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Plus-values professionnelles

Article 151 septies A du CGI et indemnités de fin de mandat des agents d'assurance : censure de la discrimination selon le mode d'exercice de l'activité d'agent général d'assurance

Cette décision du Conseil constitutionnel apporte une clarification importante sur le régime d'exonération de plus-value professionnelle des indemnités compensatrices versées aux agents généraux d'assurance lors de la cessation de leur mandat, en censurant une discrimination fondée sur la forme juridique d'exercice de l'activité.

 

L'article 151 septies A du CGI exonère les plus-values réalisées lors du départ à la retraite du cédant. Le bénéfice de cette exonération est subordonné à plusieurs conditions cumulatives tenant à l’activité, à la nature des éléments cédés, au départ à la retraite du cédant et à l’absence de liens entre le cédant et le cessionnaire.
En pratique, le cédant doit cesser toute fonction dans l’entreprise individuelle cédée ou dans la société ou le groupement dont les droits ou parts sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite soit dans les deux ans suivant la cession, soit dans les deux années précédant celle-ci.

Ces dispositions s'appliquent aux cessions de gré à gré, par lesquelles les agents généraux d'assurance vendent leur droit à créance sur les portefeuilles d'assurances qu'ils ont gérés et développés mais également, lorsque l’agent cesse son activité et opte pour la perception d’une indemnité compensatrice auprès de sa compagnie mandante.  Toutefois, dans cette deuxième situation, les conditions d'application sont plus strictes. En effet, dans cette situation, l'article 151 septies A-V du CGI institue un dispositif spécifique d'exonération des plus-values réalisées au titre des indemnités compensatrices reçues sous réserve de respecter certaines conditions. Celles-ci s'ajoutent à celles mentionnées à l'article 151 septies A-I du CGI qui constitue le dispositif général d'exonération des plus-values professionnelles en cas de départ à la retraite. (BOI-BNC-CESS-40-10).

 

Parmi ces conditions, il est prévu que l'agent général d'assurances exerçe à titre individuel.

Pour mémoire, l'article 1 de la LFR pour 2022 a assoupli les conditions dans lesquelles l'indemnité compensatrice peut être exonérée d'impôt sur le revenu.

  • Il a prévu que, pour bénéficier de l'exonération sur l'indemnité compensatrice, l'agent général d'assurance doit faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant sa cessation, contre un an actuellement.
  • Il a également prévu que la condition de durée de la reprise de l'activité, qui doit être remplie pour que l'agent général d'assurance bénéficie de cette exonération, passe d'un an à deux ans.

Bercy a commenté cet aménagement à la faveur d'une mise à jour de la base BOFIP-Impôt du 17 mai 2023

 

Rappel des faits :

Les faits concernent des époux A, agents généraux d'assurance, qui exerçaient leur activité via une société de personnes soumise à l'IR (société fiscalement translucide). En 2022, lors de la cessation de leur mandat, ils ont perçu une indemnité compensatrice. L'administration fiscale a imposé cette indemnité, considérant que l'exonération prévue à l'article 151 septies A du CGI était réservée aux agents exerçant à titre individuel.

Les contribuables ont contesté cette position devant le Tribunal administratif de Rouen, en demandant la décharge des impositions correspondantes. À cette occasion, ils ont soulevé une QPC portant sur les mots "exerçant à titre individuel" figurant dans l'article 151 septies A du CGI, estimant que cette restriction violait le principe constitutionnel d'égalité.

Le tribunal administratif a transmis la QPC au Conseil d'État qui, reconnaissant le caractère sérieux de la question, l'a renvoyée au Conseil constitutionnel. Le point central du débat est la justification de la différence de traitement entre les agents exerçant individuellement et ceux exerçant en société, alors même que dans les deux cas, le résultat fiscal est imposé au nom des personnes physiques.

Les requérants invoquaient une double violation du principe d'égalité devant la loi et les charges publiques, contestant d'une part la différence de traitement entre agents individuels et sociétaires, et d'autre part celle entre les agents percevant une indemnité compensatrice et ceux cédant leur activité de gré à gré.

 

Le Conseil constitutionnel, se fondant sur l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, rappelle que le principe d'égalité n'interdit pas au législateur de traiter différemment des situations différentes ou de déroger à l'égalité pour des motifs d'intérêt général, sous réserve que la différence de traitement soit en rapport avec l'objet de la loi.

 

Après avoir analysé l'objectif poursuivi par le législateur - favoriser la poursuite de l'activité d'agent général lors du départ en retraite - le Conseil constate qu'il n'existe aucun lien entre cet objectif et la forme juridique d'exercice de l'activité. En effet, que l'agent exerce à titre individuel ou en société, cela n'a aucune incidence sur la possibilité de poursuivre l'activité par un successeur.

 

8. En prévoyant que l’indemnité versée à l’occasion de la cessation d’activité d’un agent général d’assurances faisant valoir ses droits à la retraite bénéficie du même régime d’exonération que celui prévu pour les plus-values professionnelles, le législateur a entendu favoriser la poursuite de l’activité exercée.

9. Or, il n’y a pas de lien entre la poursuite de l’activité d’agent général d’assurances par un successeur et la circonstance que l’agent qui cesse son activité l’ait exercée à titre individuel ou au sein d’une société dont les bénéfices sont soumis à l’impôt sur le revenu au nom de ses associés.

10. Dès lors, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées est sans rapport avec l’objet de la loi. Par conséquent, ces dispositions méconnaissent le principe d’égalité devant la loi.

 

La censure est immédiate (intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision) et applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de la décision, le Conseil n'ayant trouvé aucun motif justifiant de reporter les effets de sa décision. 

 

 

Cette décision ouvre le bénéfice de l'exonération 151 septies A du CGI à tous les agents généraux d'assurance cessant leur activité, quelle que soit leur forme d'exercice, dès lors qu'ils remplissent les autres conditions prévues par la loi.

 

Elle s'applique à tous les contentieux en cours.

Publié le lundi 13 janvier 2025 par La rédaction

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