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Contrôle et contentieux

Propositions de rectification : l'utilisation de Chronopost ne dispense pas d'une preuve rigoureuse de la notification

Décision relative aux exigences probatoires en matière de notification des propositions de rectification, particulièrement lorsque l'administration fiscale utilise les services d'une société de messagerie privée.

 

Il ressort des dispositions de l'article L57 du LPF que la loi impose à l'administration de motiver et notifier au contribuable toute proposition de rectification. Par ailleurs, l'article L. 76 du même livre précise que le contribuable doit être informé des éléments servant au calcul des impositions d'office au moins trente jours avant mise en recouvrement.

 

La charge de la preuve de la notification régulière incombe à l'administration fiscale, qui doit fournir des éléments précis attestant de la remise de la proposition.

 

Rappel des faits :

La société T, spécialisée en courtage d'assurances, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour les années 2017 à 2019. À l'issue de cette vérification, l'administration fiscale a émis des propositions de rectification et des assignations de suppléments d'imposition relatifs à l'impôt sur les sociétés, à la taxe d'apprentissage, à la formation professionnelle continue et à la taxe sur les véhicules de sociétés. Elle a également infligé une amende pour l'année 2019 selon l'article 1759 du CGI.

 

La SARL T a demandé la décharge des suppléments d'imposition pour 2017-2019 soutenant ne jamais avoir reçu notification de la proposition de rectification, arguant que celle-ci aurait dû être adressée à son mandataire, que les impositions seraient prescrites, et que le bien-fondé des impositions était contesté seulement "à titre conservatoire".

 

La société contestait avoir reçu la proposition de rectification. L'administration soutenait avoir procédé à l'envoi via Chronopost et qu'un avis de passage avait été délivré à l'adresse de la société.

 

Le Tribunal vient de faire droit à la demande en décharge de la SARL T

 

Le tribunal énonce d'abord un principe fondamental : c'est à l'administration qu'incombe la charge de prouver la régularité de la notification. Cette exigence est particulièrement importante lorsque le pli est retourné à l'administration, car elle doit alors démontrer que les opérations de présentation à l'adresse du destinataire ont été effectuées régulièrement.

 

Le tribunal précise ensuite les modalités de cette preuve qui peut être apportée de deux manières :

  • La première consiste en des mentions précises, claires et concordantes sur les documents remis à l'expéditeur, y compris sous forme électronique, conformément à la réglementation postale.
  • La seconde, subsidiaire, repose sur une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments prouvant la délivrance d'un avis de passage informant le destinataire de la disponibilité du pli au bureau de poste.

S'agissant spécifiquement des plis recommandés, le tribunal définit ce qui constitue des "mentions précises, claires et concordantes" : il faut que le pli retourné comporte un volet "avis de réception" indiquant la date de vaine présentation et le motif de non-remise, soit sur l'enveloppe, soit sur l'avis de réception lui-même.

 

Le tribunal souligne également qu'aucun texte n'impose à l'administration fiscale l'utilisation exclusive de la lettre recommandée avec accusé de réception pour notifier ses propositions de rectification. 

 

Toutefois, cette liberté de choix est contrebalancée par une exigence forte en matière de preuve. Lorsque l'administration opte pour d'autres modes de notification, notamment via une société de messagerie privée, elle doit apporter des garanties équivalentes à celles offertes par la lettre recommandée avec accusé de réception. Ces garanties portent sur deux points essentiels : la preuve de la date de présentation des plis et, en cas de non-retrait, la preuve de la distribution d'un avis de passage.

 

Au cas particulier, l'administration s'appuyait sur une documentation relative à l'envoi par Chronopost d'une proposition de rectification datée du 8 juin 2021. Elle prétendait qu'un avis de passage avait été délivré à l'adresse du contribuable, conformément au contrat la liant à Chronopost.

 

Le tribunal a procèdé à un examen détaillé et chronologique des éléments de preuve, relevant plusieurs incohérences majeures. Tout d'abord, la simple mention "Destinataire avisé. Non réclamé dans les délais" sur une vignette est jugée insuffisante pour établir la réalité d'un avis de passage. Cette insuffisance est d'autant plus flagrante que l'historique du suivi de l'expédition révèle des contradictions :

  • Le 14 juin 2021 : mention d'une "impossibilité de laisser un avis de passage"
  • Le 2 juillet : statut "en attente"
  • Le 12 juillet : "anomalie identifiée sur code postal ou adresse du destinataire"

Ces éléments contradictoires empêchent d'établir avec certitude qu'une première présentation a eu lieu le 14 juin 2021 et qu'un avis de passage a été déposé.

 

Le tribunal en conclut que l'administration n'apporte pas la preuve d'une notification régulière, ce qui entraîne la décharge de l'ensemble des impositions et amendes.

 

Publié le lundi 13 janvier 2025 par La rédaction

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