Pour la juridiction administrative, dès lors que les services administratifs qu'une holding rend habituellement à ses filiales doivent être rattachés à la catégorie des prestations financières, la renonciation à la perception de la redevance due en contrepartie de ces services constitue un abondon de créance non déductible.
Pour mémoire c'est la seconde loi de finances rectificative pour 2012 qui a, pour les exercices clos à compter du 4 juillet 2012, rendu non déductibles du bénéfice imposable des entreprises, à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés, les aides à caractère financier qu’elles accordent à d’autres entreprises, le plus souvent à leurs filiales. Cette mesure visait à mettre fin à des pratiques optimisantes consistant pour une société, le plus souvent une société mère, plutôt qu’à recapitaliser sa filiale en difficulté, à lui accorder des aides fiscalement déductibles dans le seul but de sauvegarder la valeur de sa participation dans cette filiale. Ces pratiques étaient principalement constatées à l’égard de filiales étrangères, conduisant à la remontée en France de pertes étrangères.
En pratique, pour les exercices clos à compter du 4 juillet 2012, les pertes consécutives à des abandons de créances à caractère financier, et plus généralement, toutes les aides autres qu'à caractère commercial, sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt de l'entreprise qui les consent (CGI, art. 39, 13 al.1).
En revanche et sous réserve qu'il soit satisfait aux conditions générales de déduction, il résulte de la jurisprudence du Conseil d'État que les pertes consécutives à des abandons de créances revêtant un caractère commercial sont à comprendre intégralement dans les charges déductibles du résultat imposable de l'entreprise qui les a consentis.
L’administration des impôts a, dans le cadre d’une mise à jour de la base BOFIP-Impôt en date du 29 janvier 2013 commenté cet aménagement.
Rappel des faits :
A l'issue de la vérification de comptabilité dont la SA G Finance, membre du groupe A, a fait l'objet, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité des avoirs commerciaux que cette société a consentis à certaines de ses filiales, au titre des années 2010 et 2011, au motif qu'il s'agissait d'abandons de créances à caractère financier.
En effet, afin de soutenir financièrement certaines de ses filiales, la SA G Finance a renoncé à une partie de la facturation de la redevance qu'elle percevait de ces sociétés en émettant des avoirs à leur profit. Le service a considéré que ces renonciations, pour un montant total de 415 654 €, devaient être regardées comme des abandons de créances. Il en a donc remis en cause le caractère déductible, estimant que l'aide ainsi apportée était de nature financière.
La société mère fiscalement intégrée, la SA AF, a informé l'administration fiscale de la cessation, à compter du 1er janvier 2011, de l'intégration fiscale. Compte tenu de cette cessation, le service a rapporté le montant des rectifications des résultats de la SA G Finance des exercices clos en 2010 et 2011 au résultat de la SA AF de l'exercice 2011.
Cette société a demandé au TA de Nantes de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011. Par un jugement du 12 décembre 2019, le tribunal a rejeté cette demande. La SA G Finances, devenue SAS ALG, a fait appel du jugement.
La Cour vient de rejeter cette demande en décharge.
La Cour rappelle les principes suivants :
Les principes qui régissent les avantages octroyés entre sociétés mères et leurs filiales reposent sur la distinction entre ceux qui sont inspirés par des motifs commerciaux et ceux qui sont motivés par des raisons financières. L'avantage de nature commerciale, qui est fondé par le souci de la société qui a consenti l'aide de sauvegarder ou de préserver son activité ou de la développer, est intégralement déductible de l'assiette de l'impôt sur les sociétés du contribuable qui a fourni l'aide, quelle que soit la situation nette de la filiale bénéficiaire de l'aide. En revanche, au regard de l'impôt sur les sociétés de l'exercice concerné, l'avantage à caractère financier n'est déductible chez la société mère qui l'a octroyé que dans la mesure où il vient diminuer un actif net négatif de la filiale.
La SA G Finance soutient que les prestations qu'elle fournissait en contrepartie desquelles cette dernière percevait de ses filiales une redevance de 3% (constituant le fondement des abandons consentis), revêtaient un caractère commercial ayant pour but de sécuriser son propre chiffre d'affaires.
La Cour estime que la SA G Finance n'en n'apporte pas la preuve. A cet égard elle rejette comme non probants :
- une attestation d'un commissaire aux comptes, établie le 24 juin 2020, selon laquelle la quote-part de l'activité commerciale de la SA G Finance était en 2011 de 68,92% pour les moyens et de 65,47% pour les recettes et,
- des tableaux, réalisés par un cabinet d'expertise comptable, qui présentent une ventilation des différents services rendus par la holding, selon qu'ils présentent un caractère financier ou commercial, et qui indiquent que les services commerciaux représenteraient 63% des charges de la holding.
En effet, l'analyse ainsi réalisée par la société limite le secteur financier aux seules prestations de service à caractère purement financier, alors que doivent être également rattachés à la catégorie des prestations financières tous les services administratifs qu'une holding rend habituellement à ses filiales. Les fonctions dites " support ", désignées dans le tableau fourni sous l'intitulé " centre de gestion agence " et " gestion poste client ", que la société requérante qualifie de dépenses commerciales, doivent en réalité être rattachées au secteur financier. Il en résulte que les seules prestations pouvant être regardées comme ayant un caractère commercial sont celles correspondant au poste " accords nationaux clients grands comptes ", qui désigne l'activité de négociation de contrats avec des grandes entreprises, ainsi que celles correspondant au poste " accords de communication et sponsoring ". Les deux activités ainsi susceptibles d'être qualifiées de commerciales, soit la partie communication et la partie négociation d'accords, représentent environ 2 millions d'euros de dépenses annuelles, soit 40% seulement des dépenses totales.
Les activités commerciales étant minoritaires par rapport à l'ensemble de l'activité de la holding, la Cour en a conclu que les avoirs consentis aux filiales présentaient, comme le soutenait l'administration, un caractère majoritairement financier, de sorte qu'ils n'étaient pas déductibles des résultats de la société.