Après la traditionnelle coupure estivale, la reprise d’activité du Marché de l’Art commence en Asie avec l’ouverture imminente de la Frieze et de la Kiaf à Séoul. L’occasion de brosser un état des lieux sur le marché local des œuvres d’art aux enchères, qui joue aux montagnes russes.
La Kiaf Séoul, la plus grande et la plus ancienne foire d’art de Corée du Sud, ouvre le 6 septembre conjointement avec la très internationale Frieze, qui ouvre sa deuxième édition dans la capitale sud-coréenne. Cette collaboration entre les deux foires vise à mettre en avant Séoul en tant que plaque tournante mondiale de l’art. Les organisateurs des deux salons ont en effet mis en application l’an dernier un accord de co-hébergement, tout en maintenant une politique d’exploitation indépendante et leur nom respectif pour conserver leurs identités uniques.
L’ouverture prochaine de la Frieze à Séoul met l’accent sur la création internationale de l’antiquité jusqu’au 20e siècle à travers le volet Frieze Masters. La sélection, large et pointue, navigue de Paul Cézanne à Lucian Freud, de Henri Matisse à Helen Frankenthaler, de Jim Dine à David Hockney, parmi les quelques signatures les plus célèbres proposées par les exposants. Plusieurs artistes coréens majeurs sont également à découvrir, parmi lesquels Lee Joon (1919-2021), pionnier de l’abstraction géométrique coréenne ou Ryu Kyung-Chai (1920-1995) dans un style abstrait souvent plus lyrique. Une section Focus Asia donne par ailleurs une espace conséquent aux solo-shows de jeunes galeries basées en Asie.
Parallèlement au fort contingent de galeries basées en Corée et Asie, les galeries internationales sélectionnent, dans la mesure du possible, des œuvres des artistes coréens qu’ils défendent pour répondre à la demande locale. La Pace Gallery propose par exemple des œuvres de Lee Kun-Yong aux côtés de celles de Lawrence Weiner, lorsque la sélection de Lehmann Maupin met l’accent sur Lee Bul, Do Ho Suh et Sung Neung Kyung.
Que la Frieze souhaite étendre son marché à l’Asie à l’heure actuelle n’est pas un hasard. La foire suit le mouvement initié par plusieurs galeries internationales récemment implantées à Séoul, portée par un boom du marché de l’art dont rendait compte Artprice dans son Rapport sur la marché de l’art contemporain 2021/2022.
Retour au calme après le boom du Marché de l’Art
Ces deux dernières années, la Corée du sud a étonné par la vitalité extraordinaire de son marché de l’art porté par l’une des croissances les plus explosives du monde. Ses performances annuelles passaient de 57m$ à 237m$ entre 2021 et 2022, soit une progression de +310% pour le produit des ventes et +150% pour le nombre d’œuvres vendues. L’inflation substantielle des résultats au cours des années 2021 et 2022 a notamment été portée par les œuvres d’art de jeunes artistes émergents, la création contemporaine étant particulièrement prisée par de jeunes collectionneurs locaux. Cette année, comme sur la plupart des grandes places de marché, l’élan se calme car les collectionneurs resserrent leur budget, certainement en raison du ralentissement économique en cours.
Pendant le premier semestre 2023, le montant total enregistré par les maisons de ventes aux enchères sud-coréennes pour le Fine Art s’élève à 43m$, ce qui constitue une baisse de -58% en comparaison avec l’exercice précédent. La Corée du Sud se tient aujourd’hui au onzième rang mondial parmi les pays les plus performants aux enchères, contre le septième rang mondial et ses 101 millions de dollars obtenus au premier semestre 2022.
Evolution du produit des ventes aux enchères d’oeuvres d’art en Corée du Sud (copyright Artprice.com)
Les oeuvres des trois artistes ayant obtenus des adjudications millionnaires à Séoul au cours du premier semestre – Yayoi KUSAMA, Whan-Ki KIM et Ufan LEE – sont soit restées sagement dans leurs fourchettes d’estimations, soit se sont vendues en-dessous de l’estimation basse annoncée, prouvant que le moment n’est plus à la surenchère mais à l’achat prudent.
Les oeuvres millionnaires vendues à Séoul au S1 2023 :
Yayoi KUSAMA à deux reprises
Infinity-Nets Green (TTZO) (2005) : 1 927 500 $
Estimation: 2 313 000 $ – 3 855 000 $. 28/03/2023, Seoul Auction
Watermelon (1989) : 1 187 368 $
Estimation: 705 600 $ – 1 254 400 $. 26/07/2023, K-Auction
North West 30-VIII-65 (1965) : 1 413 728 $
Estimation: 1 213 500 $ – 3 236 000 $. 18/01/2023, K-Auction
Correspondance (2000) : 1 160 107 $
Estimation: 995 800 $ – 1 378 800 $. 29/03/2023, K-Auction
Concernant la jeune génération d’artistes, la faveur des collectionneurs coréens va, comme l’an dernier, à MR DOODLE et AOKIZY, c’est-à-dire à une esthétique en lien avec la bande dessinée.
Top 3 adjudications en Corée du Sud pour des artistes de moins de 40 ans au S1 2023:
MLT Live (2019) : 236 500$
28 mars 2023, Seoul Auction
Mimic (2019) :80 300 $
29 mars 2023, K-Auction
Deadlock (2020) : 70 300$
31 mai 2023, K-Auction
Le dernier rapport Artmarket by Artprice pour les ventes aux enchères d’art contemporain en Corée du Sud faisait état d’un résultat de 65,5m$ entre le 1er juillet 2021 et le 30 juin 2022. Le pays se hissait alors au cinquième rang pour le commerce d’œuvres contemporaines aux enchères, après la France et devant le Japon, c’est-à-dire qu’elle se hissait comme l’une des nouvelles capitales de l’art contemporain à l’échelle globale. Mais cette année, le résultat est largement divisé par trois, plafonnant à 21m$ entre le 1er juillet 2022 et le 30 juin 2023 : ce chiffre d’affaires en baisse de -68% constitue le ralentissement le plus sérieux du monde après le marché Russe, en chute de -75%…
Kiaf Séoul, du 6 au 10 septembre 2023 (22e édition) :
210 galeries de 20 pays dont plus de 65% basées en Asie.
Frieze Séoul, du 6 au 9 septembre 2023 (2e édition) :
environ 120 galeries de 30 pays dont plus de 40% basées en Asie.