Le candidat Macron avait émis le souhait de créer un droit à l’erreur pour tous face aux administra-tions, notamment en matière fiscale. Le ministre Darmanin a promis récemment de mettre du concret derrière cette idée à laquelle il serait difficile de se refuser mais qui résistera sans doute à l’application par l’Administration.
Les objectifs tiennent au moins en deux propositions : créer le droit à l’erreur pour éviter de parler de la hausse de la pression fiscale (CSG notamment) et provoquer une réforme de la relation entre l’administration et les contribuables (le mot « assujettis » refléterait mieux la pensée).
De fait, pour l’instant, la communication du ministère des Finances se résume à « je n’ai rien à dire mais il faut que cela se sache ».
I. La relation entre l’Administration et le contribuable
La relation se voudrait apaisée avec la création du droit à l’erreur, élément susceptible de mettre en avant une relation de confiance entre les parties.
La théorie du droit à l’erreur n’est en fait que la résurgence d’un concept ancien qui a déjà pris plusieurs noms dans l’histoire récente de l’administration fiscale. On a pu l’appeler sous sa forme la plus ancienne « remise gracieuse de pénalités » et sous des appellations récentes : application mesurée.[1] de la loi fiscale, rescrit.[2], demande de contrôle.[3] par l’entreprise, installation de la relation de confiance.[4].
Toutes ces techniques inventées par le personnel politique et technocratique intéressent un faible nombre d’entreprises et pas nécessairement les plus petites où la gestion du quotidien fiscal est la plus prégnante. La portée de la saisine de l’interlocuteur départemental ou du conciliateur fiscal est par ailleurs souvent bien mince dans l’amélioration des relations entre l’administration et les administrés. La doctrine.[5] a eu l’occasion de rappeler que "le droit à l’erreur est une vieille lune".
Elles n’ont pas un impact fort auprès de la population des entreprises et des particuliers pour une raison bureaucratique. En effet, l’administration fiscale ne met pas sur la table des statistiques à leur sujet et surtout, ne semble pas apprécier le travail de ses vérificateurs à l’aune de ces éléments. La compétence des agents du fisc.[6] reste immuablement estimée par la hiérarchie à partir de la moyenne des redressements en montants ayant une finalité dissuasive, budgétaire ou répressive et le niveau des pénalités n’est pas neutre dans ce contexte. La relation de conseil et d’écoute n’est pas mise en valeur par les tableaux de bord. Même une relation comme la transaction entre le contribuable et l’administration n’est pas mise en relief alors que pourtant le fisc y gagne en trésorerie.
Passer de la sanction à l’accompagnement des contribuables serait un vrai plus mais la culture administrative s’est toujours refusée à considérer son activité comme le conseil au contribuable. Bien sûr un progrès a été réalisé avec la création de l’interlocuteur unique ou des centres d’appels téléphoniques mais leurs renseignements ne valent pas comme engagements de l’administration.
Pourtant les normes fiscales étant de plus en plus complexes et changeantes, il serait nécessaire d’introduire une réforme en ce sens ou de simplifier le code des impôts. M. Charasse avait un temps indiqué à la presse qu’il souhaitait que ses services ne mettent pas en recouvrement des redressements de faible montant mais cette pratique n’a jamais vraiment eu de succès car on continue à demander des statistiques de rendement aux agents des secteurs géographiques à faible potentiel fiscal. Une vraie réforme pourrait consister à ce que le premier contrôle fiscal d’une entreprise ne donne lieu à aucun redressement sauf comportement frauduleux avéré. Cela empêcherait par exemple que le fisc ne reprenne par le contrôle l’avantage que le contribuable avait pu considérer comme acquis (exonération entreprises nouvelles, crédit d’impôt recherche par exemple).
II. La protection du contribuable de bonne foi
La bonne foi se présume selon la Charte du contribuable et il appartient au fisc d’établir la preuve contraire. La mauvaise foi se déduit en conséquence du montant de l’impôt éludé, de la fréquence des erreurs, de leur nature et de l’activité même du contribuable qui selon ses qualités professionnelles ne peut ignorer les conséquences de son comportement.[7].
