Dans le cadre de l’affaire dont elle avait été saisie, la Cour Administrative d’Appel de Paris était invitée à se prononcer sur le fait de savoir si des non-résidents (au jour de la vente) sont fondés à demander l’exonération de la plus-value immobilière au titre de la résidence principale dès lors que la mise en vente a été effectuée à une époque où ils étaient encore résidents.
Sous réserve des conventions internationales, les plus-values immobilières réalisées par les non résidents, personnes physiques ou morales sont imposées dans les conditions et suivant les modalités prévues à l’article 244 bis A du CGI.
En effet , « lorsque les personnes ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du CGI, y compris lorsqu’elles ont leur domicile fiscal à Mayotte, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, à Saint-Martin, à Saint-Barthélémy, à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Nouvelle-Calédonie, les plus-values qu’elles réalisent à l’occasion de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis , de droits relatifs à ces biens et de titres de sociétés à prépondérance immobilières, sont passibles de l’impôt sur le revenu dans les conditions prévues à l’article 244 bis A du CGI ». BOI-RFPI-PVINR-10-10-20150701, n°20.
L’article 244 bis A du CGI prévoit que lorsque le prélèvement est dû par des contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu, les plus-values sont déterminées selon les modalités définies, notamment, aux 2° à 9° du II de l’article 150 U du CGI, à l’article 150 V du CGI, à l’article 150 VA du CGI, à l’article 150 VB du CGI, à l’article 150 VC du CGI et à l’article 150 VD du CGI.
Ainsi, ces contribuables non résidents bénéficient bénéficient non seulement d’une exonération particulière en faveur de l’habitation en France (Art. 150-U-II-2° du CGI) mais aussi de plusieurs cas d’exonérations applicables aux résidents.
Les non résidents bénéficient ainsi des exonérations de plus-values résultant de la cession de biens immobiliers :
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pour lesquels une déclaration d’utilité publique a été prononcée en vue d’une expropriation lorsque la condition de remploi est satisfaite (*Art. 150 U-II-4° du CGI) ;
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échangés dans le cadre d’opérations de remembrement ou assimilées (*Art. 150 U-II-5° du CGI) ;
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dont le prix de cession est inférieur ou égal à 15 000 € (*Art. 150 U-II-6° du CGI) ;
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cédés du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, directement ou indirectement, au profit d’organismes en charge du logement social (*Art. 150 U-II-7° et 8° du CGI);
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détenus à l’issue d’une durée conduisant à une exonération par l’effet de l’abattement pour durée de détention prévu par l’article 150 VC du CGI. En outre, une exonération temporaire est prévue en faveur des plus-values réalisées lors de la cession d’un *droit de surélévation (*Art. 150 U-II-9° du CGI).
En revanche , les contribuables fiscalement domiciliés hors de France ne peuvent pas prétendre aux exonérations prévues aux 1°, 1° bis et 1° ter du I de l’article 150 U du CGI (Exonération tenant à la résidence principale, aux dépendances immédiates et nécessaires, aux «résidences secondaires» et celles en faveur des personnes qui résident dans un établissement social, médico social, d’accueil de personnes âgées ou d’adultes handicapés.
En l’espèce les époux C qui résident en Suisse depuis le 15 novembre 2010, ont vu l’administration procéder, conformément à leur déclaration, au prélèvement du tiers, prévu par l’article 244 bis A du CGI, sur la plus-value qu’ils ont réalisée lors de la cession, au cours de l’année 2012, d’un bien immobilier situé à Douvaine (Haute-Savoie).
Déboutés par le TA de Paris (Jugement du 12 novembre 2014) de leur demande en décharge de ce prélèvement, les époux C ont fait appel de la décision devant la CAA de Paris.
Les époux C soutiennent qu’ils sont fondés à demander l’exonération de la plus-value litigieuse, tant au regard de la loi fiscale, soit l’article 150 U II 1° du CGI, que de la doctrine administrative référencée BOI-RFPI-PVI-10-40-10-20120912 , car l’immeuble litigieux doit être regardé comme leur résidence principale au jour de la cession dès lors que la mise en vente a été effectuée en mai 2010 et si la vente n’est intervenue qu’en juin 2012, le délai doit être considéré comme normal eu égard aux difficultés du marché immobilier à l’époque considérée .
Les appelants se prévalent ainsi de la doctrine administrative qui admet « lorsque l’immeuble a été occupé par le cédant jusqu’à sa mise en vente, que l’exonération reste acquise si la cession intervient dans des délais normaux et sous réserve que le logement n’ait pas, pendant cette période, été donné en location ou occupé gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers ».
Rappelons que le Conseil d’Etat considère qu’un délai de 22 mois entre la mise en vente et la vente d’un bien immobilier ne fait pas obligatoirement échec à la mise en oeuvre de l’exonération de plus-value au titre de la résidence principale dès lors qu’au regard des circonstances ce délai peut être considéré comme normal.
Si la Cour a jugé que les époux C n’étaient pas fondés à demander l’annulation de la décision des juges du fonds rejetant leurs prétention, son argumentation laisse perplexe.*
«Considérant qu’il est constant que la résidence principale à Douvaine de M. et Mme C…, dont la cession est à l’origine de la plus-value litigieuse, n’a été cédée que le 14 juin 2012, soit près d’un an et demi après que les contribuables eurent, dès le 15 novembre 2010, transféré leur résidence en Suisse ; que si les requérants soutiennent que ce délai devrait, en l’espèce, compte tenu des difficultés du marché de l’immobilier, être tenu pour normal, c’est en se bornant à produire, tant en première instance qu’en cause d’appel, un courriel du 28 mai 2010 d’un agent immobilier, relatif à la perspective de la signature d’un mandat de mise en vente de l’immeuble en cause ; qu’ainsi, ils n’établissent pas, comme ils seraient seuls à même de le faire, avoir accompli les diligences nécessaires pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais , comme l’ont estimé avec raison les premiers juges ; qu’ils ne sont, par suite, pas fondés à demander le bénéfice de l’exonération prévue par les dispositions précitées ; que la doctrine administrative codifiée sous la référence BOI-RFPI-PVI-10-40-10-20120912, invoquée sur le fondement implicite des dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne fait pas de la loi une interprétation différente de celle qui résulte de ce qui précède ;»
A contrario, cela signifierait que s’ils avaient établi avoir accompli les diligences nécessaires, les époux C non résidents au moment de la signature de l’acte authentique mais résidents français au moment de la mise en vente auraient pu bénéficier de l’exonération au titre de la résidence principale ?
Cette décision est toutefois contraire à la doctrine administrative.
Dans le cadre de la doctrine issu de la Loi de Finances rectificative pour 2004 ( BOI 8 M-1-05 du 4 août 2005 ) l’administration précisait que l’exonération applicable en cas de cession d’une résidence principale « ne s’applique donc pas , en droit comme en fait, aux contribuables domiciliés hors de France . En outre, la mesure de tempérament prévue au n° 22 de la fiche 2 du BOI 8 M‑1‑04 n’est pas applicable, à compter de la date de publication de la présente instruction, aux cessions réalisées par un contribuable qui n’a plus sa résidence fiscale en France au jour de la cession du bien (en règle générale à la signature de l’acte authentique) .»
Sauf erreur, l’administration fiscale n’a pas repris expressément la précision susvisée dans le cadre de la Base BOFIP-Impôt qui a rapporté la doctrine de 2005
Néanmoins , commentant le régime de taxation des plus-values immobilières par des non-résidents, elle indique ce qui suit : «La non résidence fiscale s’apprécie au jour de la cession» BOI-RFPI-PVINR-10-10-20150701, n°20.