La qualification des espaces de "coworking" au regard de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement (TSB), prévue à l'article 231 ter du CGI, alimente un contentieux depuis plusieurs années. L'enjeu est important dans la mesure où les locaux à usage de bureaux sont soumis à un tarif spécifique et ne bénéficient d'un abattement qu'à hauteur de 100 mètres carrés, tandis que les locaux commerciaux ne sont taxés qu'au-delà de 2 500 mètres carrés.
Au cas particulier, la question centrale était de savoir si ces espaces doivent être qualifiés de "locaux commerciaux", au motif que l'opérateur y exerce une activité de prestation de services à caractère commercial, ou de "locaux à usage de bureaux", au motif que les utilisateurs finaux y exercent une activité de bureau. Les juridictions du fond ont adopté des positions divergentes, le TA de Paris s'étant montré favorable à la qualification de locaux commerciaux. L'arrêt de la CAA infirmant le jugement de première instance, a recentré le débat sur l'utilisation effective.
L'arrêt rendu par le Conseil d'État vient clore ce débat.
Rappel des faits :
La SAS DKO, propriétaire d'un immeuble à Paris, est le redevable légal de la TSB. Elle loue cet immeuble à la société DKP, qui y exploite une activité de "coworking". Ayant acquitté la taxe sur la base de 1 206 mètres carrés de "bureaux", la société DKO a ensuite présenté une réclamation, soutenant que les locaux devaient être qualifiés de "locaux commerciaux" en raison de l'activité de prestation de services globale fournie par l'exploitant (DKP). L'administration fiscale a partiellement admis la réclamation, en dégrevant les surfaces non litigieuses (détente, tisanerie, barbier, locaux techniques).
Le TA de Paris, saisi du solde, a donné raison au contribuable et prononcé la décharge.
Sur appel du ministre, la CAA de Paris a, à l'inverse, annulé ce jugement et rétabli les impositions, jugeant que les locaux étaient bien à usage de bureaux.
Notre commentaire de l'arrêt de la CAA de Paris : Taxe sur les bureaux : un espace de « coworking » n'est pas un local commercial mais un bureau !
La société DKO s'est donc pourvue en cassation contre cet arrêt.
- Le cœur de son argumentation repose sur une approche économique de la situation. Elle soutient que l'activité de l'exploitant, la société DKP, n'est pas une simple mise à disposition d'espaces, mais une offre intégrée et complexe de services (accueil, conciergerie, accès à des espaces de convivialité, services de bien-être). Cette activité globale relevant d'une prestation de services à caractère commercial, les locaux servant à l'exercice de cette activité devaient, selon la société, être qualifiés de "locaux commerciaux" au sens de l'article 231 ter-III-2° du CGI.
Le Conseil d'État vient de rejeter le pourvoi
Se fondant sur une lecture stricte des dispositions de l'article 231 ter du CGI la Haute Juridiction énonce que...
...pour l’application de ces dispositions, seule doit être prise en compte l’utilisation effective des locaux au 1er janvier de l’année d’imposition
Appliquant ce principe aux faits le Conseil d'État opère une distinction entre l'activité de l'opérateur et l'usage fait par l'occupant. Il reconnaît que l'exploitant DKP offre des services complémentaires variés. Toutefois, il juge que...
...les locaux en litige (...) n’en demeurent pas moins utilisés effectivement comme bureaux par les clients à la disposition desquels ils sont mis
Le Conseil d'État écarte donc l'analyse fondée sur l'activité de l'opérateur. Il juge que la cour n'a commis aucune erreur de droit en qualifiant les locaux de bureaux
nonobstant les prestations de services proposées
et
sans qu’ait d’incidence sur cette qualification la circonstance (...) que l’activité de la société Deskopolitan revêtirait une nature commerciale
Le Conseil d'État consacre une approche purement fonctionnelle et matérielle de la qualification des locaux, fondée exclusivement sur l'usage qui en est fait par l'occupant final. Il rejette l'approche économique, qui aurait consisté à qualifier le local en fonction de la nature de l'activité commerciale de l'opérateur qui les met à disposition.
Pour l'application de l'article 231 ter du CGI, un espace de coworking est un local à usage de bureaux.