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Evasion fiscale

Comptes à l'étranger : l'amende de l'article 1736-IV CGI est hors champ d'application des conventions fiscales

L'obligation déclarative relative aux comptes détenus à l'étranger, codifiée à l'article 1649 A du CGI est un dispositif important contre l'évasion fiscale. Son non-respect est sanctionné par des amendes fixes, prévues à l'article 1736-IV du CGI, dont l'application peut soulever des questions notamment dans un contexte international. Le juge de l'impôt vient de nous offrir une illustration du conflit entre la qualification de la résidence fiscale selon le droit interne français et selon les conventions fiscales internationales, et de la nature même de cette amende. La Cour y valide la position de l'administration en retenant une application stricte du droit interne et en écartant la convention fiscale franco-suisse.

 

En vertu de l'article 1649 A du CGI, les contribuables domiciliés en France doivent déclarer, lors de leur déclaration de revenus, l'ensemble de leurs comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Le non-respect de cette obligation expose le contribuable à une amende prévue à l'article 1736, IV-2 du CGI .

 

La notion de "domicile fiscal" est, quant à elle, définie par l'article 4 B du CGI, qui retient alternativement le critère du foyer, du lieu de séjour principal, ou de l'activité professionnelle.

 

Rappel des faits :

Un contribuable, M. A a fait l'objet d'un ESFP au cours duquel l'administration a découvert qu'il avait détenu et utilisé six comptes bancaires en Suisse et au Liechtenstein entre 2011 et 2014, sans les déclarer. L'administration lui a notifié des amendes sur le fondement de l'article 1736-IV du CGI pour un montant total de 19 500 €.

M. A a contesté ces amendes, d'abord devant le TA de Paris, puis en appel, en soutenant qu'il ne pouvait être assujetti à l'obligation déclarative française.

 

Le cœur de son argumentation repose sur sa situation personnelle : bien que son épouse et ses enfants résidaient en France, il exerçait son activité professionnelle en Suisse, y disposait d'un logement et y était affilié aux régimes sociaux. Il s'estimait donc résident fiscal suisse et, de ce fait, exonéré de l'obligation de l'article 1649 A. Le tribunal administratif ayant rejeté sa demande, il a porté le litige devant la Cour administrative d'appel de Paris.

 

La Cour vient de rejeter l'appel de M.A

 

  • Elle a d'abord examiné la situation de M. A au regard des critères de l'article 4 B du CGI. Elle a constaté que durant les années en litige, l'épouse de M. A. (sans profession) et leurs deux enfants à charge résidaient à Rueil-Malmaison dans la résidence principale du couple. M. A. avait d'ailleurs lui-même déclaré cette adresse comme son domicile auprès de ses établissements bancaires français.

Fidèle à une jurisprudence constante, la Cour rappelle que le "foyer" s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux. Les séjours effectués ailleurs pour des raisons professionnelles, comme c'était le cas de M. A en Suisse, ne sont pas de nature à modifier cette localisation du foyer. La Cour conclut donc que M. A avait son foyer en France au sens de l'article 4 B du CGI. Partant de là, il était bien "domicilié en France" et, par conséquent, légalement tenu à l'obligation déclarative de l'article 1649 A. L'amende était donc, sur ce premier fondement, justifiée.

 

  • M.A tentait de faire prévaloir la convention franco-suisse du 9 septembre 1966, et notamment son article 4, qui définit le "résident d'un État contractant" et établit des critères de départage en cas de conflit de résidence, dont celui du "centre des intérêts vitaux".

La Cour a écarté ce moyen en analysant non pas l'article 4 (sur la résidence), mais l'article 2 de la convention, qui définit son champ d'application matériel, c'est-à-dire les "impôts" qu'elle couvre. L'article 2 vise les "impôts sur le revenu et sur la fortune". La Cour a jugé juge que l'amende de l'article 1736 IV du CGI, sanctionnant un manquement déclaratif, n'est ni un impôt sur le revenu, ni un impôt sur la fortune. Elle a précisé qu'il ne s'agissait pas non plus d'une pénalité calculée en proportion d'un de ces impôts (ce qui aurait pu, le cas échéant, la faire entrer dans le champ conventionnel).

 

Partant, la Cour a estimé que la convention fiscale bilatérale n'était tout simplement pas applicable à l'amende pour non-déclaration de compte. Dès lors, le contribuable ne pouvait "utilement" invoquer les stipulations de l'article 4 de cette convention pour tenter de démontrer qu'il serait résident suisse. La qualification de la résidence en droit interne (Art. 4 B du CGI) est la seule pertinente pour déterminer l'assujettissement à l'obligation déclarative (Art. 1649 A du CG) et à sa sanction (Art. 1736 IV du CGI).

 

  • La qualification de résident fiscal pour l'application de l'article 1649 A du CGI s'apprécie d'abord et avant tout au regard des critères de l'article 4 B.
  • Les amendes fixes pour manquement déclaratif, n'étant pas des "impôts" au sens de l'article 2 de la convention franco-suisse (et de la plupart des conventions modèle OCDE), échappent au champ d'application conventionnel. La stratégie de défense consistant à invoquer une résidence conventionnelle pour échapper à cette amende est donc, en l'état actuel du droit et de la jurisprudence, vouée à l'échec.

Publié le jeudi 6 novembre 2025 par La rédaction

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