La politique du contrôle fiscal est en fait au centre du débat. De nombreux auteurs.[8] ont eu l’occasion de s’exprimer à ce sujet. De fait, il convient de différencier la sanction du retard dans le dépôt des déclarations, la sanction pour déclaration inexacte et les agissements frauduleux avérés. Quoiqu’il en soit, les sanctions les plus lourdes ne sont pas nécessairement dissuasives pour espérer devenir pédagogiques dans l’esprit du contribuable. En pratique, elles sont souvent employées comme moyen de pression sur le contribuable afin de l’inciter à payer les droits contre remise. Mieux vaudrait convenir avec le redevable d’un plan de règlement échelonné des droits sur la base d’une analyse financière juste permettant de calculer des échéances de paiement des redressements assurant la viabilité de l’entreprise malgré l’impact du redressement. Dans cette optique, seul l’intérêt de retard serait justifié, et à un taux en rapport avec le taux de crédit.[9] actuel. Le droit à l’erreur du contribuable de bonne foi est à ce prix.
Les grandes réformes fiscales réclament du temps et des discussions et si on se réfère par exemple à la loi Aicardi.[10], l’introduction du droit à l’erreur par ordonnance dans notre système fiscal sera sans doute un épiphénomène si une Commission ne se penche pas sur le problème de la protection du contribuable de bonne foi. Des pas considérables ont déjà été accomplis sur ce terrain avec la protection du contribuable contre le changement de doctrine et le rapport Fouquet.[11] a fourni une abondante source d’inspiration pour accroître la sécurité juridique en matière fiscale. La notion de bonne foi ne se résume pas pour la doctrine.[12] au prononcé et à la modulation des pénalités. L’analyse du concept de bonne foi révèle une bonne foi de connaissance et une bonne foi d’action ; la première résulte d’une croyance et la seconde d’un certain comportement. La croyance inexacte mais sincère en l’existence d’une situation juridique régulière et la conscience d’agir sans léser les droits du Trésor méritent une protection juridique que la loi interprétative ou le cavalier budgétaire de remise en question d’une jurisprudence favorable au contribuable ne donne pas.
III. Le vrai problème n’est-il pas ailleurs ?
On sait très bien en communication qu’une nouvelle idée tue celle qui la précède. Les contribuables s’inquiétant de la hausse de la CSG et les bérets rouges restant à l’esprit du personnel politique, il devenait urgent de mettre en place un discours de réassurance sur la prise en compte du quotidien du contribuable moyen.
Quoiqu’on en dise, les personnels de la DGFiP savent déjà très bien appliquer les pénalités de mauvaise foi à bon escient, connaissent parfaitement le régime des remises gracieuses et utilisent les remises d’office quand ils le peuvent. Pour certains impôts, ces mesures sont techniquement impossibles sur les droits.[13] mais peuvent être employées pour les pénalités. La procédure de l’article L 62 LPF.[14] est appliquée par les vérificateurs. Il n’y a donc pas de problème de fond. Cependant, il paraît nécessaire de faire croire qu’il y en a un afin de donner du grain à moudre à l’attention des médias et du public. Celui-ci ne manquera pas d’être touché par la sollicitude du fisc. Les professionnels sont eux passés au logiciel.[15] anti-erreurs pour présenter un compte de résultat neutre.
A l’heure où la pression fiscale devient de plus en plus forte, il est nécessaire pour le fisc d’apparaître juste dans son comportement. Le droit à l’erreur apparait ainsi comme la reconnaissance d’un principe d’équité.[16] mettant au même niveau de droits dus sans pénalité, le contribuable de bonne foi qui a commis une erreur déclarative ou comptable avec celui qui n’en a pas commis.
Reste que le taux de pression fiscale atteint dans notre pays devient en lui-même une véritable incitation à la fraude. La révolte fiscale n’aura peut-être pas lieu.[17] mais le taux de pression mérite d’être analysé comme une excuse juridique.