Centenaire du Surréalisme : les collectionneurs s’enflamment

26/11/2024 Par Artprice
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Le centenaire du Manifeste du surréalisme d’André Breton a fait de 2024 une année phare pour ce mouvement révolutionnaire. Comment ce grand anniversaire a-t-il impacté la cote des surréalistes ?

 

Rarement un mouvement artistique aura autant fasciné. Cette année, le Surréalisme s’affirme comme le phénomène incontournable, enchaînant les hommages spectaculaires pour son centenaire. Le Centre Pompidou lui consacre une rétrospective magistrale, tandis que les salles de ventes s’illuminent de chefs-d’œuvre iconiques. Une toile envoûtante de Leonora Carrington a marqué le printemps et René Magritte a frappé fort cet automne, avec une œuvre qualifiée par Christie’s de “plus importante œuvre surréaliste jamais proposée aux enchères”, emportée pour la somme astronomique de 121 millions de dollars.

 

En dehors des figures titanesques du mouvement, l’effet anniversaire a-t-il suffi à mettre en lumière d’autres artistes surréalistes malgré un marché morose avant les élections américaines ? L’emballement pour les titans du marché profitera-t-il aux autres artistes du mouvement ?

 

Le centenaire du Surréalisme a-t-il été une fête pour le marché de l’art ?

Ces dernières années, le marché de l’art s’enflamme pour les grands surréalistes : reventes fructueuses pour DALI, sommet à plus de 12m$ pour MAN RAY il y a deux ans et série de records pour MAGRITTE… Ce contexte propice a inspiré les maisons de ventes, qui ont saisi l’opportunité du centenaire pour hisser le Surréalisme sous les feux de la rampe.

Christie’s et Sotheby’s ont ouvert le bal avec leurs rendez-vous traditionnels dédiés au mouvement. En mars, “The Art of the Surreal” à Londres a culminé à 75m$, tandis qu’en octobre, Paris a brillé avec “Surrealism and its Legacy” récoltant 24,4 millions.

Mais l’originalité de cette année réside dans les collections privées venues étoffer les ventes parisiennes. En avril, Christie’s a dispersé la collection Marion Meyer, entièrement dédiée à Man Ray, pour un total de 5m$ pulvérisant l’estimation initiale. En juin, Piasa a offert la collection Geneviève et Jean-Paul Kahn, où Les Trois Garces de Dorothea Tanning ont décroché 706 000$ et Other Answers de Kay Sage s’est arrachée à 1,1m$. Des résultats tenant respectivement les 4e et 3e meilleurs pour ces artistes.

Enfin, en septembre, Christie’s a clôturé en beauté avec la collection Paul et Jacqueline Duchein. Avec un taux de vente exceptionnel de 96 % et 58 % des lots surpassant leurs estimations hautes, cette vente a une fois de plus illustré l’attrait indéfectible pour le Surréalisme.

 

Les titans se portent bien : l’exemple de Magritte et de Dali

Si les ventes parisiennes ont bien alimenté le marché, c’est bien à New York que le véritable Graal de l’année a été proposé. Le 19 novembre, une version inédite de L’Empire des lumières (1954) de René Magritte a été mise aux enchères par Christie’s, annoncée en grande pompe comme la “plus importante œuvre surréaliste jamais proposée aux enchères.”

Le succès de la vente du tableau était déjà assuré par la garantie d’un tiers, estimée à 95m$. Cela signifie que quelqu’un s’était engagé à acheter le tableau pour 95m$ avant la vente, sachant qu’il recevrait un pourcentage non divulgué de la plus-value si les enchères dépassaient cette somme.

L’œuvre a pulvérisé les attentes en se vendant à plus de 121 millions, un montant inespéré cette année. Ce résultat propulse Magritte au sommet des artistes les plus chers de l’année, devançant des figures habituelles comme Basquiat, Picasso et Warhol. Surtout, il redonne un coup de fouet à un marché premium en difficulté depuis 2023, après l’euphorie record observée en 2022, dans le sillage de la sortie de pandémie.

 

Autre titan incontournable du mouvement, Salvador Dalí bénéficie de l’effet anniversaire avec plus 2 700 transactions, majoritairement pour ses estampes. Un volume record qui dynamise particulièrement les salles américaines, françaises, suisses et britanniques.

 

Record de transactions pour Salvador Dali cette année (©artprice.com)

Record de transactions pour Salvador Dali cette année (copyright artprice.com)

 

Trois surréalistes plus discrets montent en puissance

Tous les surréalistes n’ont pas la renommée de René Magritte ou de Frida Kahlo, mais l’anniversaire du mouvement a permis de braquer les projecteurs sur des figures plus discrètes.

Parmi elles, Fred DEUX, artiste d’une intensité rare, totalement absorbé par le dessin. Son œuvre reste accessible, avec un record personnel atteint à 28 000$ en juin dernier chez Artcurial pour son quadriptyque Les âges de la vie (1984-1985). Ce montant, quatre fois supérieur à son estimation haute, marque une belle reconnaissance pour cet artiste exigeant.

Lire : Fred Deux, l’exigence du dessin (2015)

Autre surprise : Kurt SELIGMANN, ami d’Alberto Giacometti et voisin de Salvador Dalí à Paris, dont la toile Game of Chance No.2 (1949) a été adjugée à 621 700$, dix fois son estimation initiale. En seulement vingt ans, cette œuvre a vu son prix exploser donatide +677%, un véritable signe du renouveau d’intérêt pour ce surréaliste énigmatique.

Enfin, l’Italien Enrico DONATI, dernier à rejoindre le mouvement en 1942, a fait sensation avec La Medusa volante (1944). Cette œuvre, peut-être baptisée ainsi par André Breton, a vu son prix grimper de 139 800$ chez Christie’s en 2018 à 456 400$ chez Sotheby’s en octobre dernier, une hausse spectaculaire de 226% en six ans.

 

Ces records et revalorisations confirment que 2024 fut une année clé pour les ventes surréalistes. Dans une année marquée par les turbulences, le surréalisme s’est imposé comme la valeur refuge incontournable. Boosté par le centenaire de son manifeste, il a insufflé une nouvelle énergie à un segment premium en perte de vitesse. Au-delà des enchères multimillionnaires, cet anniversaire a aussi remis en lumière des talents plus confidentiels, dont certains restent étonnamment accessibles.

Et ce n’est pas tout ! En mai, Leonora Carrington a marqué les esprits avec un record fracassant de 28,5m$ pour Les Distractions de Dagobert (1945). Dans son sillage, plusieurs femmes surréalistes, comme Jane Graverol, ont captivé les collectionneurs et décroché de nouveaux sommets. Rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir quelles artistes ont créé la surprise.

Communiqué d'Artprice