Entretien du 1er novembre 2004 avec Jean-François LIPSKIER, Directeur du pôle financement de l’innovation de Lowendal Group
Fiscalonline (FOL) : Bonjour M. Lipskier, pouvez vous vous présenter ?
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Jean-François LIPSKIER : Je suis directeur du pôle financement de l’innovation du groupe Lowendal. Lowendal group est un cabinet de conseil spécialisé en optimisation de coûts. Sa vocation est d’accompagner les entreprises dans la réalisation d’économies sur leurs charges sociales, fiscales et leurs frais généraux.
Notre slogan « ensemble optimisons vos dépenses opérationnelles » illustre notre activité de récupération de TVA, d’optimisation des impôts locaux, des charges sociales, des frais généraux, et l’activité de notre pôle « financement de l’innovation » spécialisé dans la recherche de financements pour les entreprises qui innovent.
Fiscalonline : En quoi consiste plus précisément votre mission d’optimisation des dépenses de recherche et développement au sein de Lowendal group ?
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Jean-François LIPSKIER : L’optimisation des dépenses de recherche et développement (R&D) chez Lowendal group peut prendre un certain nombre de formes.
Du point de vue du financier, l’investissement en R&D se caractérise par un risque élevé, un délai de récupération important, et bien souvent un ticket d’entrée minimal non négligeable. Il est naturel que nos clients se préoccupent de ces aspects de leurs projets de R&D.
Notre rôle est de les aider à limiter l’impact de ces trois caractéristiques : la demande en capitaux propres (ticket d’entrée) peut être réduite par l’obtention d’aides publiques directes (subventions) ou indirectes (aides fiscales) ; le délai de récupération et le niveau de risque peuvent être réduits par un management rigoureux des projets, par la mise en place de partenariats judicieux (partage des coûts et des risques) et par une politique volontariste de valorisation des résultats, y compris hors « core-business ».
Nous insistons sur le fait qu’il ne s’agit pas nécessairement de réduire les dépenses de R&D, mais bien de les optimiser : à budget équivalent, l’objectif peut consister à obtenir davantage de résultats.
Fiscalonline : Il ressort de différentes études (21ème rapport du Conseil des impôts) que la France fait un faible usage de l’incitation fiscale à la recherche. Quel est votre sentiment sur cette affirmation ?
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Jean-françois LIPSKIER : Il convient d’appréhender cette affirmation sous deux angles : celui des entreprises et celui de L’État.
S’agissant des entreprises, très peu d’entre elles ont profité, jusqu’à présent, des dispositifs d’incitation fiscale à la recherche en raison d’un déficit de connaissance du dispositif, souvent perçu à juste titre comme particulièrement complexe et peu incitatif dans un contexte de faible croissance, voire de décroissance des investissements de R&D.
Toutefois, le rapport que vous avez cité date de 2003. Depuis, le dispositif fiscal d’incitation à la recherche (et en particulier le Crédit d’Impôt Recherche) a été remanié et a été rendu beaucoup plus incitatif. On peut dès lors s’attendre à ce que le nombre d’entreprises qui vont profiter du nouveau dispositif augmente considérablement.
En effet, en 2003 et depuis 1993, le montant du crédit d’impôt était directement proportionnel à la variation des dépenses de R&D de l’année en cours par rapport à la moyenne des deux années précédentes.
Dans les années de forte croissance, notamment dans les industries à fort contenu technologique, un tel dispositif pouvait être incitatif.
Dans la conjoncture que nous connaissons depuis plusieurs années, les entreprises peinent majoritairement à maintenir leur niveau d’investissement en R&D.
Le dispositif n’était donc plus adapté. Il a été réformé en 2004 avec, notamment, la mise en place d’une part du crédit d’impôt recherche directement proportionnelle à la valeur absolue des dépenses de R&D (c‘est la fameuse part dite « en volume »), en complément de la part liée à la variation de ces dépenses, qui subsiste pour l’essentiel. Clairement, cette réforme du mode de calcul du CIR va entraîner un accroissement considérable du nombre d’entreprises qui en bénéficieront.
Concernant l’État, il convient de préciser que peu de pays parmi les pays les plus industrialisés disposent d’un dispositif de crédit d’impôt recherche. Les dispositifs qui existent à l’étranger ne sont pas forcément plus compétitifs ou plus incitatifs que le dispositif français. Le dispositif français peut certainement être amélioré mais il y a déjà un travail qui a été fait en ce sens et je ne suis pas sûr qu’on puisse dire que l’État ne fait pas assez usage de ce dispositif.
