La Cour des comptes vient de publier un rapport détaillé sur les taxes à faible rendement en France, définies comme des prélèvements obligatoires sans contrepartie dont le rendement annuel est inférieur à 175 M€. Cette étude, qui s'inscrit dans la continuité d'un précédent référé de 2018 et d'un rapport de l'Inspection générale des finances de 2014, répond à une demande d'initiative citoyenne concernant "le nombre et le rendement d'impôts, taxes et divers prélèvements obligatoires".
Le rapport dresse un état des lieux précis : en 2024, la France compte 243 taxes à faible rendement (contre 305 en 2019), générant environ 5,98 milliards d'euros de recettes fiscales. Ce montant, bien que conséquent, ne représente qu'une fraction des 1 250 milliards d'euros de prélèvements obligatoires totaux (43,6% du PIB). À noter que l'essentiel du produit provient d'une quarantaine de dispositifs représentant chacun plus de 50 millions d'euros par an.
L'analyse statistique révèle plusieurs caractéristiques importantes de ces taxes :
- Elles visent principalement un rendement budgétaire et touchent davantage les entreprises que les particuliers (dans un rapport presque de deux pour un).
- Elles sont majoritairement assises sur la production et la consommation plutôt que sur les revenus.
- Si elles sont principalement collectées par les services de l'État, elles financent un large éventail d'affectataires, avec moins d'un quart de ces taxes et seulement 13% de leur produit qui bénéficient au budget général de l'État.
La Cour souligne que ces taxes dépassent largement leur champ d'application théorique (correction de défaillances de marché, incitation ou désincitation comportementale) pour devenir un instrument politique prisé permettant de compenser un service rendu, d'octroyer des ressources à des affectataires spécifiques ou de contourner la norme budgétaire. Cette prolifération n'est pas sans conséquences : elle complexifie l'environnement juridique et fiscal, impose des coûts difficiles à chiffrer aux collecteurs et affaiblit la lisibilité de la norme fiscale.
Face à ces constats, les pouvoirs publics ont engagé en 2018 un plan de réduction du nombre de ces taxes, mis en œuvre chaque année lors des conférences fiscales. Ce plan a conduit à la suppression de 74 taxes entre 2019 et 2024, mais cette dynamique s'est nettement ralentie depuis 2022. Par ailleurs, sa portée est diminuée par la création de 12 nouvelles taxes pérennes sur la même période.
Pour relancer cette rationalisation, la Cour des comptes propose trois scénarios cumulatifs d'ambition croissante :
- Le premier scénario, à mettre en œuvre dès le projet de loi de finances pour 2026, vise 44 taxes identifiées comme fragiles ou problématiques, comme les taxes affectées aux centres techniques industriels, la taxe "prémix", la taxe applicable aux maisons de jeux ou la contribution annuelle sur les revenus locatifs.
- Le deuxième scénario propose de réexaminer d'ici 2027 la place des taxes à faible rendement dans quatre secteurs spécifiques (pharmacie/médicament, contrôle sanitaire des aliments, formation professionnelle et financement des services publics locaux), concernant 30 taxes supplémentaires.
- Le troisième scénario, plus systématique, pourrait être inscrit dans la prochaine loi de programmation des finances publiques. Il repose sur des principes comme la suppression des taxes additionnelles nécessitant un circuit de collecte spécifique, la rationalisation des taxes redondantes, le découplage entre les taxes à finalité budgétaire et leurs affectataires, et le plafonnement des taxes affectées à des tiers autres que l'État, la sécurité sociale et les collectivités territoriales. Ce scénario concernerait 99 taxes supplémentaires.
Au total, ces trois scénarios toucheraient 173 des 243 taxes identifiées, avec pour objectif de simplifier le paysage fiscal national sans perte significative de recettes.
En complément, la Cour formule des recommandations pour améliorer la transparence (inventaire complet dans la documentation budgétaire, création d'une plateforme d'information pour les contribuables locaux, codification harmonisée) et simplifier la gestion de ces taxes (période unique de déclaration et de collecte pour les entreprises, simplification des assiettes).
Ces propositions visent à relancer un chantier de rationalisation qui s'essouffle, tout en préservant les recettes publiques dans un contexte où les finances publiques françaises restent sous tension.