Accueil > Outils fiscaux > Suivi législatif > Lutte contre la fraude fiscale : renforcement des peines et extension des pouvoirs de contrôle
Suivi législatif

Lutte contre la fraude fiscale : renforcement des peines et extension des pouvoirs de contrôle

Dans un contexte de tensions budgétaires, le Gouvernement Lecornu a déposé trois projets de loi au Parlement  : le projet de loi de finances pour 2026, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, et le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Le projet de loi anti-fraude vise à compenser les pertes de recettes liées à la fraude, dont le montant (bien que difficile à évaluer précisément) représente plusieurs dizaines de milliards d'euros annuels. Face à l'impossibilité politique d'augmenter massivement les impôts et à la nécessité de contenir les déficits, la lutte contre la fraude apparaît comme la "troisième voie" pour restaurer l'équilibre des comptes publics.

 

Le texte déposé,comprend 27 articles articulés autour de trois titres : améliorer la détection, adapter les sanctions aux nouvelles formes de fraudes, et garantir le recouvrement. Si les mesures sociales occupent une place prépondérante dans le dispositif, le volet fiscal est loin d'être négligent. Pour la première fois, la fraude fiscale aggravée pourra être sanctionnée de 7 ans d'emprisonnement et 3 M€ d'amende, et relever des juridictions interrégionales spécialisées habituellement compétentes pour le terrorisme, le trafic de stupéfiants ou la criminalité organisée.

 

Amélioration du partage d'informations (Articles 1, 3 et 9)

  • Coopération entre enquêtes judiciaires et contrôles fiscaux - Art. 1

Les agents des douanes et des services fiscaux menant des enquêtes judiciaires pourront désormais, sur autorisation du procureur, communiquer aux services de contrôle fiscal toutes informations et documents recueillis.

 

  • Traçabilité des activités occultes - Art.3

L'administration fiscale pourra transmettre au registre national des entreprises les informations sur les personnes exerçant une activité occulte (non déclarée) et justifier la radiation des personnes ne respectant pas leurs obligations de déclaration de TVA. 

 

  • Assouplissement des échanges avec l'Autorité des marchés financiers - Art. 9

La communication d'informations entre l'AMF et les autorités judiciaires est facilitée. Auparavant, l'avis du juge d'instruction était requis systématiquement ; désormais, il n'est nécessaire qu'en cas d'information judiciaire ouverte.

 

Lutte contre les revenus dissimulés (Articles 14 et 15)

  • Taxation renforcée des revenus de plateformes - Art. 14

Les revenus présumés issus d'activités illicites soumis à l'impôt sur le revenu en application de l'article 1649 quater-0 B bis du CGI (trafic de stupéfiants, fausse monnaie...) seront désormais soumis à un taux de contribution sociale de 25% .

 

  • Extension des obligations anti-blanchiment - Art. 15

Les commerçants de biens de luxe (horlogerie, bijouterie, joaillerie, orfèvrerie) devront appliquer les règles de lutte contre le blanchiment dès lors que la transaction dépasse 10 000 € (au lieu d'un seuil potentiellement plus élevé). Les autres commerçants acceptant des paiements en espèces ou en monnaie électronique au-delà d'un certain seuil (à fixer par décret) seront également soumis à ces obligations. Cette mesure cible les circuits de dissimulation de revenus via des achats de biens de valeur.

 

Aggravation des sanctions pénales (Articles 18 et 19)

  • Escroquerie aggravée - Art. 18

Les escroqueries à la sécurité sociale ou à des organismes publics (article 313-2 5° du Code pénal) commises en bande organisée seront désormais punies de 15 ans de réclusion criminelle et 1 M€ d'amende.

Ces infractions relèveront de la compétence des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) et bénéficieront des techniques spéciales d'enquête (infiltrations, sonorisations, etc.).

