Précisions doctrinales concernant l'articulation entre le régime de TVA applicable aux locations meublées de tourisme et les évolutions législatives récentes.
Le régime de TVA des locations meublées repose sur le principe d'exonération énoncé à l'article 261 D-4° du CGI, tempéré par des exclusions spécifiques. La frontière entre locations exonérées et prestations taxables s'articule autour de deux critères cumulatifs établis par la jurisprudence et la doctrine administrative : la durée des séjours proposés, limitée à 30 nuitées maximum, et la fourniture d'au moins trois prestations annexes parmi le petit-déjeuner, le nettoyage régulier, la fourniture de linge de maison et la réception de clientèle.
Cette distinction détermine l'assujettissement à la TVA indépendamment du régime fiscal applicable aux revenus tirés de ces locations.
Dans le cadre d'une question du 10 décembre 2024 un député a interrogé le Gouvernement sur les conséquences de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme.
Pour mémoire cette loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale a introduit des modifications du cadre réglementaire applicable à ce secteur. Ainsi à compter du 20 mai 2026, l'ensemble des locations de meublés de tourisme sera soumis à une obligation déclarative auprès d'un téléservice national dédié. Le dispositif impose au loueur une obligation probatoire spécifique : il doit établir que le logement proposé à la location constitue effectivement sa résidence principale. Cette preuve s'effectue par la production de l'avis d'imposition établi au nom du déclarant et mentionnant l'adresse du meublé de tourisme concerné. La réforme a également modifié les taux d'abattement applicables aux revenus locatifs issus des meublés de tourisme. Le nouveau barème établit une distinction entre les biens selon leur niveau de service et leur classification.
Les biens classés ainsi que les chambres d'hôtes bénéficient d'un abattement de 50%, plafonné à 77 700 € de revenus locatifs annuels. Cette disposition favorable reconnaît la valeur ajoutée apportée par la classification officielle et l'effort qualitatif consenti par ces hébergements. En revanche, les biens non classés ne peuvent prétendre qu'à un abattement de 30%, limité à 15 000 € de revenus locatifs annuels.
Le député s'inquiétait d'un éventuel assujettissement rétroactif créant une double taxation de la TVA lors de l'acquisition et de la location.
M. Philippe Bonnecarrère interroge M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, sur un effet de bord de la loi sur les meubles de tourisme. Il apparaît qu'une partie au moins des propriétaires loueurs seront soumis au régime de la TVA. Or ils n'ont pu bénéficier, ou n'avaient pas fait ce choix, du régime de la TVA lors de l'acquisition du bien loué ou lors de sa construction-rénovation. Les dispositions évoquées conduiraient à payer deux fois la TVA lors de la construction ou l'acquisition à l'entrée du bien dans le patrimoine et lors de la location elle-même. Si un assujettissement a posteriori à la TVA intervient, il semblerait alors logique qu'il puisse aussi intervenir au point de départ.
Il l'interroge sur la cohérence de l'application du régime de la TVA et souhaite savoir s'il est prévu ou possible de réouvrir le droit à assujettissement initial.
La réponse ministérielle dissipe cette crainte en affirmant catégoriquement que cette loi demeure sans effet sur l'appréciation de la situation des loueurs au regard des règles de TVA.
Le ministre rappelle l'existence du mécanisme de "crédit de départ" prévu aux articles 207 III 1 4° et 207 III 2 4° de l'annexe II au CGI, codifiant une solution jurisprudentielle ancienne (CJCE du 11 juillet 1991, H Lennartz, aff. C-97/90, point 15)
Ce dispositif permet à un assujetti qui affecte ultérieurement un bien immobilier à des opérations taxables, alors qu'il était initialement affecté à des opérations exonérées, de bénéficier d'un droit à déduction partiel de la TVA ayant grevé l'acquisition.
Les modalités pratiques de cette déduction, sont décrites dans la documentation administrative référencée BOI-TVA-DED-60-40, Le calcul s'effectue au prorata de l'affectation du bien aux opérations taxables, selon des règles de répartition précises tenant compte de la durée d'utilisation et de la nature des opérations réalisées.
La réponse ministérielle rappelle qu'aucune déduction ne peut être opérée pour les biens qui, lors de leur acquisition, ont été affectés exclusivement à des besoins privés ou à des activités placées hors du champ de la TVA. Cette règle, issue de la jurisprudence européenne Lennartz de 1991, pose une frontière claire entre les biens acquis dans un cadre professionnel et ceux relevant de la sphère privée.
Les propriétaires qui ont initialement acquis un bien pour leur usage personnel ne pourront pas bénéficier du crédit de départ s'ils décident ultérieurement de le transformer en location meublée taxable.
Cette réponse ministérielle confirme que les propriétaires déjà assujettis à la TVA pour leurs locations meublées ne subissent pas de modification de leur situation du fait de la loi de novembre 2024.
Elle précise également que ceux qui basculeraient vers un régime taxable disposent d'un mécanisme de régularisation évitant la double imposition.
En application des dispositions du 4° de l'article 261 D du code général des impôts (CGI), les locations de logements meublés sont en principe exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Toutefois, sont exclues de l'exonération les prestations d'hébergement fournies dans le cadre des secteurs hôtelier et para-hôtelier, dont la définition est fondée sur un double critère de durée des offres de location proposées aux clients (n'excédant pas 30 nuitées) et de fourniture de services annexes à la mise à disposition d'un local meublé (au moins trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle).
Sont également soumises à la TVA les locations de logements meublés dans le secteur résidentiel avec fourniture de ces mêmes services annexes.
Ces conditions de taxation des prestations d'hébergement à la TVA sont propres à cette taxe et sont indépendantes de celles prévues pour l'imposition des revenus.
Il s'ensuit que l'adoption de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale est sans effet sur l'appréciation de la situation des loueurs en meublés au regard des règles applicables en matière de TVA.
Par ailleurs, ainsi que le prévoient les règles de droit commun régissant la déduction de la TVA par les assujettis, dans le cas où un bien constituant une immobilisation acquis par un assujetti agissant en tant que tel a été affecté à la réalisation d'opérations exonérées devient par la suite affecté à des opérations taxées, l'assujetti peut bénéficier d'un droit à déduction partiel de la TVA ayant grevé l'acquisition dudit bien (« crédit de départ »).
Les modalités de cette déduction, prévue par application du 4° du 1 et du 4° du 2 du III de l'article 207 de l'annexe II au CGI, sont décrites par l'administration au Bulletin officiel des finances publiques-impôts (BOFiP-I) référencé BOI-TVA-DED-60-40. Ce dispositif de portée générale a ainsi vocation à s'appliquer notamment à des personnes qui ont acquis un logement pour le donner en location meublée non assortie des prestations annexes précitées (locations exonérées) et qui, ultérieurement, décideraient d'accompagner ces locations de la fourniture desdites prestations.
En revanche, aucune déduction ne peut être opérée au titre des biens qui, lors de leur acquisition, ont été affectés exclusivement à des besoins privés ou aux besoins d'activités placées en dehors du champ d'application de la TVA (Cour de justice des communautés européennes, décision du 11 juillet 1991, H Lennartz, aff. C-97/90, point 15).