Le 6 juin, Christie’s a mis aux enchères des œuvres issues de la prestigieuse collection d’art du groupe Renault : 33 lots d’artistes renommés tels que Victor Vasarely, Jean Dubuffet, Robert Rauschenberg, Sam Francis, Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely, Jean Fautrier, Tapiès, Pierre Alechinsky, Miró, Calder, Jesús Rafael Soto et Julio Le Parc, ainsi que trente dessins d’Henri Michaux présentés séparément le 7 juin.
Initialement estimée entre 4,5 et 6,5 millions d’euros, la vente a explosé toutes les attentes, atteignant 10,7 millions d’euros, soit plus du double de l’estimation basse. Les bénéfices permettront à Renault de créer un nouveau fonds de dotation pour l’art, la culture et le patrimoine, de sauvegarder et restaurer les œuvres restantes, de les exposer à nouveau et d’acquérir de nouvelles œuvres, notamment du street art. Renault entend ainsi insuffler un nouvel élan à son héritage artistique.
Derrière son succès, cette vente a provoqué une vive polémique. Bien que Renault conserve 90% de sa collection et que cette dispersion s’inspire du modèle américain de régénération du patrimoine, de nombreux artistes, ayants droit et politiciens ont exprimé leur indignation par des lettres et des pétitions. Ils ont rappelé que ces œuvres étaient initialement destinées au personnel de Renault et au grand public via des expositions. Delphine Renard, fille du fondateur du “Service de recherches, art et industrie de la Régie Renault”, a même sollicité l’intervention de la ministre de la Culture, Rachida Dati, arguant que “les contrats avec les artistes stipulaient que leurs œuvres ne devaient faire l’objet d’aucune opération publicitaire ou commerciale”. Malgré ces protestations, les œuvres ont été dispersées, suscitant un enthousiasme débordant et des prix bien supérieurs aux prévisions.
Trois oeuvres importantes de Jean Dubuffet ont dépassé le million lors de cette vente.
L’un des moments forts de cette vente a été la mise aux enchères de “Scène à l’invalide” de Jean DUBUFFET, théoricien de l’art brut, qui a atteint 403 200€ (438 700$), bien au-delà de l’estimation haute de 120 000€. D’autres œuvres majeures de Dubuffet ont suivi, dont trois ont dépassé le million d’euros. Ces résultats exceptionnels témoignent de la qualité des œuvres de Dubuffet dans la collection Renault, mais aussi de l’histoire mouvementée entre l’artiste et l’entreprise.
Au début des années 1970, Renault avait commandé à Dubuffet un parc de structures monumentales pour le parvis de son usine à Boulogne-Billancourt. Ce projet ambitieux, destiné à offrir un espace de détente aux ouvriers, n’a pas abouti, officiellement pour des raisons techniques. Renault a envisagé de détruire l’œuvre inachevée, ce à quoi Dubuffet s’est farouchement opposé. Après un marathon judiciaire de près d’une décennie, – référé, jugement, appel, cassation, renvoi, cassation à nouveau – Dubuffet obtient finalement que son œuvre soit terminée en 1983 mais il préfère tout arrêter, refusant que la Régie Renault soit gratifiée de ce Salon d’été.
Répartition géographique du produit des ventes aux enchères de Niki de Saint Phalle depuis le début de l’année 2024 (copyright Artprice.com)
The White Goddess intègre le Top 10 des adjudications françaises de Niki de Saint Phalle.
Les collectionneurs ont également rivalisé d’enchères pour “The White Goddess / La femme brune” (1963-1964) de Niki DE SAINT-PHALLE, une grande mariée composée de petits objets manufacturés, proposée entre 100 000 et 150 000€, et adjugée à 567 000€ (617 000$). Les œuvres de Sam FRANCIS et Robert RAUSCHENBERG, qui illustrent l’importance de l’art contemporain américain dans la collection Renault, ont également largement surpassé les attentes, atteignant respectivement 529 000€ (575 790$) et 831 000€ (904 800$), les meilleures adjudications obtenues en France cette année pour ces deux géants de l’art américain.
Renault, malgré la controverse, a réussi à faire vibrer le monde de l’art avec cette vente exceptionnelle, soulignant la valeur inestimable de son patrimoine artistique et son ambition de le renouveler et de l’enrichir pour les générations futures.