Le “Picasso colombien”
Fernando Botero est né en 1932 à Medellín, une ville alors relativement isolée située dans une vallée de la cordillère des Andes en Colombie. Son père, commercial, décède subitement à l’âge de 40 ans laissant sa femme, couturière, et ses trois enfants sans ressources. Fernando Botero, alors âgé de quatre ans, est élevé par son oncle qui le destine à devenir torero. Peine perdue pour le jeune Fernando qui ne parvient pas à dompter sa peur de l’animal, arrête sa formation et se livre au dessin. La phobie du taureau sera exorcisée par la suite dans bon nombre de peintures dans lesquelles il reproduit des scènes de corridas.
A dix-neuf ans, il expose pour la première fois ses tableaux à Bogotá, où il s’installe en 1951. Après quelques expositions, sa carrière est lancée en 1958 lorsqu’il obtient le prix du Salon des artistes colombiens. L’argent gagné jusqu’alors lui permet d’entreprendre un voyage à travers l’Europe, notamment en Espagne, où il découvre avec ferveur le musée du Prado et en France, où il caricature la Mona Lisa de Léonard de Vinci au Louvre. En 1960, il s’installe à New York, y fait la connaissance de la conservatrice du MoMA qui achète sa parodie de La Joconde, Mona Lisa à l’âge de douze ans. L’œuvre, ensuite reproduite dans le New York Times, devient célèbre et propulse la carrière du peintre. En 1973, il s’installe à Paris où débute un travail sculptural devenu, au fil du temps, tout aussi incontournable que l’œuvre peinte.
“La dimension exaltée donne à l’objet une sensualité, une existence plus intense, une présence plus grande”. Botero
Fernando Botero, Nature morte à la mandoline, 1957
Le moment eurêka de Botero arrive en 1956 lorsque, peignant une Nature morte à la mandoline, il exagère pour la première fois et d’une façon extrêmement personnelle et contradictoire, le volume des formes. En conférant une rosace inhabituellement petite à la mandoline, celle-ci prend soudainement des proportions monumentales. Ce nouveau rapport disproportionné au volume sera exploré par l’artiste tout au long de sa vie.
La figuration ronde et fantaisiste, les personnages “volumétriques” (comme il les qualifie en rejetant le vocable de “gros”) souvent imprégnés d’une marque d’ironie, ont fait sa célébrité : dans son pays, on le surnomme le “Picasso colombien”; partout ailleurs, il s’impose comme le peintre latino-américain le plus reconnu et le plus coté.
Son œuvre paraît d’un accès simple et parle à tous mais Botero est un artiste faussement naïf : tout est très pensé dans son travail en constant dialogue avec l’histoire de l’art et organisé par grands thèmes (portraits, tauromachie, musique, etc.). Par ailleurs, Botero est un artiste politiquement engagé, qui n’hésite pas à dénoncer la violence des cartels de drogue colombiens et toutes les formes d’abus d’autorité dans ses œuvres. Il a conscience que l’art, à défaut de pouvoir transformer les choses, est un témoignage essentiel pour perpétuer la mémoire.
Evolution du résultat annuel de Fernando Botero aux enchères (copyright Artprice.com)
“Je peux dire que je suis l’un des peintres les mieux cotés du monde”
Aujourd’hui nonagénaire, Botero continue de travailler sans relâche et il est demandé sur un marché de l’art qui ne montre aucun signe de ralentissement. Bien au contraire puisqu’il signait, en 2022, une année record en termes de produit des ventes réalisées aux enchères et se classait, comme souvent, parmi les 100 artistes les plus performants du marché de l’art mondial.
En mars de l’année dernière, Christies lui offrait un nouveau record dans la catégorie “sculpture” lors d’une vente dédiée à l’art latino-américain : un record établi à 4,2m$ pour Man on a Horse (1999), l’édition 3/3 d’une pièce en bronze de près de trois mètres et demi de hauteur, que Sotheby’s avait précédemment vendue pour moins de deux millions en 2016 (1,8m$).
Botero apparaît comme l’un des rares artistes dont l’œuvre sculptée est tout aussi importante mais plus cotée que l’œuvre peinte. Le record obtenu pour une de ses toiles s’érige à 2m$ pour The Musicians (1979), soit deux fois moins que son récent sommet en trois dimensions. Mais le record pour une œuvre peinte commence à dater, remontant à une vente Christie’s de 2006. Aussi, il n’est pas impossible que le marché opère prochainement un rattrapage et augmente le prix maximum adjugé pour l’une de ses toiles…
Record en peinture : 2m$ pour The Musicians (1979), en 2006
Record en sculpture : 4,2m$ en 2022 pour Man on a Horse, contre 1,8m$ en 2016
Évolution du résultat annuel de Fernando Botero aux enchères (copyright Artprice.com)