De plus, il faut observer que s’il existe un domaine où une intervention de l’état par le biais de l’aide fiscale se justifie, c’est celui du soutien à une politique d’investissements en R&D volontariste de la part des entreprises.
De nombreuses études ont en effet montré que le rendement social de l’investissement en R&D est très largement supérieur à son rendement privé.
Qu’est ce que cela signifie ? Que ces investissements bénéficient à l’ensemble de la société bien au delà du bénéfice qu’ils procurent à l’entreprise. Lorsque le rendement social d’un investissement excède ainsi largement son rendement privé, il est à craindre qu’en l’absence d’intervention de l’état, l’investissement soit sous optimal pour la société dans son ensemble. La question que l’on peut se poser est celle de la forme que peut, ou doit prendre cette intervention de la puissance publique : aide fiscale ou aides directes. Quoi qu’il en soir les deux types d’aides sont complémentaires.
Fiscalonline : D’après vous, quels sont, aujourd’hui, les moyens dont disposent les entreprises pour financer leur innovation ?
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Jean-François LIPSKIER :
Elles disposent des moyens suivants :
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les fonds propres
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la dette
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les aides directes des pouvoirs publics
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les aides fiscales
En premier lieu, il convient de citer les fonds propres. A priori, une entreprise fait de la R&D car elle en attend la mise sur le marché d’un produit ou d’un service nouveau et donc une source de profit additionnel. Il est donc légitime qu’elle finance avant tout par ses fonds propres les opérations de R&D. Si les entreprises ne sont pas prêtes à financer un projet sur leurs fonds propres, leur quête d’aides fiscales ou d’aides indirectes est à notre avis vaine, car cela veut dire que le projet ne s’inscrit pas dans leur stratégie de développement. Inversement, si une entreprise a un projet qui s’inscrit dans sa stratégie, il faut aller chercher des aides car il n’y a pas de raison de ne financer que sur ses fonds propres.
L’entreprise peut également financer ses dépenses de R&D par le biais de la dette. Sans parler de la dette bancaire, deux types de dettes peuvent être utilisés pour financer de la R&D : les avances remboursables à taux zéro consenties par l’ANVAR (que l’on peut aussi assimiler à une aide directe de l’État), et le crédit-bail, notamment pour financer des investissements en équipement de R&D.
Enfin, on peut compléter le financement par des aides directes d’état. Il s’agit principalement des différents types de subventions proposées par les régions, par l’État ou par la Commission européenne. Ces aides viennent toujours en complément d’un investissement significatif (et même le plus souvent majoritaire) en fonds propres.
Il faut noter qu’en contrepartie de ces aides, il y a souvent des contraintes qui peuvent être importantes pour l’entreprise en matière de propriété intellectuelle, de dissémination des résultats, de montage de partenariats etc… Beaucoup d’entreprises renâclent devant ces contraintes et renoncent à des aides auxquelles elles pourraient prétendre, ce qui en limite considérablement la portée. C’est notamment le cas des aides proposées par la Commission européenne dans le cadre du 6e PCRD.).
Et bien sûr, le financement peut aussi être complété par le biais des aides fiscales : il s’agit principalement du Crédit d’Impôt Recherche et accessoirement de mesures concernant immobilisations physiques affectées à des opérations de R&D : amortissement dégressif accéléré, exonération de TP… Plus récemment est venu s’ajouter pour certaines entreprises le statut spécifique de Jeune Entreprise Innovante (JEI).
Fiscalonline : Quelle place tient le crédit d’impôt recherche dans ce panel de moyens ?
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Jean-François LIPSKIER : Le crédit d’impôt recherche devrait avoir une place prépondérante mais ce n’est pas le cas. En effet, il est souvent moins employé qu’il pourrait l’être et il est moins employé que le recours aux aides directes sous forme de subventions.
Cette situation est paradoxale car toute entreprise qui fait de la R&D a droit au crédit d’impôt recherche.
Même si la justification des dépenses qu’on impute au crédit d’impôt recherche se révèle parfois complexe et technique, le mécanisme est déclaratif et assez simple à mettre en œuvre.
S’agissant des aides directes, ces dernières sont très sectorielles et focalisées sur un certain nombre de thématiques définies au niveau national et communautaire. Mais même si elles ne s’adressent pas à toutes les entreprises, celles qui y ont droit en profitent bien davantage que du crédit d’impôt recherche, en raison de leur montant particulièrement élevé.
