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Taxes diverses

Article 1518 B du CGI : le transfert isolé de locaux nus ne suffit pas à caractériser une cession d’établissement

Le juge de l'impôt confirme, en matière de taxe foncière, qu’en l’absence de transfert du faisceau d’éléments mobiliers indispensable à une exploitation autonome, l’application du « plancher » de valeur locative instauré par l’article 1518 B du CGI est dépourvue de base légale. Le transfert isolé de locaux nus ne suffit pas à caractériser une cession d’établissement.

 

L'article 1518 B du CGI vise à éviter l'érosion de la base d'imposition à la taxe foncière et à la cotisation foncière des entreprises (CFE) lors d'opérations de restructuration entre entreprises. Il prévoit notamment que la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements ne peut être inférieure à une fraction de la valeur locative retenue l'année précédant l'opération.

 

L'article 1518 B du code général des impôts (CGI) a pour objet d'éviter qu'à l'occasion de ces cessions, les communes ou leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dotés d'une fiscalité propre ne subissent des pertes de matière imposable trop importantes alors même que la cession des biens est sans incidence sur l'activité de l'établissement cédé.

 

BOI-IF-CFE-20-20-20-20

 

Pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 1992, cette fraction est fixée aux quatre cinquièmes du montant antérieur. De plus, le 11ème alinéa de cet article, introduit pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2011, prévoit que cette valeur locative ne peut être inférieure à 100% de son montant avant l'opération lorsque l'entreprise cessionnaire ou bénéficiaire de l'apport contrôle l'entreprise cédante ou est contrôlée par elle, ou lorsque ces deux entreprises sont contrôlées par une même entité.

 

L'article 310 HA de l'annexe II du CGI définit quant à lui la notion d'établissement comme :

 

toute installation utilisée par une entreprise en un lieu déterminé, ou d'une unité de production intégrée dans un ensemble industriel ou commercial lorsqu'elle peut faire l'objet d'une exploitation autonome

 

La question centrale posée par cette affaire était de déterminer si la simple cession d'un ensemble immobilier, accompagnée du transfert du bail commercial et de la poursuite de la même activité par le cessionnaire, peut être qualifiée de "cession d'établissement" au sens de l'article 1518 B du CGI.

 

Rappel des faits :

La société SJ a acquis, par acte notarié du 22 décembre 2017, un ensemble immobilier à usage d'établissement industriel situé dans la commune d'Hérouville-Saint-Clair (Calvados) auprès de la société FB.

Pour déterminer la valeur locative de cet ensemble immobilier, base de la taxe foncière sur les propriétés bâties, l'administration fiscale a fait application des dispositions de l'article 1518 B du CGI, considérant qu'il s'agissait d'une cession d'établissement.

Contestant cette qualification, la société SJ a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018 à 2021. Par un jugement du 10 juillet 2023, le tribunal a rejeté sa demande, estimant que la cession du 22 décembre 2017 constituait bien une cession d'établissement au sens de l'article 1518 B du CGI.

 

La société SJ s'est pourvue en cassation contre ce jugement.

 

Bien que l'arrêt ne détaille pas l'intégralité des arguments échangés, on peut imaginer que La société SJ soutenait que la simple acquisition d'un ensemble immobilier, même accompagnée du transfert du bail commercial et de la poursuite de la même activité, ne constituait pas une cession d'établissement au sens de l'article 1518 B du CGI.

 

Le Conseil d'État vient de casser le jugement du TA de Caen pour erreur de droit et de renvoyer l'affaire devant ce même tribunal.

 

La Haute juridiction précise que, pour l'application de l'article 1518 B du CGI :

un établissement doit être regardé comme ayant fait l'objet d'une cession lorsque l'ensemble des éléments mobiliers et immobiliers qui étaient nécessaires à l'exercice autonome de son activité ont été cédés à une même personne, en vue de la poursuite, avec ces moyens, d'une activité

 

Le Conseil d'État en déduit qu'

à ce titre, la cession de locaux nus, à l'exclusion des autres immobilisations corporelles, ne peut être regardée comme une cession d'établissement au sens de ces dispositions, alors même qu'elle s'accompagnerait du transfert du contrat de bail conclu pour l'occupation de ces locaux et que la même activité y serait poursuivie avec ces immobilisations corporelles

 

En l'espèce, le tribunal administratif a commis une erreur de droit en se fondant uniquement sur trois circonstances pour qualifier l'opération de cession d'établissement :

  • l'acquisition d'un ensemble de bâtiments à usage industriel,
  • le transfert du bail commercial,
  • et la poursuite de la même activité dans des conditions identiques.

Ces éléments ne suffisent pas, selon le Conseil d'État, à caractériser une cession d'établissement au sens de l'article 1518 B du CGI.

 

Cette décision nous rappelle que l’article 1518  B du CGI ne saurait recevoir une interprétation extensive ; son champ est limité aux hypothèses où l’acquéreur peut, grâce au seul périmètre cédé, exploiter de manière autonome l’activité auparavant exercée par le cédant. Les sociétés procédant à de simples réorganisations foncières sans transfert d’outil de production peuvent donc écarter la valeur locative plancher. 

 

Soulignons que la solution n'est pas nouvelle, en matière de taxe professionnelle la Conseil d'Etat a déjà jugé "qu'un établissement doit être regardé comme ayant fait l'objet d'une cession lorsque l'ensemble des éléments mobiliers et immobiliers, corporels et incorporels, qui sont nécessaires à l'activité exercée ont été acquis par un même redevable qui y poursuit une activité identique" (CE 3 septembre 2008, n°295010).

De même, par un arrêt du 28 mai 2004, le Conseil d'État a jugé que la cession de locaux nus, à l'exclusion des autres immobilisations corporelles, ne peut être regardée comme une cession d'établissement au sens de cet article 1518 B du CGI, alors même que l'activité y serait poursuivie par le cédant ou par un tiers avec les immobilisations identiques (CE du 28 mai 2004, n°232285)

 

TL;DR

  • Cession d'établissement au sens de l'article 1518 B du CGI  : il doit s'agir d'une cession portant sur l'ensemble des éléments mobiliers et immobiliers nécessaires à l'exercice autonome d'une activité, cédés à une même personne en vue de la poursuite de cette activité avec ces moyens.
  • Est exclue de cette qualification la cession de locaux nus, même accompagnée du transfert du contrat de bail et de la poursuite de la même activité, dès lors que les autres immobilisations corporelles nécessaires à l'activité ne sont pas également cédées.

 

 

 

 

Publié le vendredi 9 mai 2025 par La rédaction

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