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Impôt sur les sociétés

De l'impossibilité de reporter en avant les crédits d'impôt étrangers antérieurs sur les contributions additionnelles à l'IS

Nouvelle décision relative à l'articulation entre les mécanismes d'élimination de la double imposition internationale  (crédits d'impôt) et les contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés telles que celle codifiées aux articles 235 ter ZAA et 235 ter ZC du CGI.

 

Pour mémoire, l'article 235 ter ZAA du CGI institue une contribution exceptionnelle égale à une fraction de l'impôt sur les sociétés pour les redevables réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 M€. L'article 235 ter ZC du CGI prévoit quant à lui une contribution sociale égale à une fraction de l'impôt sur les sociétés. Ces deux dispositions énoncent expressément que les crédits d'impôt de toute nature ne sont pas imputables sur ces contributions.

 

Cette interdiction légale a toutefois été tempérée par la doctrine administrative, qui a admis, dans le cadre de l'application des conventions fiscales internationales, que les crédits d'impôt étrangers non utilisés sur l'impôt sur les sociétés puissent être imputés sur les contributions additionnelles. Cette position, exprimée dans les instructions BOI-IS-AUT-10-30 et BOI-IS-AUT-20, constitue une dérogation interprétative au principe légal d'exclusion des crédits d'impôt.

 

Aux termes du II de l’article 235 ter ZAA du CGI, les redevables de la contribution exceptionnelle ne peuvent pas s’en acquitter par imputation de crédits d’impôt de toute nature ou par emploi de la créance née du report en arrière des déficits et de l’imposition forfaitaire annuelle.

Toutefois, lorsqu’une convention fiscale d’élimination des doubles impositions en matière d’impôt sur les revenus conclue par la France dispose que des crédits d’impôt attachés à des revenus qui ont leur source dans l’État ou le territoire cocontractant de la France, sont imputables sur l’IS et les impôts de même nature calculés en France sur ces revenus, il est admis que le montant des crédits d’impôt qui n’a pu être imputé sur l’IS soit imputable sur le montant de la contribution sociale prévue à l’article 235 ter ZC du CGI puis éventuellement sur la contribution exceptionnelle prévue à l’article 235 ter ZAA du CGI, dans les conditions et limites fixées par la convention.

 

BOI-IS-AUT-20, n°290

Rappel des faits :

L'espèce concerne la Société Générale, société mère d'un groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du CGI. Cette société avait intégralement acquitté les contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés dues au titre des exercices clos les 31 décembre 2013, 2014 et 2015 en imputant des crédits d'impôt étrangers nés au cours d'exercices comptables antérieurs.

La particularité de cette affaire réside dans la temporalité des crédits d'impôt utilisés : la Société Générale n'a pas imputé des crédits d'impôt contemporains de l'exercice d'imposition, mais des crédits antérieurs qu'elle souhaitait reporter en avant. 

 

Suite à un contrôle sur pièces mené par l'administration fiscale, celle-ci a estimé que la Société Générale n'était pas fondée à imputer des crédits d'impôt conventionnels nés au cours d'exercices antérieurs sur les contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés. Cette position administrative a conduit à la mise à la charge de la Société Générale de cotisations supplémentaires aux contributions additionnelles, que la société a contestées par la présente requête. SG a saisi la juridiction administrative.

  • La SG soutient tout d'abord que l'impossibilité de reporter en avant les crédits d'impôt étrangers constitue une entrave à la liberté de circulation des capitaux. Cette entrave résulterait d'une discrimination entre les sociétés déficitaires ayant des revenus de source étrangère et celles ayant des revenus de source française.

Pour argumenter la SG s'appuie sur le principe selon lequel les restrictions à la libre circulation des capitaux doivent être justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général. Or, la SG estime qu'aucune justification n'existe pour interdire le report en avant des crédits d'impôt étrangers, créant ainsi une discrimination injustifiée au détriment des investissements internationaux.

  • Par ailleurs, SG se prévaut de l'objet des conventions fiscales, qui vise à l'élimination des doubles impositions. Elle soutient que l'impossibilité de report en avant des crédits d'impôt conduit à une double imposition contraire à cet objectif fondamental. Autrement dit SG estime que les conventions fiscales bilatérales, interprétées conformément à leur objet et à leur but, devraient nécessairement prévoir la possibilité de reporter les crédits d'impôt non utilisés.

 

Le tribunal administratif de Montreuil vient de rejeter la requête de SG

 

Il a d'abord rappelé le cadre légal applicable, relevant que les articles 235 ter ZAA et 235 ter ZC du CGI excluent expressément l'imputation des crédits d'impôt sur les contributions additionnelles. Cette exclusion constitue le principe de base à partir duquel doit être appréciée toute dérogation.

 

Puis le juge de l'impôt a examiné la portée de la doctrine administrative susvisée, reconnaissant que celle-ci autorise l'imputation des crédits d'impôt étrangers sur les contributions additionnelles dans le cadre de l'application des conventions fiscales.

 

Il a souligné que cette faculté est limitée aux crédits d'impôt nés au cours de l'exercice comptable d'imputation, excluant le report de crédits antérieurs.

 

Cette analyse conduit le tribunal à conclure que, sur le terrain de la loi telle qu'interprétée par la doctrine, SG était en droit d'imputer sur les contributions additionnelles les crédits d'impôt étrangers nés au cours de l'exercice comptable d'imputation, mais qu'elle ne pouvait pas imputer des crédits d'impôt nés d'exercices antérieurs.

 

Le tribunal a relevé que les entreprises déficitaires ne sont pas imposées en France au titre des revenus qu'elles perçoivent, de sorte qu'elles ne peuvent subir une double imposition juridique. L'absence de report des crédits d'impôt peut certes exposer ces sociétés à un risque d'élimination imparfaite de la double imposition économique, mais ce risque ne constitue pas une discrimination au sens du droit européen dès lors que toutes les sociétés déficitaires françaises sont traitées de manière identique.

 

Cette analyse a conduit le tribunal à conclure que la circonstance que les modalités d'élimination de la double imposition ne prévoient pas le report du crédit d'impôt conventionnel n'est pas susceptible de porter atteinte à la libre circulation des capitaux.

Publié le jeudi 3 juillet 2025 par La rédaction

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