Par trois arrêts du 1er mars 2011, du 15 mars 2011 et du 10 mai 2011, la Cour de cassation, adoptant l’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne (C.J.U.E., 28 octobre 2010, Etablissements Rimbaud SA, affaire C-72/09), considère que le principe de libre circulation des capitaux prévu par l’article 40 de l’accord sur l’Espace économique européen1 ne s’oppose pas à une législation nationale telle que la taxe annuelle de 3% prévue aux articles 990 D et suivants du CGI
L'administration vient de tirer les conséquences de ces arrêts dans la doctrine administrative
Il ressort des dispositions des articles 990 D et suivants du code général des impôts que les personnes morales qui détiennent directement ou indirectement des immeubles en France sont redevables d’une taxe annuelle égale à 3% de leur valeur vénale.
Dans leur rédaction applicable au litige, ces dispositions exonéraient de la taxe deux catégories de personnes morales :
- d’une part, celles qui, ayant leur siège en France, communiquent annuellement à l’administration fiscale, ou prennent et respectent l’engagement de le faire sur sa demande, la situation et la consistance des immeubles possédés au 1er janvier, l’identité et l’adresse de leurs actionnaires, associés ou autres membres, le nombre des actions, parts ou autres droits détenus par chacun d’eux et la justification de leur résidence fiscale ;
- d’autre part, celles qui, ayant leur siège dans un autre Etat que la France, se soumettent à la même formalité annuelle de déclaration, à condition toutefois, dans leur cas, qu’ait été conclu entre la France et l’Etat dans lequel elles ont leur siège une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ou un traité en vertu duquel les personnes morales concernées ne doivent pas être soumises à une imposition plus lourde que celle des personnes morales qui ont leur siège de direction effective en France.
Le bénéfice de l’exonération de la taxe de 3% étant subordonné au respect de certaines obligations déclaratives.
Le traité instituant la Communauté européenne (traité CE) prévoit en son article 56 (ancien article 73 B) l’interdiction de toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers. L’article 40 de l’Accord sur l’E.E.E énonce que dans le cadre du présent accord, les restrictions entre les parties contractantes aux mouvements de capitaux appartenant à des personnes résidant dans les Etats membres de la CE ou dans les Etats de l’AELE, ainsi que les discriminations de traitement fondées sur la nationalité ou la résidence des parties ou sur la localisation du placement, sont interdites.
S’agissant de la compatibilité de l’ancien dispositif instituant la taxe de 3% au regard des principes communautaires, la C.J.U.E. dans une décision, Etablissements Rimbaud, du 28 octobre 2010 juge que si la législation française constitue une restriction à la libre circulation des capitaux (considérant n°29) celle-ci est justifiée par des objectifs de lutte contre la fraude fiscale (considérant n°51).
Par ces motifs, elle a dit pour droit que « l’article 40 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, ne s’oppose pas à une législation nationale telle que celle en cause au principal qui exonère de la taxe sur la valeur vénale des immeubles situés sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne les sociétés qui ont leur siège social sur le territoire de cet Etat et qui subordonne cette exonération, pour une société dont le siège social se trouve sur le territoire d’un Etat tiers membre de l’Espace économique européen, à l’existence d’une convention d’assistance administrative conclue entre ledit Etat membre et cet Etat tiers en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ou à la circonstance que, par application d’un traité comportant une clause de non-discrimination selon la nationalité, ces personnes morales ne doivent pas être soumises à une imposition plus lourde que celle à laquelle sont assujetties les sociétés établies sur le territoire d’un Etat membre ».
Se fondant sur la décision précitée de la C.J.U.E., la Cour de cassation a, par trois arrêts des 1er mars 2011, 15 mars 2011 et 10 mai 2011, rejeté les moyens de cassation relatifs à la violation des articles 56 du traité CE et 40 de l’accord E.E.E.
En effet, l’impossibilité, pour une société sise au Liechtenstein, de s’exonérer de la taxe de 3% était justifiée par l’absence de convention d’échange de renseignements entre la France et le Liechtenstein.
Un accord d’échange de renseignements en matière fiscale a été signé le 22 septembre 2009 entre la France et la principauté du Lichtenstein. Il est entré en vigueur le 19 août 2010 (décret n° 2010-1539 du 10 décembre 2010). Ainsi, à compter du 1er janvier 2010 les sociétés sises au Liechtenstein peuvent s’exonérer de la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France sur le fondement de l’article 990 E 3° du code général des impôts dès lors qu’elles remplissent les obligations déclaratives prévues par ce texte.
De même le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision n° 2011-165 QPC du 16 septembre 2011 que la taxe de 3% dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2008 était conforme à la Constitution dès lors qu’elle permettait de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale.