La Cour Administrative d’Appel de Versailles applique dans l’affaire dont elle a été saisie la dispense de l’article 257 bis du CGI en cas de vente d’un bien donné en location et poursuite d’une activité locative par l’acquéreur.
Rappel du contexte
Pour mémoire, l’article 257 bis du CGI dispose : « Les livraisons de biens et les prestations de services, réalisées entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sont dispensées de celle-ci lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens. Le bénéficiaire est réputé continuer la personne du cédant, notamment à raison des régularisations de la taxe déduite par ce dernier, ainsi que, s’il y a lieu, pour l’application des dispositions du e du 1 de l’article 266, de l’article 268 ou de l’article 297 A ».
Les deux conditions posées par ce texte sont donc les suivantes :
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un vendeur et un acquéreur tous deux redevables de la TVA de plein droit ou sur option,
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une mutation portant sur une universalité totale ou partielle de biens. Initialement, la dispense de TVA a été instituée en faveur des cessions ayant pour objet l’ensemble des éléments d’une entreprise ou d’une branche complète d’activité, lorsque l’acquéreur poursuivait l’exploitation.
A l’origine, le législateur visait donc le transfert d’une entreprise exerçant une activité commerciale, industrielle, agricole, artisanale ou libérale.
L’administration fiscale, a étendu l’application de la dispense aux cessions d’immeubles par des bailleurs ayant soumis les baux à la TVA lorsque l’immeuble loué est cédé à un acquéreur qui poursuit ces baux en prenant lui-même l’option prévue à l’article 260 2°du CGI (Rescrit fiscal n°2006/58 (TCA) du 26 décembre 2006).
Ainsi, la cession d’un immeuble inscrit à l’actif immobilisé d’une entreprise qui l’a affecté à la réalisation d’une activité de location immobilière, avec reprise, avec ou sans négociation, du ou des baux en cours, doit être regardée comme intervenant dans le cadre de la transmission d’une universalité de biens puisque dans cette hypothèse, la transmission en cause s’inscrit dans une logique de transmission d’entreprise.
Lorsque cette transmission intervient entre deux redevables de la TVA au titre de l’activité transmise (ce qui implique que le cédant soumettait auparavant cette activité de location à la TVA de plein droit ou sur option et que le cessionnaire continuera de la soumettre à la TVA, sur option ou de plein droit), elle bénéficie, selon le cas, soit d’une dispense de taxation, pour les immeubles qui entrent dans le champ d’application des dispositions de la TVA immobilière, soit d’une dispense de régularisation de la TVA antérieurement déduite, pour les immeubles qui n’entrent pas dans le champ d’application de la TVA immobilière (la vente est soumise, dans ce cas, aux seuls droits d’enregistrement).
Rappel des faits
La société IB, aux droits desquels vient la société II, a cédé, le 18 juin 2010, un immeuble à usage de bureaux, situé rue de la Boétie dans le 8e arrondissement de Paris, à la SCI BFF. Cette cession a été placée sous le régime de dispense de taxe sur la valeur ajoutée prévu par l’article 257 bis du CGI. A l’issue d’une vérification de comptabilité, portant sur la période allant du 1er janvier 2010 au 4 novembre 2011, l’administration a remis en cause ce régime de dispense et a notifié à la société II un rappel de TVA.
La société II a demandé au TA de Cergy-Pontoise de prononcer le remboursement de la somme de 790 688 € constituée par les intérêts de retard afférents aux rappels de TVA mis à sa charge au titre de l’année 2010.Par un jugement n° 1505996 du 6 mars 2018, le TA de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
La société II fait appel du jugement.
Il résulte de l’instruction :
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que la société IB avait notamment pour activité la location immobilière et avait inscrit l’immeuble en cause dans ses actifs immobilisés.
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que le 7 septembre 2009, elle avait conclu un bail commercial pour la totalité de cet immeuble en optant pour l’assujettissement des loyers dus par le preneur à la TVA.
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que la société acquéreur avait déclaré son intention de poursuivre l’activité de location immobilière de cet immeuble.
« Ce contrat de cession avait ainsi notamment pour objet de permettre la transmission du cédant au cessionnaire de l’exploitation des locaux en litige et devait, par conséquent, être regardé comme procédant au transfert d’une partie autonome de l’entreprise au sens de l’article 257 bis du code général des impôts permettant la poursuite d’une activité économique. »
La Cour estime que cette cession était dispensée de TVA, quand bien même la SCI IIB avait constitué des provisions pour risques au cours des exercices 2008 et 2009 en vue d’une éventuelle cession de cet immeuble après sa rénovation et que sa location est intervenue seulement quelques mois avant la cession.
Partant la Cour a estimé que c’était à tort que l’administration a réclamé à la société III un rappel de TVA pour cette cession, ainsi que les intérêts de retard correspondants.