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Plus-values mobilières

3 nouveaux avis du Comité de l'abus de droit fiscal

L’administration fiscale vient de rendre publique 3 nouveaux avis rendus par le comité de l’abus de droit fiscal commentés par l’administration dans le cadre de sa séance du 11 mai 2017 (CADF/AC n° 4/2017).

 

Affaire n° 2016-56 concernant M. P

M.P était à la tête de sociétés opérationnelles regroupées sous le contrôle de la société holding, A elle-même détenue par la société B dont M. P détenait 100 % du capital.

Entre 2008 et 2010, l’ensemble des titres des sociétés du groupe de M. P détenues par la société A est cédé pour un prix global de 1 887 984 euros à une société C crée en juillet 2008 par M. P et deux associés avant que ces derniers ne lui cèdent le 13 mai 2011 l’ensemble de leurs parts.

Devenu en décembre 2009 « résident retraité » à l’Île Maurice et désireux d’y développer des activités immobilières, M. P y crée en septembre 2010 la société D dont il détient 99 % du capital.

La société A dont l’actif n’est alors plus composé que de liquidités et de créances est dissoute en décembre 2010, son patrimoine étant intégralement transféré à la société B.

Le 20 mai 2011, M. P apporte les titres des sociétés C et de B à la société mauricienne D, pour des valeurs respectives de 4,7 millions d’euros et 2,79 millions d’euros et s’assure de ce fait un contrôle de 99,99 % du capital de la société D.

Les plus-values d’échanges de titres ainsi réalisées sont placées en sursis d’imposition en application de l’article 150 0 B du code général des impôts.

Le 23 mai 2011, la société D cède à la société française E les titres de la société C pour un prix égal à leur valeur d’apport. Elle rembourse par ailleurs à la société B un prêt de 2,2 millions d’euros que celle-ci avait consenti à la société C en mars 2011 en remboursement de ses emprunts bancaires destinés à financer l’achat des sociétés opérationnelles de l’ex-groupe P.

A la date du 23 mai 2011, la société D a ainsi encaissé un montant total de 6 982 932 euros, soit directement, soit par l’intermédiaire de la société C dont elle possède 100 % du capital.

Enfin, le 12 août 2011, la société D procède à la dissolution de la société B qui lui transmet son patrimoine d’une valeur de 2,8 millions d’euros et essentiellement composé de liquidités.

Considérant que les opérations précitées n’avaient eu pour objet que de permettre au contribuable de disposer des liquidités obtenues lors de la cession des titres apportés tout en restant détenteur des titres de la société D, l’administration a mis en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal par une proposition de rectifications du 21 mars 2014 et a imposé la plus-value d’échange de titres en application des stipulations du point 6 b) de l’article 1er du protocole de la convention fiscale franco- mauricienne du 11 décembre 1980.

Après avoir entendu ensemble le contribuable et son conseil ainsi que le représentant de l’administration, le Comité rappelle que le bénéfice du sursis d’imposition d’une plus-value réalisée par un contribuable lors de l’apport de titres à une société qu’il contrôle et qui a été suivi de leur cession par cette société est constitutif d’un abus de droit s’il s’agit d’un montage ayant pour seule finalité de permettre au contribuable, en interposant une société, de disposer effectivement des liquidités obtenues lors de la cession de ces titres tout en restant détenteur des titres de la société reçus en échange lors de l’apport et qu’il n’a en revanche pas ce caractère s’il ressort de l’ensemble de l’opération que cette société a, conformément à son objet, effectivement réinvesti le produit de ces cessions dans une activité économique.

Le Comité constate en premier lieu que la société D a consenti deux prêts, l’un en juin 2011 de 2,2 millions d’euros à M. P lui-même, l’autre en décembre 2011, de 2,3 millions d’euros à la société F holding dont l’associé unique et dirigeant était son fils. Il considère que le premier prêt, dont ne sont précisées ni les modalités ni la date d’échéance, et dont le remboursement effectif n’est ni allégué ni établi par les éléments présents au dossier, constitue une réappropriation partielle par M. P des fonds perçus par la société D lors de la cession des titres de la société C.

Il estime par ailleurs que le prêt à la société F Holding constitue un placement financier présentant un caractère patrimonial et constate que les sommes en cause dont le remboursement est allégué n’ont pas été ultérieurement investies dans une activité économique.

Le Comité observe que les sommes ainsi prêtées représentent 64,5 % du produit de cession.