 

  • Durcissement des sanctions pour fraude fiscale  - Art.19

Pour mémoire, l’article 113 de la LF pour 2024 a institué un délit qui a pour objectif de sanctionner les intermédiaires qui facilitent la fraude fiscale de leurs clients en mettant à leur disposition des schémas ou dispositifs fiscaux frauduleux. Sont ainsi notamment visés :

  • les intermédiaires qui proposent des schémas de fausse domiciliation fiscale à l’étranger, des montages visant à majorer indûment les charges ou éluder tout ou partie des recettes d’une entreprise, la confection de dossiers de crédits d’impôt fictif, ou encore des schémas de fraude à la défiscalisation outre-mer ;
  • les personnes qui créent, à titre individuel des comptes privés sur les réseaux sociaux incitant ouvertement leurs abonnés à bénéficier de restitutions d’impôt sur le revenu, en contrepartie d’une rémunération.

Ce délit, codifié à l’article 1744 du CGI, est un délit autonome du délit de fraude fiscale défini à l’article 1741 du CGI.

 

L'article 19 prévoit que les peines liées à ce délit sont durcies

 

Pour la fraude simple

  • Passage de 3 à 5 ans d'emprisonnement
  • Amende portée de 250 000 € à 500 000 €

Pour la fraude aggravée :

  • Passage de 5 à 7 ans d'emprisonnement
  • Amende portée de 500 000 € à 3 millions d'euros

 

Obligations déclaratives relatives aux trusts (Article 20)

  • Renforcement des obligations déclaratives (Trusts) - Art. 20

L'article 792-0 bis du CGI, issu de l'article 14 de la première LFR pour 2011, définit le trust par l'ensemble des relations juridiques créées dans le droit d'un État autre que la France par une personne qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d'y placer des biens ou droits, sous le contrôle d'un administrateur, dans l'intérêt d'un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d'un objectif déterminé.

 

L'article 20 modifie deux dispositions du CGI relatives à la fiscalité des trusts.

    • Modification de l'article 792-0 bis qui régit les DMTG applicables aux trusts. Désormais, le paiement des droits de mutation par décès devra obligatoirement être accompagné d'une déclaration détaillée précisant l'identité des bénéficiaires et les éléments nécessaires à la liquidation des droits. Cette déclaration devra être conforme à un modèle établi par l'administration fiscale. Le texte précise également que les intérêts de retard ne s'appliquent qu'en cas de défaut "de paiement" (et non de simple insuffisance déclarative)
    • Modification de l'article 1729-0 A relatif aux sanctions. Cet article prévoit une amende de 20 000 € applicable à certains manquements relatifs aux trusts et aux structures assimilées. Actuellement, le c du I de cet article prévoit cette amende pour les manquements aux obligations déclaratives concernant les trusts, à l'exception de ceux "mentionnés aux 1° et 2° du III de l'article 990 J" (qui concernent les contrats d'assurance-vie démembrés ou en déshérence). Le projet de loi supprime les mots : "mentionnés aux 1° et 2° du III de l'article 990 J". Partant, l'amende de 20 000 € s'appliquera désormais sans exception à tous les manquements aux obligations déclaratives relatives aux trusts, y compris ceux impliquant des contrats d'assurance-vie.

 

Allongement des délais de contrôle (Article 23)

  • Extension du délai de reprise de l'administration fiscale - Art.23

L'article 23 modifie trois dispositions du LPF qui prévoient des délais de reprise dérogatoires au droit commun (normalement 3 ans) : Articles L188 A, L188 B et L188 C du LPF.

  • Les dispositions de l'article L. 188 A du LPF prévoient une prorogation du délai général de reprise d'une durée maximum de trois ans lorsque l'administration demande des renseignements à une autorité étrangère dans le cadre de l'assistance administrative internationale en matière fiscale.
  • Par ailleurs, en application de l'article L. 188 B du LPF, lorsque l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale dans les cas visés à l'article L. 228-II-1° à 5° du LPF, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due
  • Enfin, conformément aux dispositions de l'article L. 188 C du LPF, les omissions ou insuffisances d'impositions révélées par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de l'année suivant celle de la décision qui a clos la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. 

En pratique l'article 23 proroge d'un an le délai de reprise dérogatoire prévu par les dispositions des articles L. 188 A à L. 188 C du LPF. Cette mesure porte le délai total de 10 ans à 11 ans. Elle s'appliquera aux délais venant à expiration à compter de la publication de la loi.

 

Affaire à suivre...

Publié le mercredi 15 octobre 2025 par La rédaction

7 min de lecture

Avancement de lecture

0%

Partages :