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Revenus professionnels

La déductibilité des remboursements de trop-perçus d'honoraires : entre sanction ordinale et charges normales d'exploitation

Cette décision d'admission de pourvoi soulève une question en matière de fiscalité des professions libérales : dans quelle mesure un remboursement de trop-perçu d'honoraires, imposé par l'instance ordinale, peut-il constituer une charge déductible du revenu professionnel ? 

 

Pour mémoire, la déductibilité des charges professionnelles obéit aux principes généraux posés par l'article 93 du CGI pour les BNC. Sont ainsi déductibles les charges engagées dans l'intérêt de la profession et se rattachant à l'exercice normal de celle-ci. Cette notion d'exercice normal constitue le critère déterminant, excluant notamment les charges ayant un caractère somptuaire ou résultant de fautes personnelles.

 

S'agissant spécifiquement de la profession d'avocat, la déontologie professionnelle impose des obligations strictes en matière d'honoraires, codifiées dans le règlement intérieur national de la profession. Le contrôle du respect de ces obligations relève de la compétence du bâtonnier, dont les décisions peuvent faire l'objet d'un recours devant le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel, conformément aux dispositions de la loi du 31 décembre 1971.

 

Rappel des faits :

Maitre A (Avocat)  s'est vu imposer par décision du bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris du 22 janvier 2012, confirmée le 3 mai 2016 par le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de Paris, le remboursement à une cliente d'un trop-perçu d'honoraires d'un montant de 157.272 €. Comme l'a souligne le contribuable, ces décisions n'ont donné lieu à aucune mesure disciplinaire prononcée par les instances ordinales. Autrement dit, le trop-perçu d'honoraires ne résultait pas d'un manquement déontologique caractérisé justifiant une sanction disciplinaire, mais plutôt d'une appréciation différente de la valeur des prestations accomplies ou d'un défaut de proportionnalité entre les honoraires perçus et les services rendus.

Le litige trouve son origine dans un contrôle fiscal portant sur l'année 2017 de M°A. L'administration fiscale a procédé à un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ainsi qu'à un contrôle sur pièces de son activité professionnelle. M°A revendiquait la déductibilité de charges professionnelles, notamment une somme sus-indiquée de 157 272 € correspondant au remboursement à une cliente d'un trop-perçu d'honoraires. 

Concernant la déductibilité de cette somme de 157 272 €, la CAA de Paris, par arrêt du 26 septembre 2024 a confirmé la position de l'administration fiscale en jugeant que cette somme ne pouvait être regardée comme une charge se rattachant à l'exercice normal de la profession même en l'absence de sanction disciplinaire.

 

M°A s'est pourvu en Cassation

Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

 

M°. A conteste l'analyse de la Cour :

  • il soutient d'abord que la Cour a commis une erreur de droit en refusant de reconnaître le caractère déductible du remboursement, au motif principal que celui-ci s'inscrit dans l'exercice normal de sa profession d'avocat. Il insiste sur l'absence de toute mesure disciplinaire accompagnant les décisions de remboursement
  • il se prévaut d'une insuffisance de motivation et d'une inexacte qualification juridique des faits par la cour d'appel. Selon lui, le caractère contraignant du remboursement, imposé par l'autorité ordinale dans le cadre de l'exercice de ses prérogatives de contrôle déontologique, suffit à caractériser une charge professionnelle déductible.

 

La haute juridiction administrative vient d'admettre le pourvoi de M°A sur cette question du remboursement d'honoraires de 157 272 €

 

L'admission du pourvoi ne préjuge pas du sens de la future décision, mais laisse présager une possible évolution de la jurisprudence en matière de charges déductibles des professions libérales  particulièrement s'agissant des remboursements ordonnés par les autorités ordinales.

 

Le Conseil d'État pourrait être amené à préciser les critères de distinction entre les remboursements relevant de l'exercice normal de la profession et ceux constituant des sanctions non déductibles. L'absence de mesure disciplinaire concomitante pourrait constituer un élément déterminant dans cette appréciation.

Publié le lundi 23 juin 2025 par La rédaction

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