvent démontrer leur bonne foi et leur coopération avec l'administration

 

Cette décision s'inscrit dans le cadre de l'application de l'article 1729 du CGI, qui prévoit une majoration de 40% en cas de manquement délibéré, sanction qui suppose la démonstration par l'administration d'une intention délibérée d'éluder l'impôt de la part du contribuable. La jurisprudence administrative a progressivement affiné les contours de cette notion de manquement délibéré, exigeant la réunion de deux éléments constitutifs :

  • d'une part, l'existence matérielle d'une insuffisance, inexactitude ou omission dans les déclarations du contribuable,
  • et d'autre part, la preuve de l'intention délibérée d'éluder l'impôt.

Cette double exigence traduit la volonté du législateur de sanctionner non pas la simple erreur, mais la fraude caractérisée.

 

En matière de plus-values mobilières, le régime fiscal impose aux contribuables de déclarer non seulement le montant des plus-values réalisées, mais également les abattements pour durée de détention applicables. Ces éléments déterminent l'assiette des prélèvements sociaux et influent sur le calcul du revenu fiscal de référence, seuil de déclenchement de la contribution sur les hauts revenus.

 

L'omission de ces mentions, même partielles, peut donc avoir des conséquences fiscales significatives et justifier l'application de pénalités.

 

Rappel des faits :

L'affaire concerne Monsieur et Madame C, contribuables ayant réalisé des plus-values de cession de valeurs mobilières en 2015 et 2016. Lors de leurs déclarations de revenus, ils ont omis d'indiquer dans la case 3SG le montant des abattements pour durée de détention dont ils bénéficiaient, soit respectivement des montants substantiels dépassant largement leurs revenus déclarés.

Cette omission a été découverte lors d'un contrôle sur pièces initié par une demande de renseignements du 26 avril 2018. Les contribuables ont coopéré en fournissant par courriel du 30 mai 2018 l'ensemble des justificatifs réclamés. L'administration a alors notifié, par proposition de rectification du 11 juin 2018, des rehaussements accompagnés de majorations de 40% pour manquement délibéré, représentant un total de 134 662 euros.

Les contribuables ont accepté les rehaussements de droits simples mais contesté les pénalités. Leur réclamation préalable du 20 juin 2019 ayant été rejetée le 22 juillet 2019, ils ont saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par jugement du 12 octobre 2022, a fait droit à leurs demandes pour l'année 2015 mais maintenu la pénalité pour 2016.

 

Cette décision partielle explique l'appel formé devant la CAA de Versailles, les contribuables sollicitant la décharge complète des majorations pour manquement délibéré.

 

Les  époux C :

  • soutiennent qu'ils n'ont pas omis de déclarer une plus-value mais seulement omis de préciser le montant de l'abattement dans la case appropriée. Cette distinction vise à requalifier l'omission en simple erreur matérielle, dépourvue de l'intentionnalité requise pour caractériser un manquement délibéré.
  • font valoir qu'ils ont reproduit en 2016 la même omission qu'en 2015, faute d'avoir été alertés par l'administration fiscale entre ces deux exercices. Cette argumentation s'appuie sur le fait que la proposition de rectification n'est intervenue qu'en juin 2018, postérieurement à la souscription des déclarations litigieuses.
  • contestent que l'importance du montant omis puisse suffire à établir le manquement délibéré, soulignant que cette circonstance demeure compatible avec une erreur de bonne foi.
  • mettent en avant leur comportement coopératif tout au long de la procédure. Ils insistent sur la transmission spontanée des justificatifs bancaires et leur réactivité face aux demandes de l'administration, éléments qu'ils présentent comme incompatibles avec une volonté de dissimulation.

 

La Cour a suivi les époux C et leurs arguments et les a déchargé de majoration de 40 % pour manquement délibéré

 

  • S'agissant de l'élément matériel, la Cour rejette l'argumentation des contribuables tendant à requalifier l'omission en simple erreur matérielle.

Elle rappelle que le montant de l'abattement constitue un élément déterminant pour le calcul des prélèvements sociaux et de la contribution sur les hauts revenus. Son absence d'indication constitue donc bien une inexactitude ou omission au sens de l'article 1729 du CGI, écartant ainsi toute tentative de minimisation de la portée fiscale de l'omission.

  • Concernant l'élément intentionnel, la Cour a adopté une analyse plus nuancée et favorable aux contribuables :

Elle a d'abord observé que les contribuables ont réitéré en 2016 la même omission qu'en 2015, circonstance qui pourrait a priori plaider en faveur de la caractérisation du manquement délibéré.

 

Cependant, la Cour a introduit une considération temporelle décisive : le contrôle révélant l'omission n'avait pas débuté au moment de la souscription de la déclaration 2016, la proposition de rectification étant postérieure au délai déclaratif. Cette chronologie empêche de présumer que les contribuables avaient connaissance de l'irrégularité de leur pratique déclarative au moment où ils ont reproduit l'omission.

 

Le TA a déjà jugé que le manquement délibéré n'était pas constitué pour 2015 et que les contribuables n'ont jamais été antérieurement redressés pour un tel motif. Pour la Cour, cette absence d'antécédent répressif constitue un élément important d'appréciation de la bonne foi des contribuables.

 

  • Concernant le comportement des contribuables

La Cour a accordé une importance particulière à leur attitude coopérative. Elle a relevé que les contribuables avaient spontanément transmis les justificatifs bancaires nécessaires au calcul de la plus-value, permettant à l'administration de disposer de tous les éléments d'information nécessaires pour procéder aux rectifications. Cette transparence spontanée apparaît incompatible avec une volonté de dissimulation.

 

Enfin s'agissant des arguments invoqués par l'administration, elle a considré que les seules circonstances tenant à la connaissance antérieure des obligations déclaratives et aux mentions de l'IFU ne suffisaient pas, dans le contexte de l'espèce, à établir l'intention délibérée d'éluder l'impôt.

 

TL;DR

  • lorsqu'une omission se répète sur plusieurs années sans que le contribuable ait été informé de son irrégularité, la répétition ne peut constituer un indice probant d'intention frauduleuse.
  • de l'importance du comportement coopératif des contribuables dans l'appréciation du manquement délibéré. La Cour accorde une valeur probante à la transmission spontanée des justificatifs par les contribuables, y voyant un indice de bonne foi incompatible avec une volonté de dissimulation.
  • refus de considérer que l'importance des montants en jeu ou la connaissance antérieure des obligations déclaratives suffisent à établir l'intention frauduleuse.

Publié le vendredi 30 mai 2025 par La rédaction

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