Nouvelle décision sur l'articulation entre les intérêts de retard prévus par l'article 1727 du CGI et les intérêts moratoires prévus par l'article L. 209 du LPF. Le principe de non-cumul expressément posé par la loi s'applique dès lors que les cotisations ou fractions de cotisations ont été soumises à l'intérêt de retard, et ce même si la majoration pour manquement délibéré qui était initialement appliquée a fait l'objet d'un dégrèvement.
L'intérêt de retard constitue une indemnité due au Trésor public en raison du paiement tardif de l'impôt. Il s'agit d'une compensation financière qui n'a pas le caractère d'une sanction. Prévu à l'article 1727 du CGI, il s'applique de plein droit en cas de défaut ou d'insuffisance de déclaration, de retard dans le paiement de l'impôt ou encore en cas de rectification d'une erreur ou omission commise dans une déclaration.
Les intérêts moratoires, quant à eux, sont prévus par l'article L. 209 du LPF. Ils s'appliquent spécifiquement dans le cas où un contribuable a obtenu un sursis de paiement au moment de sa réclamation contentieuse et que celle-ci est rejetée totalement ou partiellement par le tribunal administratif. Ces intérêts visent à compenser le préjudice subi par le Trésor public en raison du retard de paiement occasionné par la procédure contentieuse.
Le premier alinéa de l'article L. 209 du LPF prévoit explicitement que
ces intérêts moratoires ne sont pas dus sur les cotisations ou fractions de cotisations d'impôts soumises à l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 du code général des impôts
Cette disposition établit donc clairement un principe de non-cumul entre ces deux types d'intérêts.
Rappel des faits :
M. C, contribuable résidant dans la métropole lilloise, s'est vu réclamer par le SIP, par une mise en demeure du 11 février 2021, une somme de 37 176,53 € correspondant au reliquat des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2005 et 2006, majorée des frais de poursuites et des intérêts moratoires.
Le même jour, deux saisies administratives à tiers détenteurs ont été notifiées à des établissements bancaires auprès desquels M. C détenait des comptes, pour un montant de 52 182,90 € correspondant aux mêmes impositions et contributions, ainsi qu'une somme de 14 571,65 € au titre des frais de poursuite.
M. C a formé une opposition à ces actes de poursuites le 19 mars 2021 auprès du DRFiP. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision d'admission partielle le 10 mai 2021, accordant une décharge de 3 979,34 €
Insatisfait de cette réponse, M.C a saisi le TA de Lille, qui a prononcé par jugement du 7 mars 2024 une décharge de l'obligation de payer à hauteur de 1 534 € correspondant à des frais de poursuites, rejetant le surplus des conclusions.
M. C a fait appel de ce jugement, estimant que la décharge aurait dû s'élever à 11 232,65 €, en raison notamment de l'impossibilité de cumuler intérêts de retard et intérêts moratoires.
M. C. fait valoir que le premier alinéa de l'article L. 209 du LPF fait obstacle à ce qu'une dette correspondant à des impositions majorées de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du CGI puisse donner lieu à l'application d'intérêts moratoires. Il soutient que cette position a déjà été adoptée par la cour dans un précédent arrêt devenu irrévocable. Par conséquent, il estime que la ventilation des sommes payées par lui, telle qu'elle figurait sur le bordereau de situation produit devant les premiers juges, a été prise en compte à tort par le tribunal administratif pour limiter à 1 534 € le montant de la décharge. Selon ses calculs, le montant des frais de poursuites demeurant à sa charge au titre des deux avis à tiers détenteurs s'élèverait à 14 571,65 € et non à 4 873 € après imputation des versements effectués, de sorte que la décharge prononcée aurait dû s'élever à 11 232,65 €.
La Cour administrative d'appel de Douai vient de faire droit à la demande de M. C.
La CAA de Douai rappelle d'abord les dispositions de l'article L. 209 du LPF et de l'article 1727 du CGI, en soulignant notamment que les intérêts moratoires ne sont pas dus à raison des cotisations ou fractions de cotisations soumises à l'intérêt de retard.
- La Cour constate que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales dont M. C. demeure redevable au titre des années 2005 et 2006 ont initialement été assorties de la majoration d'assiette de 40% prévue en cas de manquement délibéré par l'article 1729 du CGI. Si cette majoration a fait l'objet d'un dégrèvement suite à la contestation introduite par M. C, cette circonstance est demeurée sans incidence sur l'intérêt de retard appliqué à ces impositions et contributions.
- La Cour souligne que l'intérêt de retard a été calculé conformément à l'article 1727-IV-4 du CGI, c'est-à-dire que son décompte a été arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification, et qu'il est demeuré à la charge de M. C. après le dégrèvement de la majoration.
Dès lors, la Cour considère que les sommes dues par M. C. au titre de ces impositions et contributions doivent être regardées comme ayant été soumises à l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 du CGI. En conséquence, ces sommes n'ont pu légalement être assorties de l'intérêt moratoire prévu par l'article L. 209 du LPF.
La Cour en conclut que M. C peut prétendre à la décharge de l'obligation de payer les intérêts moratoires demeurant à sa charge.