Il relève ensuite que si M. P fait état de plusieurs projets de réinvestissements à l’Île Maurice , les différents documents produits aux débats ne permettent de connaître ni leur nature, ni leur consistance exacte, ni leur degré d’avancement, pas plus qu’ils n’établissent que c’est la société D qui a engagé les sommes alléguées et non directement M. P.

Le Comité constate ainsi que seule la somme de 78 600 euros investie dans une société de location de bateaux par la société D, est suffisamment justifiée pour pouvoir être retenue comme un investissement dans une activité économique.

Il considère ce montant comme trop faible pour atteindre un niveau de réinvestissement significatif dans une activité économique des fonds perçus à l’occasion de la cession des titres C.

Le Comité émet en conséquence l’avis que l’administration était fondée à mettre en œuvre la procédure prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales pour écarter l’application du régime du sursis d’imposition prévu par l’article 150 0B du code général des impôts à l’égard de la plus-value réalisée lors de l’apport des titres des sociétés C et B à la société mauricienne D.

Enfin, le Comité estime que M. P doit être regardé comme ayant eu l’initiative principale des actes constitutifs d’abus de droit et, en outre, en a été le principal bénéficiaire au sens du b) de l’article 1729 du code général des impôts. Il émet donc l’avis que l’administration est fondée à appliquer la majoration de 80 % prévue par ces dispositions.

Nota : l’administration a pris note de l’avis émis par le comité.

 

Affaire n° 2016-58 concernant M. X

La société S exerce une activité de prestataire de paiement en ligne dans le domaine du e-commerce. Elle était entièrement détenue, via la société holding E, par la famille Z et majoritairement par M. Z, président et fondateur en 1999 de la société S.

Le 5 janvier 2009, la société E a consenti à M. X, salarié de la société S depuis octobre 2008 en tant que directeur du service « solution de paiement de proximité », deux promesses unilatérales de cession d’actions de la société S, dans les conditions suivantes :

  • Une promesse « A » de cession de 157 actions (soit 3 % du capital) au prix unitaire de 96,56 euros, pouvant être exercée jusqu’au 1er juillet 2010, sous condition de la présence du bénéficiaire, en qualité de salarié, dans la société S.

  • Une promesse supplémentaire « B » de 105 actions au prix unitaire de 113,05 euros, pouvant être exercée jusqu’au 15 novembre 2011, sous la condition suspensive de réalisation de certains objectifs professionnels. Ces promesses prévoyaient également qu’en cas de cession de plus de 50 % du capital de la société S à une personne non liée au groupe, la société E se porterait fort de faire acquérir par ce tiers et au même prix la totalité des actions dont M. X pourrait devenir propriétaire par l’exercice des promesses.

Le 27 mai 2010, M. X a levé son option d’achat liée à la promesse « A » et a ainsi acquis 157 actions de la société S au prix global de 15 160 euros, qu’il a inscrites sur un plan d’épargne en actions (PEA) ouvert en 1999.

Le même jour, M. X a consenti, au profit de la société E, une promesse unilatérale de vente de ses actions en cas de rupture de son contrat de travail (pour quelque cause que ce soit), d’introduction en bourse de la société S, d’acquisition de la société S par un tiers indépendant de la société E et, en tout état de cause, entre le 1er juillet et le 31 décembre 2026.

Le prix d’exercice de ces options d’achat était égal à la quote-part de la situation nette comptable de la société S en cas de rupture du contrat de travail (ou à la valeur vénale, si elle est supérieure, en cas de licenciement abusif), à la valeur d’introduction en bourse ou de cession à un tiers dans ces deux situations et à la valeur vénale, déterminée le cas échéant à dire d’expert, en cas d’exercice de l’option au dernier semestre 2026.

M. X a bénéficié parallèlement d’une option de vente en cas de cessation de ses fonctions après le 1er janvier 2018, à un prix déterminé en fonction des capitaux propres de la société S et, dans le cas de l’acquisition par un tiers de plus de 50 % de la société S, d’un droit de sortie conjointe pour l’intégralité de ses actions au même prix que les autres actions cédées à ce tiers.

Le 16 mai 2011, un contrat de cession portant sur le groupe ES (la société E et la société S) a été signé entre la famille Z (les cédants) et la société H Holding appartenant au groupe suédois P, spécialisé dans le paiement électronique (le cessionnaire).

Le 25 mai 2011, M. X a cédé l’intégralité de ses actions à la société E pour le même prix que celui négocié avec le groupe P, c’est-à-dire au prix unitaire de 4 805,84 euros, soit un prix global de 754 517 euros. La plus-value réalisée de 739 357 euros a été intégralement exonérée d’impôt sur le revenu s’agissant de la cession de titres inscrits sur un PEA.

