Pour être taxable en vertu de l’article 726-I, du CGI, la cession de droits sociaux doit correspondre au transfert effectif de la valeur des droits sociaux d’un patrimoine vers l’autre, moyennant le paiement d’un prix qui est l’assiette de la taxation.
Rappel des faits :
Le 15 septembre 2010, les membres de la famille H, associés de la SCI B au capital de 10 000 € composé de 100 part d’une valeur de 100 € chacune, ont conclu avec la société CAS une convention destinée à permettre le financement de la construction, sur un terrain appartenant à la SCI, d’un immeuble devant être donné en location à la société CAS.
La somme de 75 000 € devait être apportée par les associés de la SCI et celle de 3 550 000 € ’confiée’ à ceux-ci par la société CAS, à charge pour les associés de souscrire à une augmentation de capital de la SCI à hauteur de 3 625 000 €, par augmentation de la valeur nominale unitaire des parts, de 100 € à 36 350€.
Il était prévu qu’en contrepartie, les membres de la famille H constitueraient au profit de la société CAS un usufruit temporaire d’une durée de quinze ans sur les parts de la SCI B.
L’opération a été réalisée et n’a pas été déclarée à l’administration fiscale comme donnant lieu à paiement d’un droit d’enregistrement.
Le 5 décembre 2013, l’administration a adressé à la société CAS une proposition de rectification fondée sur le fait que les actes passés en exécution de la convention du 15 septembre 2010 réalisaient une cession d’usufruit des parts sociales de la SCI B, pour un prix de 3 550 000 €, taxable, au titre du droit d’enregistrement prévu à l’article 726 du CGI, au taux de 5 %.
La société CAS, après rejet de sa réclamation par l’administration, l’a fait assigner, devant le TGI de Strasbourg, lequel, par jugement en date du 20 mars 2018, a déclaré irrégulière la procédure mise en oeuvre par l’administration, prononcé la décharge des impositions.
L’administration fiscale a fait appel de la décision.
La Cour vient d’infirmer le jugement du TGI
Sur le fond, la Cour fait valoir qu’aux termes de l’article 726-I-2° du CGI, les cessions de droits sociaux sont soumises à un droit d’enregistrement dont le taux est fixé à 5 % pour les cessions de participations dans les personnes morales à prépondérance immobilière.
La constitution d’usufruit se distingue de la cession d’usufruit en ce qu’elle intervient concomitamment au démembrement de propriété, alors que la cession suppose que le démembrement existait antérieurement.
Dans le premier cas, l’usufruit, qui était englobé dans la pleine propriété, est détaché de la nue-propriété pour être cédé au bénéficiaire de la constitution d’usufruit.
La constitution d’usufruit réalise donc bien une cession, en ce que la valeur de l’usufruit est transférée du patrimoine du constituant à celui de l’usufruitier. Elle entre donc dans les prévisions du texte fiscal précité applicable aux cessions de droits sociaux.
Dès lors, il est sans incidence qu’en l’espèce, l’opération litigieuse ait consisté en une constitution d’usufruit et non en une cession d’un usufruit préexistant.
En effet, d’une part les associés se sont dépouillés de l’usufruit de leurs parts sociales, d’autre part la valeur nominale de leurs parts est passée, après réalisation de l’augmentation de capital de la SCI, de 100 euros à 36 350 euros. En outre, l’usufruit étant temporaire et limité à quinze ans, les associés ont vocation à récupérer à terme la pleine propriété des parts sociales, de sorte qu’ils sont les bénéficiaires ultimes du versement, par la société CAS, de la somme de 3 550 000 euros, laquelle constitue donc bien un prix, contrepartie de l’usufruit constitué en faveur de la société CAS.
Vue sous l’angle des rapports entre les associés de la SCI et la société CAS, l’opération litigieuse réalise donc une cession de la valeur de l’usufruit des parts sociales de la SCI.
Pour être taxable en vertu de l’article 726-I, du CGI, la cession de droits sociaux doit correspondre au transfert effectif de la valeur des droits sociaux d’un patrimoine vers l’autre, moyennant le paiement d’un prix qui est l’assiette de la taxation.
En l’espèce , il est incontestable que la valeur de l’usufruit des parts de la SCI B a quitté le patrimoine des membres de la famille H pour rejoindre celui de la société CAS. Comme le fait observer l’administration, cette valeur (3 550 000 euros) a été comptabilisée par la société CAS dans ses actifs, dans un compte ’titres immobilisés’.
Pour nier l’existence d’une cession, la société CAS fait valoir que la somme de 3 550 000 euros versée par elle n’est pas demeurée dans le patrimoine des associés de la SCI, qu’elle leur avait seulement été ’confiée’ pour souscrire à une augmentation de capital de la SCI et que, dès lors, il ne s’agissait pas d’un prix.
L’opération consisterait ainsi en un apport à la SCI réalisé par la société CAS, par l’intermédiaire des associés, rémunéré par l’attribution de droits en usufruit sur les parts sociales.
Cette analyse est erronée en ce qu’elle considère que les associés n’ont joué qu’un rôle de simple intermédiaire dans une opération qui concernait la SCI et la société CAS.
Or, cette opération n’était pas neutre à leur égard.
La Cour en a conclu que la rectification opérée par l’administration était fondée.