Impôt sur les sociétés : la Commission demande au Royaume-Uni d'exécuter correctement un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes relatif à la compensation transfrontalière des pertes
La Commission européenne a envoyé au Royaume-Uni une demande officielle lui enjoignant d'exécuter correctement l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) dans l'affaire Marks & Spencer concernant la compensation transfrontalière des pertes. Dans la législation destinée à exécuter l'arrêt Marks & Spencer, les conditions imposées par le Royaume-Uni pour la compensation transfrontalière des pertes du groupe sont telles qu'il est pratiquement impossible pour les contribuables d'en bénéficier. La Commission estime que ces conditions sont contraires au traité CE. La demande adressée au Royaume-Uni se présente sous la forme d'un avis motivé émis en vertu de l'article 226 du traité CE. Si le Royaume-Uni n'y répond pas de façon satisfaisante dans un délai de deux mois, la Commission peut décider de saisir la Cour de justice des Communautés européennes.
Dans l'arrêt Marks & Spencer (affaire C-446/03 du 13 décembre 2005), la Cour a établi que l'interdiction relative à la compensation transfrontalière des pertes était disproportionnée dans la mesure où le Royaume-Uni a refusé la compensation des pertes dans une situation où une filiale non résidente avait épuisé toutes les possibilités de compensation dans l'État où elle était établie. Conformément à cet arrêt, le Royaume-Uni doit en principe octroyer une compensation pour les pertes définitives d'une filiale établie dans un autre État membre.
Toutefois, bien que la législation ait été modifiée, les conditions que le Royaume-Uni continue à imposer pour la compensation transfrontalière des pertes du groupe sont telles qu'il est en fait pratiquement voire totalement impossible pour les contribuables de bénéficier d'un dégrèvement fiscal conformément à l'arrêt rendu dans l'affaire Marks & Spencer. Les points suivants en particulier posent problème:
- une interprétation inutilement restrictive de la condition selon laquelle il ne doit pas être possible d'utiliser les pertes dans l'État où est située la filiale [paragraphe 7 de l'annexe 18A de l'Income and Corporation Taxes Act 1988 (loi de 1988 relative à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur les sociétés) ou ICTA 1988];
- la date à prendre en compte pour déterminer si la condition selon laquelle il ne doit pas être possible d'utiliser les pertes dans l'État où est située la filiale est respectée est fixée immédiatement après la fin de la période comptable au cours de laquelle les pertes ont été subies [partie 1, paragraphe 7(4), de l'annexe 18A de l'ICTA 1988];
- le délai pour demander un dégrèvement de groupe pour les pertes subies par des filiales établies dans d'autres États membres est fixé à douze mois (prorogation en cas de demandes par les autorités fiscales) après la date de dépôt de la déclaration fiscale de la société réclamante [annexe 18, paragraphe 74, du Finance Act 1998 (loi de finances 1998)];
- la législation dispose qu'elle ne s'applique qu'aux pertes subies après le 1er avril 2006 [partie 3 de l'annexe 1 du Finance Act 2006 (loi de finances 2006)].
Selon la Commission, ces conditions rendent la nouvelle législation incompatible avec la liberté d'établissement, garantie par les articles 43 et 48 du traité CE et par les articles 31 et 34 de l'accord EEE.
Si le Royaume-Uni n’y répond pas de façon satisfaisante dans un délai de deux mois, la Commission peut décider de saisir la Cour de justice des Communautés européennes.