Par une proposition de rectification du 15 décembre 2014, l’administration a considéré que le gain réalisé lors de la cession de titres de la société E était constitutif non d’une plus-value réalisée lors de la cession de valeurs mobilières mais d’un supplément de salaires eu égard au lien entre le contrat de travail de M. X et l’acquisition des actions, aux conditions préférentielles de cette acquisition et à l’absence de risque dans l’investissement financier réalisé et que l’inscription des titres sur le PEA conduisant à déguiser ce supplément de salaires en plus-value était constitutive d’un abus de droit.

Elle a par ailleurs procédé à l’évaluation des actions de la société S à leur date d’acquisition en mai 2010 et a considéré, à titre subsidiaire, que les titres avaient été inscrits à une valeur de convenance inférieure à leur valeur réelle afin de contourner la règle du plafonnement du PEA.

Le gain réalisé par M. X en 2011 a ainsi été imposé à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires selon la procédure visée à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales.

Le Comité a entendu ensemble le contribuable et son conseil ainsi que le représentant de l’administration.

Le Comité constate tout d’abord que l’administration ne développe plus d’argumentation subsidiaire sur un contournement de la règle du plafonnement du PEA et que seule la question de la nature du gain issu de la cession des titres inscrits dans le PEA lui est soumise.

Le Comité estime que cette question repose sur l’analyse du risque pris par M. X lors de l’acquisition des actions de la société S en mai 2010 et relève que l’administration ne lui a pas soumis d’éléments permettant d’établir que M. X était assuré de ne prendre aucun risque sur son investissement

Il constate notamment que le prix d’acquisition des actions représente environ deux mois de salaire de M. X et que la société S, dont le chiffre d’affaires s’établissait à 6,2 M€ en 2009, évolue dans le secteur très concurrentiel de l’économie numérique. Il relève également qu’il n’est pas établi que la cession à court terme de la société S à un tiers était envisagée ou envisageable en mai 2010.

Par suite le Comité estime, au vu des éléments portés à sa connaissance, que l’administration n’était pas fondée à estimer que l’inscription par M. X en mai 2010 des actions de la société S constituait le vecteur d’un complément de salaires lié à sa fonction exercée au sein de cette société, par une application littérale des textes régissant le PEA mais à l’encontre des objectifs poursuivis par le législateur. En conséquence, le Comité estime que l’administration n’était pas fondée, dans les circonstances de l’espèce, à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales.

Nota : l’administration a décidé de ne pas se ranger à l’avis du Comité, considérant que la promesse de cession d’actions de 2009 est clairement reliée aux fonctions opérationnelles exercées par l’intéressé au sein du groupe et que le risque financier qu’il a ainsi pris est largement neutralisé par le fait que la promesse est fondée sur une valeur des titres fortement minorée.

 

Affaire n° 2016-57 concernant M. Y

La société S exerce une activité de prestataire de paiement en ligne dans le domaine du e-commerce. Elle était entièrement détenue, via la société holding E, par la famille Z et majoritairement par M. Z, président et fondateur en 1999 de la société S.

Le 5 janvier 2009, la société E a consenti à M. Y, salarié de la société S depuis juillet 2003 en tant que directeur technique, deux promesses unilatérales de cession d’actions de la société S, dans les conditions suivantes :

  • Une promesse « A » de cession de 105 actions (soit 2 % du capital) au prix unitaire de 113,05 euros, pouvant être exercée jusqu’au 1er juillet 2010, sous condition de la présence du bénéficiaire, en qualité de salarié, dans la société S.

  • Une promesse supplémentaire « B » de 157 actions au prix unitaire de 113,05 euros, pouvant être exercée jusqu’au 15 novembre 2011, sous la condition suspensive de réalisation de certains objectifs professionnels. Ces promesses prévoyaient également qu’en cas de cession de plus de 50 % du capital de la société S à une personne non liée au groupe, la société E se porterait fort de faire acquérir par ce tiers et au même prix la totalité des actions dont M. Y pourrait devenir propriétaire par l’exercice des promesses.

Le 27 mai 2010, M. Y a levé son option d’achat liée à la promesse « A » et a ainsi acquis 105 actions de la société S au prix global de 11 870 euros, qu’il a inscrites sur un plan d’épargne en actions (PEA) ouvert en 1999.

