La céramique sur le marché de l’art contemporain

14/04/2023 Par La rédaction
5 min de lecture

Les artistes qui produisent des œuvres d’art en céramique – que ce soit comme activité principale ou en marge d’autres médiums – sont plus nombreux qu’on ne le pense. En effet, les barrières de cette pratique sont repoussées de plus en plus loin. Historiquement associée au grand art de la statuaire, puis reléguée dans la catégorie “artisanat d’art” (du moins en Occident), la céramique comme médium d’art renaît sous les mains des Modernes (comme Picasso à Vallauris et Fernand Léger à Biot) et les artistes contemporains. Aujourd’hui, les collectionneurs et les professionnels du marché de l’art sont de plus en plus sensibilisés aux techniques de la céramique grâce à diverses publications axées sur la création contemporaine, et toutes sortes de biennales et d’expositions qui mettent en lumière l’une des pratiques culturelles les plus anciennes et les plus anciennes remontant aux idoles préhistoriques.

 

Il y a un peu plus d’un an, le Musée d’art moderne de la Ville de Paris retraçait l’histoire créative de la céramique du néolithique jusqu’à nos jours, à travers l’exposition Les Flammes. L’âge de la céramique (fin 2021-début 2022), qui invitait notamment les visiteurs à repenser les catégories existantes et les hiérarchies traditionnelles. Aujourd’hui, un autre évènement important se prépare, cette fois à Bruxelles : la première édition de la foire Ceramic brussels aura lieu en parallèle de la BRAFA, du 25 au 28 janvier 2024 à Tour & Taxis. Le choix de l’invité d’honneur, Johan Creten, donne le ton : il s’agit de décomplexer enfin notre rapport à la céramique dans la création contemporaine et d’en découvrir la richesse des applications actuelles.

 

Une catégorie incontournable mais marginale sur le marché

La liste des artistes du 20e siècle ayant travaillé la céramique est bien plus vaste qu’on ne l’imagine. On retient évidemment Pablo PICASSO – à qui l’on doit la sculpture-céramique occidentale la plus coûteuse des enchères, avec 2,4 millions de dollars pour un hibou gris de 1953 – et les célèbres céramiques murales de Fernand Léger. Mais il y eut aussi Paul Gauguin, Raoul Dufy, Édouard Vuillard, Georges Rouault, Salvador Dali, et encore Marcel Duchamp, Meret Oppenheim puis Roy Lichtenstein, Lucio Fontana et Michel Barcelo. Tous ont réalisé des œuvres en céramique.

Pour la période contemporaine (artistes nés après 1945 selon la classification d’Artprice), les records d’enchères n’ont pas été renouvelés depuis une dizaine d’années, ce qui représente une éternité pour le marché de l’art contemporain. Les seuls artistes à avoir dépassé le seuil des 500 000$ sont Juan MUÑOZ et AI Weiwei, dont les records dans cette catégorie remontent respectivement à 2011 pour le premier, et 2014 pour le deuxième. Cette décennie sans nouvel éclat aux enchères illustre certainement une demande timorée, mais elle résulte surtout d’une offre peu satisfaisante, une offre qui s’est considérablement étiolée, étant donné que le nombre annuel de lots vendus a été divisé par deux et demi à l’échelle de la décennie. Au cours des dernières années, seule une centaine de céramiques signées par des artistes contemporains se sont vendues annuellement aux enchères, ce qui en fait une catégorie extrêmement marginale, plus marginale encore que les oeuvres contemporaines de la catégorie “textile/tapisserie”, dont le volume de transactions est six fois plus important. 

 

Les records d’adjudications de l’art contemporain en céramique

 

Aucune céramique de l’artiste belge Johan CRETEN, qui en a fait son médium fétiche, n’a été proposée aux enchères depuis 2014, bien que l’artiste soit demandé par des collectionneurs internationaux. Autre créateur phare de la même génération, l’américain Sterling RUBY a vendu sa dernière céramique aux enchères il y a 10 ans (31 000$ pour Ceramic – Yellow, Black, Orange). A cette époque, la demande pour ses œuvres était vive aux enchères, toutes techniques confondues, mais elle s’est essoufflée depuis. Le britannique Grayson PERRY est plus souvent représenté en salle des ventes, mais il l’est rarement avec des pièces importantes. Ses céramiques récemment adjugées sont des pièces mineures valant entre 250 et 1 500$ seulement.

 

Le manque évident d’énergie sur le marché des enchères ne doit pas laisser penser que la production actuelle est au “point mort”. C’est même tout le contraire et plusieurs artistes (souvent âgés de moins de 50 ans) ravivent aujourd’hui la flamme de la céramique. Citons l’américain Roberto LUGO, dont les oeuvres s’échangent entre 1 500$ et 5 000$ aux Etats-Unis; l’ukrainienne Zhana KADYROVA (représentée par la galerie Continua) qui est accessible pour moins de 10 000$ aux enchères; le formidable céramiste japonais Takuro KUWATA, dont les créations s’échangent pour moins de 1 500$; les grès saisissants en formes tournées imbriquées du britannique Matthew CHAMBERS, accessibles pour moins de 4 000$ en salles des ventes; l’américain engagé Theaster GATES qui fait beaucoup parler de lui et dont les céramiques sont espérées aux enchères, ou encore l’artiste africain Simphiwe MBUNYUZA qui, malgré plusieurs expositions par des  par des galeries internationales est encore au point mort sur le marché des enchères. 

 

Ces artistes issus d’horizons variés démontrant l’ampleur des valeurs culturelles et les multiples possibilités plastiques d’une céramique résolument contemporaine, destinée à émerger sur le second marché.

Communiqué d'Artprice