La juridiction administrative confirme que les intérêts perçus par une holding au titre des prêts consentis à ses filiales constituent pour elle l’une des modalités courantes et normales de poursuite du profit, caractérisant son modèle économique. Partant les produits financiers résultant de ces prêts font partie du chiffre d’affaires de cette holding pour l'appréciation du seuil de 7 630 000 €.
A l'exception de celles mentionnées à l'article 235 ter ZC-III bis du CGI, les personnes morales assujetties à la contribution sociale prévue à l'article 235 ter ZC du CGI sont celles qui réalisent des résultats imposables, pour tout ou partie, à l’IS aux taux mentionnés à l’article 219 du CGI-I et IV.
S'agissant du chiffre d'affaires, la doctrine BOFIP en vigueur à l'époque des faits précisait :
Le chiffre d’affaires s’entend du montant hors taxes des recettes réalisées par le redevable dans l’accomplissement de son activité professionnelle normale et courante. Il n’est pas tenu compte des produits financiers sauf dans les cas où la réglementation particulière propre à certains secteurs d’activité le prévoit, ni des recettes revêtant un caractère exceptionnel, telles que les produits provenant de la cession d’éléments de l’actif immobilisé. Il est précisé que les dividendes reçus par les redevables dont l’activité consiste en la gestion de leur patrimoine mobilier ne sont pas pris en compte pour la détermination de leur chiffre d’affaires.
Les refacturations de frais effectuées entre sociétés ne sont pas prises en compte pour l’appréciation du chiffre d’affaires lorsqu’elles présentent le caractère de débours au sens de l’article 267-II-2° du CGI.
Le chiffre d’affaires ainsi défini à retenir pour l’appréciation de la limite de 7 630 000 € est celui réalisé par le redevable au titre de l’exercice ou de la période d’imposition au titre duquel le montant de l’IS est déterminé. (BOI-IS-AUT-10-10, n°20)
Rappel des faits :
La société de droit néerlandais M B.V. détient 100 % du capital de dix SCI et de deux SNC qui exploitent des immeubles situés en France. Elle a été soumise à l’impôt sur les sociétés en France sur les résultats de ces sociétés, en application notamment de l’article 218 bis du CGI. L’administration fiscale ayant constaté, lors de la liquidation définitive de l’impôt sur les sociétés, une insuffisance de versement à la contribution sociale sur cet impôt au titre des exercices clos en 2013 et 2015, la contribution non acquittée a été mise en recouvrement assortie d’une majoration de 5 %, pour un montant total de 323 024 €.
le tribunal administratif de Montreuil ayant rejeté sa demande de décharge de cette imposition, la société M B.V. s'est pourvue en cassation contre l’arrêt du 31 mai 2022 par lequel la CAA de Versailles a rejeté son appel contre ce jugement.
Si la société M B.V. revendique le bénéfice de l’exonération prévue à l’article 235 ter ZC du CGI, dans sa rédaction applicable, le ministre de l’économie, des finances et de la relance fait valoir que le bénéfice de celle-ci ne saurait lui être reconnu, faute pour elle de remplir la condition tenant à ce qu’elle ait réalisé, au titre de chacun des exercices clos en cause, un chiffre d’affaires de moins de 7 630 000 €. Il admet, en revanche, expressément qu’était remplie l’autre condition posée par cet article tenant à la détention du capital.
Le Conseil d'Etat vient de rejeter la requête de la société M B.V.
Pour l’application de ces dispositions, le chiffre d’affaires s’entend du montant des recettes tirées de l’ensemble des opérations réalisées par le redevable dans le cadre de son activité professionnelle normale et courante, y compris, le cas échéant, eu égard à son modèle économique, les produits financiers, souligne le Conseil d'Etat.
Pour la Cour Administrative d'Appel durant les années en cause, la société M B.V. société holding, a eu pour seule activité la détention de participations dans des SCI et des SNC situées en France et l’octroi de prêts à celles-ci. Dans ces conditions, la Cour a estimé que les produits financiers résultant de ces prêts, dont la perception constitue alors l’une des modalités courantes et normales de poursuite du profit par l’entreprise, caractérisant son modèle économique, font partie de son chiffre d’affaires.
Le Conseil d'Etat confirme que les intérêts perçus par la holding au titres des prêts consentis à ses filiales constituaient pour elle l’une des modalités courantes et normales de poursuite du profit, caractérisant son modèle économique. Partant les produits financiers résultant de ces prêts faisaient doivent partie du chiffre d’affaires de la société M B.V. pour l'apprécation du seuil de 7 630 000 €.
En premier lieu, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour a relevé que, durant les années en cause, la société M B.V. avait eu pour seule activité la détention de participations dans des sociétés civiles immobilières et des sociétés en nom collectif situées en France, et l’octroi à celles-ci de prêts, lesquels produisaient des intérêts dont la perception constituait pour la société l’une des modalités courantes et normales de poursuite du profit, caractérisant son modèle économique. Il résulte de la règle énoncée au point 3 que la cour a pu en déduire, sans commettre d’erreur de droit, que les produits financiers résultant de ces prêts faisaient partie du chiffre d’affaires de la société M B.V.
En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour a relevé, par des motifs non contestés en cassation, que les revenus d’intérêts versés à la société M B.V. au titre des prêts mentionnés au point 4, par les sociétés de personnes qu’elle détenait se sont élevés à respectivement 13 986 762 et 15 071 111 euros au titre des exercices clos en 2013 et 2015. Il en résulte, ainsi que de ce qui précède, que la société M B.V. n’est pas fondée à soutenir que, pour constater que la condition de chiffre d’affaires posée par les dispositions de l’article 235 ter ZC du code général des impôts citées au point 2 n’était pas remplie, la cour aurait confondu ses propres résultats avec les revenus immobiliers des sociétés de personnes qu’elle détenait.