Le même jour, M. Y a consenti, au profit de la société E, une promesse unilatérale de vente de ses actions en cas de rupture de son contrat de travail (pour quelque cause que ce soit), d’introduction en bourse de la société S, d’acquisition de la société S par un tiers indépendant de la société E et, en tout état de cause, entre le 1er juillet et le 31 décembre 2026.

Le prix d’exercice de ces options d’achat était égal à la quote-part de la situation nette comptable de la société S en cas de rupture du contrat de travail (ou à la valeur vénale, si elle est supérieure, en cas de licenciement abusif), à la valeur d’introduction en bourse ou de cession à un tiers dans ces deux situations et à la valeur vénale, déterminée le cas échéant à dire d’expert, en cas d’exercice de l’option au dernier semestre 2026.

M. Y a bénéficié parallèlement d’une option de vente en cas de cessation de ses fonctions après le 1er janvier 2018, à un prix déterminé en fonction des capitaux propres de la société S et, dans le cas de l’acquisition par un tiers de plus de 50 % de la société S, d’un droit de sortie conjointe pour l’intégralité de ses actions au même prix que les autres actions cédées à ce tiers.

Le 16 mai 2011, un contrat de cession portant sur le groupe ES (la société E et la société S) a été signé entre la famille Z (les cédants) et la société H Holding appartenant au groupe suédois P, spécialisé dans le paiement électronique (le cessionnaire).

Le 25 mai 2011, M. Y a cédé l’intégralité de ses actions à la société E pour le même prix que celui négocié avec le groupe P, c’est-à-dire au prix unitaire de 4 805,84 euros, soit un prix global de 504 613 euros. La plus-value réalisée de 492 743 euros a été intégralement exonérée d’impôt sur le revenu s’agissant de la cession de titres inscrits sur un PEA.

Par une proposition de rectification du 18 décembre 2014, l’administration a considéré que le gain réalisé lors de la cession de titres de la société E était constitutif non d’une plus-value réalisée lors de la cession de valeurs mobilières mais d’un supplément de salaires eu égard au lien entre le contrat de travail de M. Y et l’acquisition des actions, aux conditions préférentielles de cette acquisition et à l’absence de risque dans l’investissement financier réalisé et que l’inscription des titres sur le PEA conduisant à déguiser ce supplément de salaires en plus-value était constitutive d’un abus de droit.

Elle a par ailleurs procédé à l’évaluation des actions de la société S à leur date d’acquisition en mai 2010 et a considéré, à titre subsidiaire, que les titres avaient été inscrits à une valeur de convenance inférieure à leur valeur réelle afin de contourner la règle du plafonnement du PEA.

Le gain réalisé par M. Y en 2011 a ainsi été imposé à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires selon la procédure visée à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales.

Le Comité a entendu ensemble le contribuable et son conseil ainsi que le représentant de l’administration.

Le Comité constate tout d’abord que l’administration ne développe plus d’argumentation subsidiaire sur un contournement de la règle du plafonnement du PEA et que seule la question de la nature du gain issu de la cession des titres inscrits dans le PEA lui est soumise.

Le Comité estime que cette question repose sur l’analyse du risque pris par M. Y lors de l’acquisition des actions de la société S en mai 2010 et relève que l’administration ne lui a pas soumis d’éléments permettant d’établir que M. Y était assuré de ne prendre aucun risque sur son investissement

Il constate notamment que le prix d’acquisition des actions représente environ trois mois de salaire de M. Y et que la société S, dont le chiffre d’affaires s’établissait à 6,2 M€ en 2009, évolue dans le secteur très concurrentiel de l’économie numérique. Il relève également qu’il n’est pas établi que la cession à court terme de la société S à un tiers était envisagée ou envisageable en mai 2010.

Par suite le Comité estime, au vu des éléments portés à sa connaissance, que l’administration n’était pas fondée à estimer que l’inscription par M. Y en mai 2010 des actions de la société S constituait le vecteur d’un complément de salaires lié à sa fonction exercée au sein de cette société, par une application littérale des textes régissant le PEA mais à l’encontre des objectifs poursuivis par le législateur. En conséquence, le Comité estime que l’administration n’était pas fondée, dans les circonstances l’espèce, à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales.

Nota : l’administration a décidé de ne pas se ranger à l’avis du Comité, considérant que la promesse de cession d’actions de 2009 est clairement reliée aux fonctions opérationnelles exercées par l’intéressé au sein du groupe et que le risque financier qu’il a ainsi pris est largement neutralisé par le fait que la promesse est fondée sur une valeur des titres fortement minorée.

 

Publié le mardi 10 octobre 2017 par La rédaction

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