Donation d’une somme d’argent avec réserve d’usufruit : point de vue de Sandrine Quilici sur l'amendement au PLF2024 adopté au Sénat

01/12/2023 Par Sandrine Quilici
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Dans le cadre d'un article publié le 26 novembre dernier, nous vous avions informé que lors de l'examen du PLF2024, les sénateurs ont adopté un amendement, avec un avis favorable du Gouvernement, visant à instituer un dispositif anti-abus en matière de droits de mutation à titre gratuit conduisant à la non-déductibilité, de l'actif successorale, de la dette de restitution portant sur une somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit.

 

Sandrine Quilici, directeur de l’ingénierie patrimoniale chez Norman K. est revenu sur cet amendement adopté avec l'aval du ministre du Budget et qui devrait être examiné en seconde lecture à l'assemblée nationale.

 

Le quasi-usufruit, c’est quoi ?

Lorsqu’un usufruit est constitué sur un bien dont l’utilisation entraîne nécessairement sa consommation, comme une somme d’argent, l’usufruitier peut s’en servir comme s’il en était le propriétaire. Le nu-propriétaire, de son côté, n’a pas de droit direct sur le bien. Il devient créancier de l’usufruitier à hauteur de la valeur du bien, ce dernier lui étant donc redevable d’une dette de restitution. En pratique, lors du décès de l’usufruiter, le nu-propriétaire pourra recevoir, en franchise d’impôt, des biens compris dans l’actif de la succession du défunt à hauteur de la valeur de sa créance.

 

Quelle utilisation ? 

S’il existe des situations dans lesquelles le quasi-usufruit se met en place de manière automatique (usufruit du conjoint survivant sur les comptes bancaires par exemple), cet usufruit particulier est très utilisé en ingénierie patrimoniale.

 

C’est notamment le cas en présence de donation de titres en démembrement de propriété juste avant leur cession. Selon les objectifs du donateur, on peut stipuler un quasi-usufruit sur le prix de cession des titres démembrés. Dans ce cadre, le donateur usufruitier récupère l’intégralité du prix de cession à charge de le réinvestir dans les actifs de son choix.

 

Autre utilisation, les clauses bénéficiaires des contrats d’assurance-vie. Afin d’assurer au conjoint survivant bénéficiaire en usufruit d’un contrat d’assurance toute latitude de gestion des sommes issues du contrat, on peut prévoir qu’elles lui soient versées en intégralité dans le cadre d’un quasi-usufruit.

 

On peut également retrouver le quasi-usufruit à l’occasion de distribution de réserves lorsque les titres de la société sont démembrés.

 

Enfin, la pratique a développé les donations de sommes d’argent avec réserve d’usufruit.

 

Un avis de comité de l’abus de droit favorable au contribuable

L’administration a pu voir dans cette dernière opération, un abus de droit. En effet, elle considère que la donation est fictive faute de dessaisissement du donateur. De son point de vue, cette opération n’aurait d’autre objet que de créer un passif successoral chez l’usufruitier.

 

Partant de ce constat, elle a décidé de saisir le comité de l’abus de droit dans une affaire où le donateur avait procédé à une donation de somme d’argent avec réserve d’usufruit. Le 11 mai dernier, le comité de l’abus de droit a validé l’opération dès lors que la somme d’argent est bien présente dans le patrimoine du donateur au moment de la transmission de la nu-propriété.

 

La sanction du législateur

Pour mettre un terme à ces pratiques, un amendement a été présenté devant le Sénat puis adopté avec avis favorable du Gouvernement. Aux termes de ce texte, il ne sera plus possible de déduire la dette de restitution de l’actif successoral de l’usufruitier, ce qui met un terme à l’intérêt de l’opération.

 

Par ailleurs, il est prévu que le nu-propriétaire soit imposé sur le montant de sa créance lors de l’extinction de l’usufruit. Il pourra néanmoins imputer les droits payés lors la transmission de la nue-propriété, étant précisé qu’il ne pourra y avoir de restitution de droits.

 

Quelles sont les situations visées ?

En réalité, à la lecture de l’amendement, seules les dettes de restitution constituées à l’occasion de la donation d’une somme d’argent avec réserve d’usufruit ne seront plus déductibles de l’actif successoral de l’usufruitier.

En effet, en visant uniquement « les dettes de restitution exigibles qui portent sur une somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit », sont notamment exclus du dispositif :

  •  l’usufruit du conjoint survivant pourtant sur des sommes d’argent (comptes bancaires en cash) ;
  • les quasi-usufruits mis en place dans les clauses bénéficiaires des contrats d’assurance-vie ;
  • en principe, les stipulations de quasi-usufruit sur les distributions de réserves.

Par ailleurs, l’amendement exclut expressément les dettes de restitution liées à des quasi-usufruits stipulés sur le prix de cession de biens démembrés à l’occasion d’une donation de la nue-propriété à condition de démontrer que l’opération n’a pas été mise en place dans un but principalement fiscal.

 

Une mise en œuvre compliquée

Il existe dans l’amendement des incohérences juridiques. Il est donc fort probable que son texte évolue au cours du processus de vote.  

 

A noter : il est censé s’appliquer aux successions ouvertes à compter de la date de promulgation de la loi de finances pour 2024 soit, en principe au plus tard le 31 décembre 2023.

Communiqué de Norman K - Sandrine Quilici directeur de l’ingénierie patrimoniale

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