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Impôt sur les sociétés

Frais de logement et avantages occultes : les limites de la déduction fiscale d'un appartement à usage mixte

Cette nouvelle décision est relative à la qualification d'avantages occultes pour les frais de logement pris en charge par une société au profit de ses dirigeants. Elle rejette la demande de décharge fiscale des requérants, rappelle les critères permettant de distinguer les charges professionnelles déductibles des avantages en nature imposables, dans le cas particulier d'un logement à usage mixte.

 

Pour mémoire, l'article 39-1 du CGI pose le principe de déductibilité des charges engagées dans l'intérêt de l'entreprise. Pour être fiscalement déductibles, les frais généraux doivent remplir trois conditions cumulatives : être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation, correspondre à une charge effective et être appuyés de justifications suffisantes. La jurisprudence a développé la théorie de l'acte anormal de gestion pour qualifier les décisions de gestion qui ne répondent pas à l'intérêt de l'entreprise mais à celui de tiers, notamment ses dirigeants.

 

D'autre part, l'article 111-c du CGI qualifie de revenus distribués les "rémunérations et avantages occultes". Les avantages occultes sont ceux qui ne sont pas explicitement comptabilisés comme des avantages en nature ou des compléments de rémunération. Lorsqu'une société prend en charge des dépenses personnelles de ses dirigeants sans les traiter comme des éléments de rémunération, ces sommes peuvent être requalifiées en distributions occultes et imposées entre les mains des bénéficiaires.

 

Dans le cas particulier des frais de logement, la jurisprudence admet la déduction de tout ou partie des charges lorsque l'utilisation professionnelle est démontrée, en appliquant généralement une ventilation proportionnelle à la surface utilisée pour l'activité professionnelle.

 

Rappel des faits :

M. et Mme A sont gérants et associés de la SARL ID4 qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018.

La société avait comptabilisé dans ses charges déductibles les loyers d'un appartement situé 7 rue des Gates Ceps à Saint-Cloud, qui constituait également son siège social, pour des montants respectifs de 49 843,34 € en 2017 et 54 118 € en 2018. Elle avait également déduit des charges locatives pour 7 854 € en 2017 et 9 282 € en 2018.

À l'issue du contrôle, l'administration fiscale a considéré que cet appartement de 207 m², objet d'un bail au nom des époux A, était principalement utilisé à titre privé par ces derniers et leur famille. Elle a donc remis en cause la déductibilité de ces charges, en admettant toutefois une ventilation proportionnelle à la surface utilisée pour l'activité professionnelle : 20 m² (soit environ 10%) pour la période du 1er janvier au 31 octobre 2017, et 40 m² (soit environ 20%) du 1er novembre 2017 au 31 décembre 2018.

Par conséquent, les montants correspondant à la part privée du logement ont été requalifiés en avantages occultes distribués aux époux A, et imposés à ce titre à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux entre leurs mains, pour un montant total de 15 443 € en droits et 6 389 € en pénalités au titre des années 2017 et 2018.

La Commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie du litige, a rendu un avis favorable au maintien de la rectification.

Suite au rejet de leur réclamation, M. et Mme A ont saisi le TA de Bordeaux d'une demande de décharge des impositions litigieuses.

 

Le Tribunal administratif de Bordeaux vient de rejetter la requête de M. et Mme A.

 

D'une part, le tribunal constate que l'administration fiscale a établi que l'appartement était principalement utilisé à des fins personnelles par les requérants. Il relève à cet égard :

  • que le bail était conclu au nom personnel des époux A ;
  • qu'il n'y avait pas de ventilation contractuelle entre espace privé et espace professionnel ;
  • que les requérants y avaient leur domiciliation fiscale jusqu'en novembre 2017 ;
  • que l'appartement était occupé par les époux A et leurs enfants.

D'autre part, le tribunal considère que les requérants n'expliquent pas pourquoi la société a comptabilisé les charges relatives à cet appartement pour la période en litige, alors même qu'ils prétendent que leur résidence principale était en réalité située à La Teste-de-Buch.

 

Le tribunal en conclut que les frais relatifs à l'appartement pris en charge par la société ne peuvent être regardés comme engagés dans son intérêt, à l'exception de la quote-part déjà admise par l'administration (correspondant aux surfaces utilisées professionnellement).

 

Par conséquent, l'administration a apporté la preuve que les sommes ainsi prises en charge constituaient des avantages en nature qui, en l'absence de comptabilisation explicite, ont été à bon droit imposés sur le fondement de l'article 111-c du CGI.

 

TL;DR

Sur la charge de la preuve : Le jugement rappelle la répartition de la charge de la preuve en matière d'avantages occultes. Il appartient à l'administration d'établir l'appréhension des avantages par les bénéficiaires présumés, ce qu'elle a fait en l'espèce en démontrant que l'appartement constituait la résidence des époux A. Une fois cette preuve apportée, il incombe aux contribuables de justifier que les charges litigieuses ont été engagées dans l'intérêt de l'entreprise, ce qu'ils n'ont pas réussi à faire de manière convaincante.

Sur la méthode de ventilation des charges mixtes : Le tribunal valide implicitement la méthode de ventilation proportionnelle à la surface utilisée professionnellement, adoptée par l'administration car seules les charges engagées dans l'intérêt de l'entreprise sont déductibles.

Sur l'importance de la formalisation juridique : Le jugement souligne, l'importance de formaliser correctement les situations d'usage mixte d'un bien immobilier. L'absence de mention dans le bail de l'usage professionnel partiel des locaux a été un élément défavorable aux contribuables. De même, la comptabilisation intégrale des loyers et charges en frais généraux, sans ventilation explicite, constituait une anomalie comptable et fiscale.

En pratique, plusieurs recommandations peuvent être formulées pour sécuriser ce type de situation :

  • Formaliser expressément l'usage mixte dans les documents contractuels (bail, acte d'acquisition) ;
  • Établir un contrat de domiciliation ou une convention de mise à disposition entre la société et ses dirigeants pour la partie professionnelle des locaux ;
  • Ventiler clairement dans la comptabilité la part des charges correspondant à l'usage professionnel et celle correspondant à l'usage privé ;
  • Traiter explicitement en avantages en nature la part des charges correspondant à l'usage privé, si celles-ci sont prises en charge par la société.

Publié le mardi 22 avril 2025 par La rédaction

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