Pour mémoire, le mécanisme de report d’imposition de la plus-value professionnelle prévu à l’article 151 octies du CGI permet d’éviter l’imposition immédiate des plus-values constatées du fait de l’apport en société d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité.
Pour être plus précis ce dispositif permet d’éviter l’imposition immédiate de la plus-value sur biens amortissables (réintégrée aux résultats de la société bénéficiaire des apports) ainsi que de la plus-value sur biens non amortissables, laquelle n’est imposée au nom de l’apporteur que lors de la cession, du rachat ou de l’annulation des titres reçus ou lors de la cession des biens apportés.
Le régime de l’article 151 octies du CGI s’applique sur option « exercée dans l’acte d’apport conjointement par l’apporteur et la société ».
Soulignons que le report d’imposition peut être maintenu dans certaines situations :
- Transmission à titre gratuit à une personne physique des droits sociaux rémunérant l’apport ;
- Donation partage avec ou sans soulte ;
- Echange des droits sociaux résultant d’une fusion ou d’une scission jusqu’à la date de cession, de rachat ou d’annulation des droits reçus lors de l’échange ;
- En cas d’opérations de restructuration d’une SCP.
S’agissant de la transmission à titre gratuit des parts ou actions par le bénéficiaire de la transmission, l’administration prévoit que «le report d’imposition est maintenu si le bénéficiaire de la transmission des droits prend l’engagement d’acquitter l’impôt sur ces plus-values à la date à laquelle interviendra la cession ou le rachat de ses droits, ou la cession par la société des biens non amortissables apportés si elle est antérieure.» BOI-BIC-PVMV-40-20-30-20, N°110 et S
Comme le souligne le Conseil d'Etat, ces commentaires ne font que réitérer les dispositions légales figurant à l'article 151 octies-I-a al.1 du CGI et par lesquelles le législateur a entendu prolonger la portée d'un mécanisme de report d'imposition visant à favoriser certaines restructurations d'entreprises en évitant que les contribuables ne soient contraints de vendre une partie des titres dont ils disposent à l'issue de ces opérations pour acquitter des impositions sur les plus-values qu'ils réalisent et ainsi de ne pas faire obstacle à la transmission des patrimoines professionnels.
Toutefois un contribuable soutenait qu'en prévoyant l'imposition entre les mains du donataire de plus-values placées en report d'imposition à la suite d'une opération d'apport réalisée par le donateur, sans prévoir d'atténuation de cette imposition par l'effet de l'écoulement du temps, le législateur aurait fait peser, sans limitation de durée, sur le donataire une imposition liée uniquement à l'enrichissement du donateur à raison de ces plus-values réalisées antérieurement au transfert de propriété des droits sociaux et par suite sans lien avec ses facultés contributives, méconnaissant ainsi les exigences constitutionnelles.
Partant ce contribuable a demandé au Conseil d'Etat d'annuler les commentaires administratifs précités et soulevé une QPC.
Le Conseil d'Etat vient de rejeter l'ensemble des demandes de Madame A.
Le transfert de l'obligation d'acquitter l'imposition sur les plus-values en report prévu par les dispositions du premier alinéa du a du I de l'article 151 octies du code général des impôts est subordonné à l'accord du donataire ou de l'héritier, lequel dispose en outre, au moment où il exprime son accord, d'une connaissance exacte du montant et des modalités de paiement de l'imposition en report grevant les droits sociaux dont il accepte la transmission à titre gratuit.
Un tel transfert ne saurait, dans ces conditions, être regardé comme faisant peser sur le donataire une charge fiscale excédant ses facultés contributives.
Par ailleurs, en adoptant les dispositions contestées, le législateur n'a pas entendu poursuivre un objectif de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Par suite, la requérante ne saurait sérieusement soutenir que le législateur aurait institué une présomption irréfragable de fraude, en méconnaissance des principes constitutionnels d'égalité devant l'impôt et d'égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Rappelons que le régime de faveur de l'article 151 octies est aujourd'hui l'un des seul régime qui ne prévoit pas d'exonération définitive. En effet, le Gouvernement s'est toujours refusé à transformer ce dispositif de report en exonération, en dépit des incessantes demandes en ce sens principalement lors des collectifs budgétaires de fin d'année.