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La conservation du paiement de la prestation par le client défaillant qui n'a pas annulé sa réservation dans les délais est soumise à TVA

Pour la juridiction administrative, la conservation par un hôtelier du paiement de la prestation par le client défaillant qui n'a pas annulé sa réservation dans les délais doit être regardée comme constituant la contrepartie effective d'un service individualisable, fourni dans le cadre d'un rapport juridique où des prestations réciproques sont échangées. Par suite, elle entre dans le champ de la TVA

 

Pour mémoire, les arrhes sont une somme versée d'avance pour l'achat d'une marchandise ou d'une prestation de services. Si elles  n'obligent pas le consommateur à acheter, elles sont perdues si le consommateur annule son achat. A la différence des acomptes, qui représentent un paiement partiel anticipé du prix du service et donnent lieu à remboursement dans l'hypothèse où la prestation n'est pas exécutée, les arrhes, dont le versement a pour objet d'offrir au client une faculté de dédit, sont sans lien direct avec une prestation de services rendue à titre onéreux (Arrêt de la CAA de Paris du 25 mars 2009 n° 05P03829)

 

La CJUE a jugé en 2007 que les sommes versées à titre d’arrhes, dans le cadre de contrats portant sur des prestations de service hôtelier assujetties à la TVA, doivent être regardées, lorsque le client fait usage de la faculté de dédit qui lui est ouverte et que ces sommes sont conservées par l’exploitant d’un établissement hôtelier, comme des indemnités forfaitaires de résiliation versées en réparation du préjudice subi à la suite de la défaillance du client, sans lien direct avec un quelconque service rendu à titre onéreux et, en tant que telles, non soumises à cette taxe.  (Arrêt de la CJCE du 18 juillet 2007 Affaire C-277/05 - Société thermale d'Eugénie-les-Bains et dans le même sens : arrêt du Conseil d'Etat  du 30 novembre 2007 n° 263653)

 

Précisons que  dans le cadre d'une mise à jour de la base BOFIP-Impôts en date du 11 mai dernier, l'administration a soumis à consultation publique jusqu'au 31 juillet prochain des commentaires tirant conséquences de cette jurisprudence communautaire et par lesquels elle souligne qu'il est admis que ne soient pas incluses dans la base d'imposition à la TVA  les arrhes versées en application de l'article 1590 du Code civil :

Une somme ayant pour seul objet de réparer un préjudice n'est pas soumise à la TVA. A cet égard, le juge du droit de l'Union européenne (CJCE, arrêt du 18 juillet 2007, aff. C-277/05, Société thermale d'Eugénie-les-Bains,) considère que, lorsqu'elles sont conservées par le prestataire auxquelles elles ont été versées, les arrhes au sens de l'article 1590 du code civil ont la nature d'indemnités forfaitaires de résiliation versées en réparation du préjudice subi à la suite de la défaillance du client et ne sont donc pas, comme telles, soumises à la TVA.

Remarque : Cette jurisprudence porte sur des sommes conservées par l'assujetti qui peuvent s'analyser comme la réparation d'un préjudice. Tel n'est notamment pas le cas lorsqu'elles sont égales au prix à payer au titre de la prestation ou qu'elles sont perçues en l'absence d'un tel préjudice (CJUE, arrêt du 23 décembre 2015, C-250/14 et C-289/14, Air France-KLM, ECLI:EU:C:2015:841, point 48 à 50). 

 

 

Dans la présente affaire se posait la question de l'assujettissement à la TVA des sommes conservées par l'hôtelier non suite à l'usage par le client de sa faculté de dédit mais, suite à la défaillance de ce dernier qui n'a pas annulé sa réservation dans les délais.

 

Rappel des faits :

 

La société HPST qui exploite un hôtel à Saint-Tropez, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des rappels de TVA du fait de l'assujettissement à cette taxe du prix payé d'avance par ses clients défaillants. La société conteste la soumission à la TVA de ces sommes conservées par l'établissement hôtelier lorsque le client ne se présente pas, sans l'avoir informé de sa défection estimant qu'elles ne sont la contrepartie d'aucune prestation distincte de la prestation d'hébergement et qu'elles elles doivent être regardées comme des arrhes au sens de l'article 1590 du code civil, en application de la jurisprudence communautaire précitée. Enfin, la société prétend que ces sommes présentent un lien avec le préjudice subi par l'hôtelier du fait du désistement du client.

 

L'administration n'ayant pas fait droit à sa demande la société a saisi la juridiction administrative. Le tribunal administratif de Paris ayant a rejeté sa demande en décharge (Jugement n° 1815529 du 23 juin 2020) la société a fait appel de la décision.

 

La Cour vient de rejeter la demande en décharge de ladite société

 

La Cour fait valoir :

  • que la société ne peut valablement tirer argument de l'usage du terme d'arrhes dans ses lettres de confirmation à ses clients, et dans les écritures de l'administration.
  • qu'au regard de la jurisprudence communautaire (CJUE arrêt du  23 décembre 2015 Air France-KLM et Hop! -Brit Air SAS), le paiement d'une prestation qui n'est finalement pas consommée, ne saurait s'apparenter à la réparation d'un préjudice, lorsque le prestataire est en mesure de louer à un tiers la chambre réservée par le client défaillant. et la conservation par la requérante de l'intégralité de ce paiement fait obstacle à ce qu'il soit regardé comme un dédommagement partiel et forfaitaire en cas de défaillance du client après le terme imparti pour se dédire.

 

Ainsi la conservation du paiement de la prestation en cas de client défaillant ne peut être assimilée à des arrhes, au sens des dispositions des articles 1590 du code civil et L. 214-1 du code de la consommation. Dès lors qu'elle est fixée directement en fonction des caractéristiques de la chambre choisie et de la durée de la réservation, la somme payée et conservée participe de l'équilibre économique du contrat conclu entre les parties lors de la réservation effectuée par le client. Il s'ensuit qu'elle rémunère la prestation de services constituée par le droit qu'en a tiré le client de bénéficier de la chambre qu'il a réservée, indépendamment de la mise en oeuvre de ce droit, l'exploitant ayant réalisé la prestation en mettant le client en mesure de bénéficier de cette chambre et n'ayant pas, du seul fait de la non-présentation du client, subi de préjudice par rapport à la situation qui serait la sienne en cas de location effective de la chambre. En particulier, les éventuelles prestations accessoires à la réservation de la chambre, non réalisées, sont à mettre en rapport avec les moindres frais résultant de l'absence d'utilisation de la chambre.

 

Pour la Cour les sommes ainsi perçues par la société société HPST doivent être regardée comme constituant la contrepartie effective d'un service individualisable, fourni dans le cadre d'un rapport juridique où des prestations réciproques sont échangées. Par suite, elle entre dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée.

 

Publié le mercredi 15 juin 2022 par La rédaction

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