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Droits d’enregistrements

Transmission d'engagement de construire : le juge rappelle l'exigence d'assujettissement à la TVA du cessionnaire

Le juge de l'impôt nous rappelle que le bénéfice de l’exonération des droits d’enregistrement prévu à l’article 1594-0 G A du CGI est indissociable du maintien, tout au long de la chaîne des cessions, d’un engagement de construire porté par un acquéreur assujetti à la TVA.

 

Le dispositif codifié à l'article 1594-0 G du CGI prévoit que sont exonérés de TPF ou de droits d'enregistrement les acquisitions d'immeubles réalisées par une personne assujettie à la TVA, lorsque l'acte d'acquisition contient l'engagement de l'acquéreur d'effectuer, dans un délai de quatre ans, les travaux conduisant à la production d'un immeuble neuf ou nécessaires pour terminer un immeuble inachevé. Cette exonération est subordonnée à la condition que l'acquéreur justifie, à l'expiration du délai imparti, de l'exécution effective des travaux.

 

Le paragraphe II de l'article 1594-0 G prévoit expressément qu'en cas d'acquisitions successives par des personnes mentionnées au paragraphe I, l'engagement pris par le cédant peut être repris par l'acquéreur, auquel s'impose alors le délai imparti au cédant.

En cas d'acquisitions successives par des personnes mentionnées au I, l'engagement pris par le cédant peut être repris par l'acquéreur auquel s'impose alors le délai imparti au cédant. La personne à laquelle s'impose l'engagement mentionné au I peut, dans la limite de cinq années à compter de la date à laquelle il a été souscrit par le premier acquéreur, y substituer l'engagement de revendre prévu à l'article 1115 qui est réputé avoir pris effet à compter de cette même date.

 

Cette disposition soulève des questions d'interprétation concernant les conditions de transmission de l'engagement et les qualités requises du cessionnaire pour maintenir le bénéfice de l'exonération.

 

Rappel des faits :

La Sarl G a acquis le 16 janvier 2008 un ensemble immobilier  d'une superficie considérable de 3 hectares 97 ares 82 centiares, pour un prix de 2 M€. La société a initialement pris un engagement de revente dans un délai de quatre ans afin de bénéficier de droits d'enregistrement à taux réduit

Le 9 janvier 2012, la société a substitué à son engagement initial de revente un engagement de construire. Cette modification, opérée par acte rectificatif notarié avec effet rétroactif au 16 janvier 2008, portait sur une superficie de 25 268 m² correspondant à la superficie non bâtie de l'ensemble immobilier acquis, et à concurrence de 1 525 500 €. Le délai de construction avait été prorogé jusqu'au 16 janvier 2017. Entre-temps, l’ensemble a été divisé en vingt-quatre parcelles ;

  • deux sont revendues à des sociétés assujetties qui reprennent l’engagement ;

  • onze à une société assujettie à la TVA qui, en revanche, ne reprend pas l’engagement ;

  • onze à des particuliers non assujettis.

Au final, une seule parcelle reste dépourvue de construction, mais vingt-deux ont quitté le périmètre de l’engagement sans transfert valable. L’administration, par proposition de rectification du 27 novembre 2018, a exige les droits au taux de droit commun, calculés prorata temporis sur les surfaces concernées.

La position administrative s'appuyait sur une interprétation stricte de l'article 1594-0 G CGI, considérant que la transmission de l'engagement nécessitait la réunion de conditions précises tant du côté du cessionnaire que du point de vue des modalités de la transmission.

Suivent l’avis de mise en recouvrement du 28 juin 2019 puis la réclamation rejetée le 15 mai 2020. La cour d’appel de Colmar confirme les rappels. La société s'est pourvue en Cassation.

 

Devant la Cour de cassation, la société soutient que :

  • l’exonération, une fois acquise, ne peut être remise en cause qu’à défaut de justification des travaux à l’expiration du délai de quatre ans, indépendamment de l’identité du constructeur ;
  • la cession des parcelles est neutre, même à un non-assujetti, dès lors que la construction est finalement réalisée ;
  • la condition tenant à la reprise de l’engagement par un nouvel assujetti ne résulterait pas du texte, qui ferait seulement référence à des « personnes mentionnées au I ».

Autrement dit, la Sarl G plaide pour une lecture centrée sur la production d’un immeuble neuf, non sur la qualité du (ou des) porteur(s) successif(s) de l’engagement.

 

La Cour de cassation vient de rejeter le pourvoi, confirmant l'interprétation stricte du dispositif légal retenue par la Cour d'appel de Colmar.

 

Cette position s'appuie sur une analyse textuelle  de l'article 1594-0 G CGI.

 

  • La Haute juridiction a d'abord rappelé les conditions d'application de l'exonération prévue à l'article 1594-0 G-I, soulignant que celle-ci était réservée aux acquisitions réalisées par des personnes assujetties à la TVA prenant l'engagement d'effectuer les travaux de construction dans le délai imparti. Cette exigence de qualité de l'acquéreur constitue une condition substantielle du dispositif, qui ne saurait être éludée par des montages juridiques ultérieurs.
  • Concernant les modalités de transmission de l'engagement prévues au paragraphe II du même article, la Cour a souligné que la reprise de l'engagement par un acquéreur ultérieur constituait une faculté strictement encadrée. Cette transmission n'est possible qu'au profit d'un acquéreur lui-même assujetti à la TVA, condition qui participe de la cohérence du dispositif fiscal et de son objectif de soutien aux opérateurs professionnels du secteur immobilier.

La Cour a considéré que la Cour d'appel avait exactement déduit de la cession de vingt-deux parcelles à des acquéreurs non qualifiés que la société Ferme Quirin ne pouvait conserver le bénéfice de l'exonération pour cette fraction de l'opération.

 

Reprenant mot pour mot la construction de l’arrêt de la Cour d'appel de Colmar, la haute juridiction énonce que :

  • l’exonération vise les « acquisitions successives par des personnes mentionnées au I », c’est-à-dire exclusivement des assujettis 

  • la société requérante ayant cédé vingt-deux parcelles à des non-assujettis, ou à un assujetti sans reprise d’engagement, elle ne saurait conserver le bénéfice de l’exonération à proportion de ces surfaces.

 

TL;DR

 

La Cour, fidèle à une lecture littérale, réaffirme trois principes :

  • L’exonération est personnelle et conditionnelle. Ce n’est pas l’achèvement matériel de l’immeuble qui déclenche la consolidation de l’avantage, mais la combinaison de la qualité d’assujetti (TVA) et de la preuve des travaux à une date donnée. Toute chaîne de titulaires doit être homogène à cet égard.
  • La cession partielle d’un ensemble immobilier fractionne le régime. Chaque lot suit le sort de son acquéreur. En pratique, la moindre vente à un non-assujetti, même minoritaire, entraîne la reprise de droits sur ce périmètre.
  • La reprise expresse dans l’acte est impérative. Le silence vaut défaut de reprise, peu importe les intentions ultérieures.

Pour les opérateurs (marchands de biens, foncières, aménageurs), l’enseignement est double :

  • la clause de reprise doit être négociée et rédigée avec soin, sous peine d’alourdir le coût de cession ;

  • lorsqu’il est envisagé de vendre à des non-assujettis ou de « panacher », une simulation des droits d’enregistrement doit être intégrée à l’équation financière.

 

 

Publié le mercredi 4 juin 2025 par La rédaction

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