On en arrive parfois à une situation invraisemblable où les entreprises vont chercher des aides directes qu’elles auront peu de chances d’obtenir et n’utilisent pas le mécanisme du crédit d’impôt qui leur est ouvert.
Fiscalonline : L’article 87 de la loi de finances pour 2004 a amélioré le dispositif du crédit d’impôt recherche. Parmi les aménagements apporté quelle est selon vous la mesure la plus significative ? Pourquoi ?
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Jean-François LIPSKIER : Incontestablement c’est l’introduction d’une part dite en volume.
Jusqu’à 2003 le crédit d’impôt recherche était calculé simplement sur la base de l’accroissement des dépenses de R&D comparé à la moyenne des deux années précédentes. Dans une période qu’on a connue où les investissements de R&D étaient faibles, ce crédit d’impôt incrémentiel n’était pas très intéressant.
Depuis la loi de finances pour 2004, une part en volume a été introduite qui représente 5% du montant de la valeur absolue des dépenses de R&D engagées par l’entreprise dans l’année écoulée. Cette part en volume change beaucoup de choses pour les entreprises qui maintiennent un effort de R&D.
La prise en compte du volume des dépenses pour le calcul du crédit d’impôt permettra à toutes les entreprises qui exposent des dépenses de recherche de bénéficier du dispositif quelle que soit l’évolution de leurs dépenses. En effet, en cas de diminution des dépenses de recherche, la part en volume restera acquise à l’entreprise et chaque année les entreprises pourront tabler sur un crédit d’impôt.
Dans l’ancienne version du CIR où seule existait une part en accroissement, il pouvait arriver que le crédit d’impôt soit négatif si la variation des dépenses de R&D par rapport à la moyenne des années précédentes était négative.
Même si un mécanisme permettait de reporter en avant ce crédit négatif sur un éventuel crédit positif de l’année suivante, il arrivait que des entreprises et notamment les plus grosses traînent du négatif sur plusieurs années. Ce mécanisme n’avait dès lors aucun intérêt pour elles.
Aujourd’hui si ces entreprises conservent leur négatif, elles peuvent bénéficier de 5% de la valeur absolue de leurs dépenses de R&D. Ceci justifie que de très nombreuses entreprises intègrent ou réintègrent le dispositif alors qu’elles l’avaient abandonné.
Fiscalonline : Le nouveau dispositif du crédit d’impôt recherche est-il plus complexe que le précédent ?
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Jean-François LIPSKIER : Non. L’ancien dispositif était déjà, c’est vrai, assez complexe, mais le nouveau ne l’est guère plus. La formule de calcul est un tout petit peu plus compliquée mais reste abordable pour quelqu’un qui a une connaissance des mathématiques tout à fait rudimentaire ! La véritable complexité, c’est dans la détermination et la justification du périmètre des dépenses éligibles qu’on la trouve.
Fiscalonline : A qui va profiter le relèvement du plafond du crédit d’impôt recherche ?
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Jean-François LIPSKIER : Le plafond du crédit d’impôt recherche est désormais fixé à 8.000.000 d’euros.
Cette mesure va surtout profiter aux grands groupes, c’est-à-dire ceux qui ont les moyens de réaliser des dépenses en R&D de façon à générer un crédit d’impôt supérieur à 6,1 millions d’euros (ancien plafond).
En revanche, pour les autres entreprises, cela ne changera strictement rien. Celles qui n’atteignaient pas le plafond avant la réforme, l’atteindront encore moins aujourd’hui. Le plafond antérieur pénalisait les plus grosses entreprises, il les pénalisera moins maintenant.
Si cette mesure concerne un nombre relativement limité d’entreprises, l’impact demeure positif étant donné que ces entreprises sont typiquement celles qui maintiennent le plus grand nombre de postes de chercheurs, autrement dit des emplois.
Fiscalonline : En matière de crédit d’impôt recherche votre mission se situe-t-elle plutôt en amont (éligibilité des dépenses de recherche) ou en aval (contrôle a posteriori) ?
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Jean-François LIPSKIER : Notre accompagnement et notre mission en ce qui concerne le crédit d’impôt recherche concernent toutes les étapes du processus, depuis l’identification des enjeux, l’identification du périmètre des opérations de R&D éligibles (identification qui comporte une certaine complexité puisque les définitions sur lesquelles l’administration se fonde ne sont pas dénuées d’ambiguïté), le chiffrage des dépenses correspondantes et surtout, l’élaboration des dossiers justificatifs scientifiques et techniques d’une part, et comptables d’autre part, sur lesquels le client va pouvoir s’appuyer en cas de contrôle fiscal.
Notre mission va consister à assurer à nos clients que leur dossier est exact sur la forme, et que sur le fond ils disposent de l’argumentaire nécessaire et des éléments de preuves aptes à emporter la conviction de l’administration fiscale pour justifier leurs dépenses de recherche.
Un point important à retenir sur le CIR est qu’il n’existe pas de définition totalement univoque et exhaustive de ce qui relève de la R&D.
L’administration se fonde sur un certain nombre de critères, pour la plupart inspirés du Manuel de Frascatti, publié par l’OCDE. Ce manuel fait l’objet d’un large consensus, et les critères retenus par l’administration ne sont donc pas plus mauvais que d’autres.
Simplement, dans de très nombreuses situations, ils ne permettent pas de trancher sans ambiguïté. Il est de ce fait très fréquent que l’éligibilité d’une dépense de R&D soit discutable, en fonction de l’interprétation que l’on fait des textes. Rien ne vous empêche de choisir l’interprétation qui vous est la plus favorable, à condition d’être capable de soutenir avec succès votre choix dans un débat contradictoire avec l’administration. Si votre argumentation est solide, vous avez toutes les chances d’obtenir gain de cause, d’où l’importance que nous attachons à la qualité des dossiers justificatifs. En revanche, pour qu’un tel débat contradictoire soit possible, il faut impérativement que vos déclarations soient irréprochables sur la forme.
Comme vous le voyez, cela demande du temps et du savoir-faire, et chaque client présente des caractéristiques uniques, difficiles à généraliser. C’est pourquoi chacune de nos missions est conçue sur mesure, en concertation avec le client, de façon à lui garantir l’accompagnement qui lui conviendra le mieux.
Fiscalonline : Au regard de votre expérience, les contrôles en matière de crédit d’impôt recherche sont ils nombreux ?
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Jean-François LIPSKIER : Les contrôles sont quasi inéluctables.
Nous recommandons généralement à nos clients de se préparer à un contrôle dans les 3 ou 4 ans qui vont suivre la déclaration fiscale. Le contrôle ne sera pas forcément spécifique. Il peut s’agir d’un contrôle de l’ensemble de l’impôt de la société ou d’un contrôle dédié au crédit d’impôt recherche. Dans les deux cas, mieux vaut être préparé : ceci en établissant leurs déclarations avec rigueur, en constituant et en archivant en bonne place des dossiers justificatifs convaincants, avec une information synthétique, pertinente, bien organisée et bien présentée, de façon à faciliter le travail des inspecteurs ; et enfin, en revoyant systématiquement avec nous, avant tout contrôle (qu’il soit spécifique ou non) leurs dossiers de CIR.
En revanche, qui dit contrôle ne dit pas fatalement redressement. Si notre client est bien préparé, si le dossier est complet et si son argumentation est détaillée, il n’y aura pas de redressement ou en tous cas il pourra en limiter les effets.
Fiscalonline : Les entreprises utilisent-elles la procédure de demande d’avis préalable prévue à l’article L 80 B du CGI ?
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Jean-François LIPSKIER : Très peu d’entreprises ont recours au rescrit.
Une raison à cela : l’administration dispose d’un délai de 6 mois pour faire connaître sa réponse concernant l’éligibilité de dépenses au crédit d’impôt recherche.
S’il n’y a pas eu de réponse ou si cette réponse est positive dans le délai vous avez l’assurance que votre dossier ne sera pas redressé.
En revanche, si dans ce délai l’administration répond négativement, vous savez d’ores et déjà que vous avez une déclaration erronée qui va obligatoirement être redressée. En effet, dans l’hypothèse fréquente où l’entreprise a un exercice qui coïncide avec l’année civile, cette dernière a du déposer sa déclaration avant d’avoir obtenu la réponse de l’administration.
La procédure n’est donc pas très attractive. A la limite, si vous avez un doute sur l’éligibilité au crédit d’impôt recherche des dépenses que vous avez entrepris, il vaut mieux tenter le coup et faire jouer le dispositif tout en ayant sous le coude un dossier solide et consistant. En cas de contrôle a posteriori il conviendra d’argumenter, de plaider votre cause. Si cela est bien fait, vous avez toutes les chances d’avoir gain de cause.
Fiscal on line : Quel est votre sentiment sur les « pôles de compétitivité » qui figurent au programme du projet de loi de finances pour 2005 ?
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Jean-François LIPSKIER :
C’est une vieille idée qui a été modernisée.
A l’origine, deux évidences :
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pour faire de la R&D de façon efficace il faut dépasser une certaine « taille critique » que les entreprises isolées n’ont pas forcément la capacité d’atteindre et que les centres d’expertise académique n’ont pas non plus forcément la possibilité d’atteindre
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il est bon de favoriser les transferts de technologie, de compétence, de savoir faire entre le monde académique et le monde industriel
Il est donc assez logique de chercher à fédérer ces acteurs autour de grandes thématiques communes et de les rassembler géographiquement pour faciliter les échanges.
La mise en place de ce mécanisme rejoint ce que la communauté européenne essaye de faire en tentant de structurer l’espace européen de la recherche, en créant de grands réseaux de compétence et en y associant des entreprises de façon à franchir cette « taille critique » qui est perçue comme une condition nécessaire à une politique ambitieuse de recherche et développement.
Les avantages fiscaux qui devraient être consentis à ces « pôles de compétitivité », ne sont pas nouveaux puisqu’ils seront vraisemblablement calqués sur ceux dont bénéficient déjà les jeunes entreprises innovantes (JEI). En effet, le projet de loi de finances pour 2005 propose une exonération totale d’impôt sur les bénéfices, réalisés dans lesdits pôles au titre de trois premiers exercices bénéficiaires, puis d’une exonération à hauteur de 50 % au titre des deux exercices suivants. Une exonération complète d’imposition forfaitaire annuelle serait également applicable. Les entreprises pourraient par ailleurs bénéficier, sur décision des collectivités territoriales concernées, d’une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe professionnelle pendant cinq ans. Les entreprises participant à ces pôles de compétitivité devraient bénéficier, quels que soient leur taille et leur âge, d’allégements de charges sociales pour les personnels de recherche, comme c’est déjà le cas pour les JEI..
Fiscal on line : Quels dispositifs fiscaux seraient, d’après vous, les plus à même de soutenir l’innovation et la recherche ?
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Jean-François LIPSKIER : Une aide de l’État dans le domaine de la R&D est particulièrement pertinente, en raison de son rendement social élevé. L’intervention de l’État peut prendre la forme d’une aide directe (subventions) ou d’une aide fiscale.
L’avantage des aides directes est qu’elles permettent de contrôler l’enveloppe budgétaire qui y est associée. L’inconvénient réside dans le fait que ces aides sont très ciblées et focalisées sur quelques thématiques prioritaires. En effet, elles visent principalement à subventionner les tentatives « d’innovations de rupture » c’est-à-dire des opérations tendant à provoquer un saut technologique en raison de leur caractère hautement innovant.
En revanche, ces aides négligent le plus souvent l’innovation récurrente qui consiste à améliorer les techniques et les produits existants afin de les faire coller aux attentes du marché. Malheureusement, alors que la grande majorité des entreprises font de l’innovation récurrente, peu font de l’innovation de rupture. Les aides directes (subventions) ne profitent donc qu’à un nombre restreint d’entreprises.
L’aide fiscale (le crédit d’impôt recherche) en revanche est ouverte à tous sur des critères qui sont les mêmes pour toutes les entreprises (mis à part l’effet de plafonds pour les plus grosses). Par son caractère déclaratif, l’aide fiscale sous la forme du Crédit d’impôt Recherche ou de l’option pour le statut de JEI est assez facile d’accès. Même si le mécanisme a été profondément rénové, celui-ci pourrait encore être amélioré afin d’en faire bénéficier un plus grand nombre d’entreprises, notamment en élargissant le champ des opérations éligibles à l’ensemble des activités d’innovation, dont la recherche ne constitue qu’une partie.
Notons par ailleurs que le crédit d’impôt recherche a un impact sur l’emploi scientifique. En effet, de nombreuses études font ressortir que l’existence d’un dispositif de crédit d’impôt en faveur de l’innovation dans un pays donné contribuait significativement à accroître le montant des investissements en R&D des entreprises de ce pays. Or, des investissements en R&D, cela signifie notamment de nouveaux emplois de jeunes chercheurs. A ce sujet, ce sont surtout les mesures qui portent sur l’allègement des charges sociales pour ces derniers qui paraissent aujourd’hui particulièrement nécessaires.
Propos recueillis le 1er novembre 2004